Climat, Décroissance et Repentance : la sainte Trinité de l’écologisme radical<!-- --> | Atlantico.fr
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Les principales figures du mouvement EELV, Sandrine Rousseau, Delphine Batho, Eric Piolle et Yannick Jadot.
Les principales figures du mouvement EELV, Sandrine Rousseau, Delphine Batho, Eric Piolle et Yannick Jadot.
©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Environnement

L'écologisme radical appelle à une remise en question profonde de notre modèle de civilisation occidentale et de ses acquis scientifiques et technologiques.

Sébastien Point

Sébastien Point est un physicien, ingénieur et chercheur français. Il est spécialiste des sciences et technologies de l'éclairage et des effets biologiques et sanitaires de la lumière bleue.

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En Août 2021, Sandrine Rousseau, alors candidate à la primaire écologiste, déclarait, dans un entretien à Charlie Hebdo, qu’elle préférait "des femmes qui jettent des sorts plutôt que des hommes qui construisent des EPR". Ce message illustre selon nous le crédo d’un écologisme radical devenu religieux, et qui en appelle à une remise en question profonde de notre modèle de civilisation occidentale et de ses acquis scientifiques et technologiques.

Une nouvelle Trinité

En ce premier quart du vingt-et-unième siècle, 12 millions de nos compatriotes vivent sous le seuil de pauvreté et souffrent de précarité énergétique, 200 000 sont sans abris ; 700 millions d'êtres humains souffrent encore de la faim dans le monde ; entre 250 000 et 500 000 enfants pauvres développent une cécité chaque année par manque de vitamine A, élément essentiel à la chimie rétinienne, à cause d’un régime alimentaire trop pauvre en fruits et légumes. 4,5 milliards de personnes n’ont pas accès à des toilettes décentes, 1 million en France ; 844 millions de personnes à travers la planète n’ont pas d’accès direct à une source d’eau potable et parmi eux des centaines de millions s’approvisionnent dans des points d’eau non protégés des contaminations biologiques ou chimiques.

Ces quelques tristes chiffres montrent l’ampleur de la tâche à accomplir pour continuer d’améliorer le sort de l’Humanité. Il y a là de quoi donner largement de notre argent, de notre énergie et du temps qu’il nous est accordé sur cette Terre. On pourrait ainsi s’attendre à ce que les mouvements se réclamant de l’humanisme - et c’est le cas de l’écologie politique - prennent ces défis à bras le corps et remuent ciel et terre pour améliorer la condition humaine et diminuer la souffrance quotidienne des hommes, en France, en Europe et dans le monde. Qu’ils encouragent le développement des OGM, comme le riz doré, qui, parce qu’il est enrichi en bêta-Carotène que le corps sait transformer en Vitamine A, peut constituer un moyen efficace pour prévenir la cécité des enfants malnutris. Qu’ils encouragent la production industrielle de denrées alimentaires, qui, dans les pays occidentaux, a incroyablement amélioré la qualité nutritionnelle et sanitaire des aliments. Qu’ils applaudissent des deux mains chaque projet de centrale nucléaire, seul moyen actuel de répondre efficacement, continument et proprement aux besoins énergétiques qui ne cesseront de croître dans l’avenir, poussés par l’instinct vital des populations pauvres à passer de la survie à une vie plus douce. Bref, qu’ils soient les meilleurs alliés des développements scientifiques, technologiques et économiques pour le plus grand bénéfice de l’Humanité.

Mais non. Car, loin de placer l’Homme au centre des leurs préoccupations, nombre d’écologistes qui nous entourent et donnent de la voix dans les médias semblent décidés à sauver la Nature au détriment de la Nature Humaine.Vincent Le Rouzic, docteur en urbanisme, dans un discours prononcé devant le Sénat en 2010 dans le cadrede la finale du Prix Jeune Cicéron du discours politique, décrivait l’écologie politique comme un « nouvel humanisme qui ne met pas l'homme seul au-dessus du cosmos, mais qui le place dans la nature dont il reste, qu’il le veuille ou non, partie intégrante ». Reste à s’entendre sur ce qu’est la place de l’Homme dans la Nature. Et pour lui trouver une place qui convienne à son idéologie, l’écologie politique radicale semble s’évertuer à remplacer la dévotion à la sainte Trinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit par la dévotion à la sainte Trinité du Climat, de la Décroissance et de la Repentance.

Croisadeclimatique

Il est tout à fait probable que la théorie actuelle du réchauffement climatique d’origine anthropique soit juste, ou au moins pas totalement fausse.Dans une analyse[1] publiée en ligne sur le site The European Scientist, je démontrais cependant, en 2021, l’existence de lacunes méthodologiques qui affectaient les travaux cherchant à établir le consensus scientifique sur la réalité et l’origine du réchauffement climatique, lesquelles lacunes laissaient ouverte la possibilité que le niveau de consensus, estimé entre 97 et 100%, fût surévalué. J’appelais alors les climatologues à s’entendre sur une méthodologie plus rigoureuse pour évaluer leur travail, dans l’intérêt des sciences du climat. Cette anecdote permet de rappeler que, lorsque la science est en train de se faire, le doute raisonnable doit garder toute sa place dans les débats. Or, ce doute raisonnable fait désormais cruellement défaut et nous pensons que la théorie du réchauffement climatique d’origine anthropique est sacralisée via un processus d’évangélisation, avec ses prêtres ou prêtresses indignés (comme Greta Thunberg), ses grandes messes (comme les Conférences des Parties, ou COP), ses textes sacrés (comme les rapports du GIEC), ses martyrs malgré-eux (comme les ours blancs), ses hérétiques (les climato-sceptiques) et ses croisés tel Aurélien Barrau qui affirma un jour que l’Humanité venait d’entrer dans une ère de guerre totale face à l’urgence climatique. La théorie du réchauffement climatique d’origine anthropique est ainsi régulièrement manipulée comme une arme politiqueet des conclusions scientifiques parfois provisoires sont partagées largement, répétées inlassablement, déformées parfois, transformées en croyances figées via les mécanismes qui gouvernent la psychologie des foules, et convoquées pour soutenir des impératifs moraux.

Dans un Occident largement et peut-être trop imprudemment déchristianisé, le Climat apparaît ainsi comme un nouveau dogme religieux capable de rassembler des brebis égarées et de refaire société autour de combats pour des valeurs morales communes. Bref, une croisade.

Vœux de Décroissance

Cette évangélisation de la question climatique, comme tous les cultes, s’accompagne de conduites à tenir. Le culte climatique demande de faire vœux de Décroissance.

C’est ainsi que le mathématicien et médaille Fields Cédric Villani, soutenant Delphine Batho lors des primaires écologistes en 2021, affirma que la Décroissance était la voie à suivre, « le seul chemin réaliste » pour reprendre ses mots, et que nous avions « tout à y gagner en termes de sécurité, de qualité de vie, d'emploi et de créativité ». Mais la décroissance est une idée qui relève, selon nous, de la pensée magique car elle paraîtfaire fi de la donnée d’entrée fondamentale que constituent les aspirations humaines, au niveau de l’individu et de sa cellule familiale, en particulier le besoin deliberté, y compris celle d’entreprendre et de s’enrichir, le besoin depropriété, de satisfaction matérielle,de divertissement et d’accomplissement de soi, accomplissement dont on peut penser qu’il n’a, pour beaucoup de nos concitoyens, rien à voir avec la protection de la « planète » telle qu’elle nous est proposée par l’écologisme radical. Et le principe de réalité oblige à admettre que la croissance, cercle vertueux par lequel le progrès technique favorise les niveaux de vie et de connaissance, lesquels en retour alimentent le progrès technique, permet un recul - progressif et certes imparfait mais continu - de la pauvreté. C’est cette croissance qui nous permet, parce ce qu’elle nous a libérés des contraintes liées à la satisfaction des besoins vitaux primaires et extirpé collectivementde la grande pauvreté, de nous préoccuper de l’environnement et d’envisager de bâtir, petit à petit, un modèle de développement technologique et humain prenant en compte sa préservation. On peut donc s’interroger sur les motivations qui poussent des évangélistes écologistes radicaux à exiger de la population française qu’elle fasse vœux de Décroissance, tant son application, qui exigerait l’encadrement, par la collectivité, de la consommation et des choix individuels et familiaux, apparaît contraire aux aspirations de l’être humain et à la préservation des espaces naturels et des paysages.Il nous semble qu’une partie de la réponse réside dans le fait que l’écologisme radical en France se heurte à une quadrature du cercle que même Villani ne peut résoudre.

En effet, pour assurer un véritable avenir à l'Humanité qui comptera bientôt 8 milliards d’êtres à nourrir, loger, chauffer, et déplacer, il faudra produire beaucoup d'énergie, de la manière la plus efficace possible, et investir massivement dans un réseau de distribution pour partager cette énergie à travers le globe. Cette perspective est très difficilement envisageable sans l'industrie nucléaire. Produire de l'énergie atomique n’a qu’un faible impact sur la nature, et les problématiques liées à l'extraction des minerais et au devenir des déchets radioactifs pourront bénéficier des futurs progrès technologiques, notamment grâce aux réacteurs à neutrons rapides à caloporteur sodium, filière dans laquelle la France était chef de file avant l’abandon du programme Superphénixpar Lionel Jospin sous la pression des Verts, au sortir du 20ième siècle. Ce constat devrait pousser les écologistes français à demander plus de nucléaire, ce que la plupart refuse pour des raisons idéologiques. Refuser le nucléaire mais vouloir lutter contre les émissions de C02 pour freiner la dérégulation du climat, c’est cela la quadrature du cercle de l’écologie radicale française. C’est l’une des raisons pour lesquelles selon nous certains écologistes font de la décroissance énergétique, technologique et économique le fer de lance de leur croisade climatique, car la diminution de l’activité humaine - et peut être à terme de la « masse » humaine - est la seule option compatible avec l’abandon des énergies fossiles etatomiques.


Repentance de l’Homme rationnel

La population d'ours blancs semble avoir augmenté ces 50 dernières années, même s'il faut rester prudent quant aux biais potentiels dus aux différences dans les méthodes de comptage. De 8000 à 13000 ours dans les années 60/70, elle serait passée à 20 ou 25000 aujourd’hui. Au moins un auteur, le docteur Susan J. Crockford, une zoologiste canadienne, avance même un chiffre plus élevé -mais contesté- de 39 000. Quoi qu’il en soit, cette augmentation est notamment liée à la diminution importante de la chasse par les populations Inuit, chasse aujourd’hui soumise à autorisation. La population totale d'ours blancs est désormais stable, et même s’il est indispensable de poursuivre les recherches pour affiner le comptage des populations et prendre des mesures, si nécessaire, pour protéger l'espèce, il semble inexact de dire que les conditions actuelles de vie desservent significativement les niveaux de populations. Pourtant, l’ours blanc est devenu le symbole de la lutte contre le dérèglement climatique et les extinctions de masses subséquentes attribués aux ambitions démesurées d’une civilisation que l’on dit dominée par l’Homme « blanc » …. Cet arrangement avec la réalité est selon nous symptomatique d'une écologie politique radicale devenue religieuse qui s'appuie sur des idoles et sur une personnification de la Nature pour émouvoir, obtenir l'adhésion du public en dehors de toute réflexion rationnelle, culpabiliser la société occidentale et lui faire demander pardon. Ce glissement de l’écologie politique vers l’éco-ésotérisme et l’idolâtrie n’est pas une surprise.  Il existe depuis longtemps une proximité entre la pensée ésotérique « New-Age », invitant au refus de la technologie et au retour à la Nature, et l’écologisme, les deux mouvements s’étant construit en réaction à l’essor de la rationalisation de la société et du monde économique. Aujourd’hui, s’entremêlant dangereusement, ces mouvements diffusent l’idée que l’avenir est une décadence éloignant l’Homme d’une Nature déifiée, en dehors de laquelle rien n’est bon, et, comme Jésus de Nazareth dans le temple de Dieu, cherchent à renverser la table pour faire disparaître, à grand renfort de formules magiques, ce qui a fait la brillante réussite scientifique, technologique, et économique de la civilisation occidentale. Au profit de l’avènement d’un Homme nouveau, l’Homo éco-ésotéricus, adorateur de Gaïa, et dont le péché originel, celui d’exister et de laisser son empreinte Carbone sur Terre, devra être continuellement confessé et expié par le culte de la Décroissance,  de la repentance écologique et de la décolonisation de la société , trop marquée au goût des écologistes radicaux de la main des occidentaux qui ont eu l’horrible idée de construire une civilisation technologique anthropocentrée qui nous a permis de marcher sur la Lune.


[1]Sébastien Point, Réchauffement climatique : un regard critique sur le consensus, The European Scientist, 27 Août 2021.

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