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Comment la distinction emplois abrités/exposés a pris le pas sur celle entre le secondaire et le tertiaire
©REUTERS/Stephane Mahe

Bonnes feuilles

Un constat s’impose : l’imbrication de l’industrie et des services est devenue si forte qu’elle rend de moins en moins pertinente la distinction traditionnelle entre les emplois industriels et les emplois tertiaires. À l’heure de la globalisation, il est en revanche très instructif de distinguer les emplois exposés à la concurrence internationale, qui concourent à la production des biens et services échangeables par-delà les frontières, de ceux qui en sont abrités. Extrait de "Dynamique des emplois exposés et abrités en France" Philippe Frocrain et Pierre-Noël Giraud, publié aux Presses des mines. 1/2

Philippe Frocain

Philippe Frocain

Philippe Frocrain est doctorant en économie

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Pierre-Noël  Giraud

Pierre-Noël Giraud

Pierre-Noël Giraud est professeur d’économie à Mines ParisTech

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Chaque pays a deux économies. La première, connectée à l’économie mondiale, regroupe les emplois exposés. Ces emplois concourent à la production des biens et services échangeables par-delà les frontières, et sont donc en concurrence avec des emplois situés dans d’autres pays (ingénieurs en logiciels, ouvriers de l’automobile, viticulteurs, etc.). La seconde économie est constituée d’emplois abrités, qui ne sont en concurrence directe qu’avec des emplois situés dans le même territoire. Le plus souvent, ces emplois sont abrités parce que la production doit être réalisée à proximité du bénéficiaire, voire en sa présence (médecins, boulangers, enseignants, etc.). Les activités exposées, pour lesquelles les lieux de production et de consommation peuvent être différents, ont tendance à se concentrer pour profiter d’externalités positives tandis que les emplois abrités restent proches des consommateurs. En mesurant leur répartition géographique on peut donc distinguer ces deux catégories d’emplois.

L’emploi exposé est minoritaire, en recul, et se « tertiarise »

On observe ainsi que l’emploi exposé est minoritaire et en recul: il est passé en France de 30% à 26,8% de l’emploi total entre 1999 et 2013. Le secteur abrité est le véritable moteur de l’emploi: il progresse de 2,37 millions d’unités entre 1999 et 2013, alors que le secteur exposé perd 204 000 emplois. Néanmoins les gains de productivité sont supérieurs dans le secteur exposé. Les salaires y sont en moyenne 25 % plus élevés que dans le secteur abrité, et croissent plus rapidement, alors que les niveaux de qualification sont comparables. Enfin, les emplois de services exposés représentent désormais plus d’un emploi exposé sur deux (sièges sociaux, centres d’appel, programmation informatique, hôtellerie, etc.). Toutefois, l’essor de ces activités (+ 780 000 emplois entre 1999 et 2013) profite à un nombre restreint de bassins d’emplois, correspondant aux espaces métropolitains, à la façade atlantique, et au pourtour méditerranéen. Inversement, la diminution continue de l’emploi industriel (-755 000 emplois) déstabilise un grand nombre d’économies locales.

L’emploi exposé exerce un effet multiplicateur sur l’emploi abrité

Pour différents qu’ils soient, les emplois exposés et les emplois abrités n’en demeurent pas moins articulés et interdépendants. En particulier, l’implantation d’entreprises de secteurs exposés est un puissant levier de développement de l’emploi abrité local, car les nouveaux travailleurs consomment des biens et services abrités. On parle de «multiplicateur d’emploi local». Selon nos estimations, sur la période 2004-2013, lorsque 100 emplois exposés apparaissent dans une zone de France métropolitaine, environ 64 emplois abrités sont créés au sein de la même zone.

Améliorer la productivité des secteurs abrités pour éviter d’accroître les inégalités

Pour rester compétitives, les entreprises exposées ont intérêt à ce que les prix – et donc les salaires – demeurent contenus dans le secteur abrité, afin de limiter la hausse du coût des intrants. Mais contenir les prix dans le commerce de proximité, les services à la personne, ou les administrations, accroît les inégalités déjà perceptibles entre les employés des deux groupes. Il paraît donc préférable de viser une «sortie par le haut», consistant d’abord à agir sur la productivité des abrités. En suivant cette voie, on peut améliorer la compétitivité-coût du secteur exposé tout en contenant les inégalités salariales entre emplois exposés et abrités. Pour y parvenir, reste à déterminer comment combiner des politiques d’intensification de la concurrence au sein du secteur abrité avec d’autres politiques de formation, de soutien à l’innovation et de diffusion des technologies.

Extrait de "Dynamique des emplois exposés et abrités en France" Philippe Frocrain et Pierre-Noël Giraud, publié aux Presses des mines.

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