Comment faire face quand la rupture d’approvisionnement en médicaments met la santé des patients en péril (oui, oui, on parle bien des pharmacies françaises !)<!-- --> | Atlantico.fr
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Les ruptures d'approvisionnement de médicaments ont pris de l'ampleur en 2015.
Les ruptures d'approvisionnement de médicaments ont pris de l'ampleur en 2015.
©REUTERS/Srdjan Zivulovic

Pénurie

Cette semaine, l'Ordre national des pharmaciens a organisé une conférence de presse pour évoquer les ruptures d'approvisionnement de médicaments. Un phénomène qui a pris de l'ampleur en 2015.

Isabelle Adenot

Isabelle Adenot

Isabelle Adenot est présidente du conseil national de l'ordre des pharmaciens et présidente de la conférence internationale des ordres francophones.

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Atlantico : L'Ordre national des pharmaciens vient d'évoquer les ruptures d'approvisionnement de médicaments. Quelle est l'ampleur du phénomène ?

Isabelle Adenot : L'ampleur du phénomène n'a fait que s'accélérer dernièrement même s'il commence enfin à se stabiliser. Tout est accessible sur le site de l'Ordre National des Pharmaciens puisque des tableaux sont mis à jours tous les mois. Depuis février 2015 et la mise en place de ces tableaux nous en sommes à 170 médicaments qui manquent chaque mois. On ne peut pas dire qu'il y a une pénurie sur les quelques 14 360 médicaments. C'est tout de même très gênant pour les patients qui ont besoin de médicaments essentiels, c'est-à-dire sans alternative thérapeutique. D'autres médicaments peuvent manquer mais commes ils ont des équivalents thérapeutiques, cela est moins grave, même si pour les patients une certaine angoisse peut être générée. Changer un médicament pour le cœur ou pour la tension ce n'est pas si facile que cela. Ce qui compte c'est donc le nombre de médicaments mais également la durée du manque. 5 jours sans médicament, une solution facile est possible. Mais lorsqu'il manque pendant plusieurs mois, cela devient plus compliqué. Les 170 médicaments qui manquent chaque mois se sont stabilisés en nombre mais la durée quant à elle s'allonge.

Concrètement que ce passe t il lorsqu'il manque des médicaments dans une pharmacie pour un patient dans le besoin ? Quels sont les risques rencontrés ?

C'est évidemment au cas par cas. Pour les médicaments sans alternative thérapeutique, l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) les prend en charge. Le premier travail est de savoir si dans le monde il y a un stock qui pourrait servir à la France. Mais comme beaucoup de pays demandent en même temps, c'est toujours compliqué à gérer. Des médicaments venant du Brésil ou des Etats Unis peuvent être importés avec une autorisation de mise sur le marché prise en urgence. Les autorités peuvent également organiser un contingentement. En effet, lorsque la pénurie est un peu anticipée c'est-à-dire qu'il reste 5 000 médicaments, on ne les livre plus nulle part sauf procédure particulière. Après c'est des appels entre médecins et pharmaciens et du dépannage entre confrère bien évidemment. Dans certains cas c'était très serrés c'est sûr. L'année dernière par exemple il manquait des produits pour les allergies, il a fallu faire venir des stylos que l'on injecte lorsqu'il y a un problème d'allergie. Lorsque l'on se fait piquer et que l'on a une réaction allergique, il faut réagir en à peine deux heures... 

Quelle en est la cause ?

C'est la mondialisation, à la fois dans l'offre et à la fois dans la demande. Dans l'offre parce que les industriels n'ont parfois qu'un seul fournisseur de matériel là où parfois ils en avaient plein. Avec les fusions et la concentration qui posent un risque. Les stocks sont également réduits avec notamment des périodes de flux tendus. Au niveau de la demande, puisqu'il n'y a plus qu'un seul point de fourniture avec une consommation qui augmente en Chine ou en Afrique par exemple, les risques sont bien plus élevés. Des pays émergents donnent en ce moment la recommandation de soigner la coqueluche, la fabrication de vaccins n'augmente donc pas. Du coup soit la demande provoque la rupture, soit l'offre ne suit plus et là aussi il y a une rupture.

Comment résoudre ces problèmes d'approvisionnement ?

On ne pourra jamais résoudre la fatalité des choses. La Conférence internationale des ordres francophones que je préside vient de faire une déclaration sur les risques. Empêcher une pénurie est impossible. Il ne pouvait par exemple être prévu qu'un Tsunami toucherait au Japon une zone où étaient implantées des usines pharmaceutiques. Si une usine est unique au monde, il faut le temps de s'organiser. Ce que l'on peut faire c'est anticiper au mieux. La France est l'un des pays les mieux protégés finalement. Il aura fallu trois lois : en 2004, 2012 et 2015. En 2004 les industriels ont eu l'obligation d'informer s'il y avait un risque de rupture. En 2012, la loi définit légalement la rupture : pendant 72 heures on ne peut pas se procurer le médicament. Avec la loi de santé de 2015 les industriels vont avoir l'obligation de faire pour les médicaments essentiels, au préalable, un plan de gestion de pénurie. Le plan sera proposé aux autorités sanitaires. Si la matière première ne vient que d'une usine par exemple, des solutions d'anticipation devront être offertes. La deuxième chose c'est que les pharmaciens ne disposaient pas de bonnes informations par le passé. Dorénavant, grâce à un logiciel mis en place par l'Ordre des Pharmaciens, les déclarations se font automatiquement. Sans que le pharmacien n'agisse, si un médicament manque pendant 72 heures un mail sera directement envoyé au fabriquant. L'industriel aura alors l'obligation de répondre au pharmacien. La situation sera mieux gérée par le pharmacien pour moins d'angoisse pour le client. Nous avons donc créé un petit guide jaune donné lors de la conférence de presse d'aujourd'hui qui permettra aux pharmaciens d'être au courant des problématiques et des solutions mises en place en cas de rupture d'approvisionnement des médicaments.

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