Classement des salaires des patrons: le top 5 de ceux qui les ont le moins mérités<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Journal du Net vient de publier les rémunérations des grands patrons des 120 plus grandes sociétés françaises cotées en bourse.
Le Journal du Net vient de publier les rémunérations des grands patrons des 120 plus grandes sociétés françaises cotées en bourse.
©Reuters

Palmarès

Le Journal du Net vient de publier les rémunérations des grands patrons des 120 plus grandes sociétés françaises cotées en bourse. Mais au delà du simple montant, il convient d'analyser chaque salaire au regard des résultats de l'entreprise... Palmarès des salaires les plus illégitimes.

Louis  Vergeat

Louis Vergeat

Louis Vergeat est un ancien haut fonctionnaire, spécialiste de droit public et constitutionnel et d'économie. Son compte Twitter : @VergeatM

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L'objectif du classement auquel nous avons procédé est de déterminer les cinq premières entreprises dans lesquelles la rémunération perçue par le dirigeant parait véritablement déconnectée des performances de son entreprise. Pour parler de manière nette, il s'agissait donc de détecter les rémunérations qui sont contestables en valeur, qui semblent imméritées.

Avant d'énoncer ce classement, il convient d'apporter quatre précisions de méthode :

1. Par convention, nous avons comparé l'évolution de la rémunération (niveaux 2012 par rapport à 2011) à l'évolution du résultat net. Pour prendre une image illustrative, nous avons donc regardé le coût du dirigeant en dynamique par rapport à celle de son entreprise. C'est une approche par le prix du service rendu. Par une lecture de tendance comparée.

2. Donc, nous n'avons pas rapporté le niveau des salaires des patrons à un ratio lié à " x " fois le SMIC et poser des questions de justice sociale. Nous sommes restés sur un plan d'une éventuelle cupidité d'un dirigeant au regard de la situation financière de la firme.

3. Par ailleurs, nous avons pris un indicateur de comparaison (le résultat net) et nous n'avons pas pris un bouquet d'indicateurs de socio-performances qui aurait pu inclure l'évolution du dividende ou le climat social, etc.

4. Par conséquent, les rémunérations énoncées ci-dessous sont toutes légales (par rapport à leur publication obligatoire depuis la loi N.R.E de 2001) mais nous paraissent, au plan de l'efficacité collective, comme illégitimes voire abusives. A cet effet, nous renvoyons le lecteur à la vision du Doyen Pierre Bézard, ancien Président de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, qui a fait émerger dans notre droit la notion de " loyauté " du dirigeant. (Arrêt du 27 février 1996, notamment).

Examinons donc le " top 5 " des pratiques abusives et des rémunérations proportionnellement excessives :

N°1 : Havas

Son président, David Jones a perçu 3,12 millions d'euros de rémunération (et autres avantages) dont 0,91 million en fixe (+ 8,2%) et 2,12 mE (+ 202,4%) alors que le résultat net n'a été en 2012 que de 126 mE soit une hausse de 5% par rapport à 2011. Le chiffre d'affaire augmentant, quant à lui, de 8%. On constate clairement que le salaire fixe semble indexé sur l'évolution du C.A ce qui parait fort légitime. Hors, à la lecture du bilan de HAVAS, on a du mal à percevoir la justification d'une hausse de plus de 200% de la partie variable des gains.

N°2 : Technicolor

Son président, Frédéric Rose, a perçu 2,5 mE de rémunération en 2012 dont 0,8 de fixe et 1,152 de part variable : en hausse de 93%. A cela sont venus s'ajouter une part exceptionnelle de 0,586 mE. Là où les choses se compliquent pour le lecteur des états financier, c'est que l'évolution du C.A est quasiment " flat " : 3,450 milliards d'euros en 2011 et 3,481 en 2012 tandis que le résultat net 2012 est de 17mE. En examinant plus loin, il est même indiqué qu'il faut le considérer comme en perte de 22 mE si l'on inclut l'impact d'une amende (contestée) émise par les Autorités de la concurrence à Bruxelles. Si HAVAS montrait une rémunération variable très importante en évolution au regard de la dynamique de l'entreprise, ici – chez TECHNICOLOR – il y a déconnection entre la rémunération perçue par le dirigeant et la santé financière de l'entreprise.

N°3 : Lafarge

Entreprise traditionnellement vertueuse, LAFARGE est confrontée à un cas d'abus en 2012. Ainsi son président Bruno LAFONT a perçu 2,9 mE dont 0,95 de fixe et 1,168 de part variable (+ 80,2%) et 0,8 mE d'exceptionnel. Ceci alors même que l'évolution du chiffre d'affaires est quasiment nulle (autour de 15,82 milliards d'Euros de C..A) et que le résultat net avant les éléments non récurrents est de 432 mE ce qui représente une baisse de 18% par rapport à 2011. Là encore, la présentation de la rémunération des dirigeants (qui est obligatoire) est purement chiffrée et factuelle : elle ne motive en rien ce qui fonde la décision du conseil d'Administration d'avoir voté un tel " package " cette année-là. Dans ce type de cas, force est de constater qu'il sera intéressant de voir les futurs vote à valeur consultative (de type " say on pay ") des actionnaires quant à ce type de pratique.

N°4 : Société Générale

La SOCIETE GENERALE est hélas marquée par l'annonce de plans sociaux ou de plans de départs volontaires (qui fûrent sursouscrits ce qui en dit long sur plusieurs paramètres à commencer par le climat interne). Or, en 2012, son président, Frédéric OUDEA a perçu 2,3 mE de rémunération dont 1mE de fixe et 1,194 de part variable. Ceci alors que le résultat net part du groupe est passé de 2,385 Milliards d'E en 2011 à 774 millions en 2012. Autrement dit, il n'y a aucune corrélation (pour la part variable) entre cette forte baisse du résultat net et la rémunération du dirigeant. Dans un tel contexte financier et social, est-ce bien loyal au sens jurisprudentiel de ce terme ? Est-ce légitime alors que le produit net bancaire a baissé de 25,4 à 23,11 milliards d'euros ? La question ne peut pas ne pas venir à l'esprit de l'observateur extérieur ou de l'actionnaire voire du ou de la salariée.

N°5 :  Carrefour

Le dynamique président Georges PLASSAT a remplacé Lars OLOFSSON en mai 2012. Il est instructif de noter que l'ancien président percevait 1,35 mE de fixe et une part variable pouvant aller jusqu'à un chiffre situé entre 100 à 200% de la partie fixe. Soit, 2,7 mE comme rémunération totale. Alors qu'en 2011, le résultat net part du groupe des activités poursuivies était négatif de (1,86 milliard d'Euros). Point important, Lars OLOFSSON a perçu 1,5mE de clause de non-concurrence lors de son départ, s'est vu dispenser de l'obligation de présence requise pour l'exercice de ses stoks options (...) et a pu bénéficier de sa retraite chapeau obtenue exactement quinze jours après la date anniversaire de ses trois années chez CARREFOUR. Ainsi, une gestion contestée en interne et par certains grands actionnaires a tout de même donné lieu à un départ avantageux et totalement disjoint des performances.

Pour résumer, le top 5 des rémunérations excessives est donc :

  • 1) Havas
  • 2) Technicolor
  • 3) Lafarge
  • 4) Société Générale
  • 5) Carrefour  (ancienne présidence)

Tels sont donc les résultats d'un parfum de gourmandise dans un monde en crise.

A l'inverse, il est intéressant de relever que Fanck RIBOUD (DANONE) a vu sa part variable baisser de 24,6% alors que le résultat net n'augmentait que de 0,9%.  Que la part variable de Messieurs ARNAULT (LVMH pour 2,2mE) et AGON (L'OREAL : 1,785) est restée inchangée alors que la progression de leurs sociétés est établie. Et enfin, que le cas de Maurice LEVY restera un sujet de complexité : sur 4,8 mE (soit 33,33 % de hausse de rémunération), la part fixe a été ramenée à zéro en 2012 (- 100%) et la part variable augmentée de 77,8% à rapprocher de la progression de 22,8% du résultat net du Groupe PUBLICIS soit 737 mE. Nombre d'observateurs gardent en mémoire la polémique autour des 16 millions d'euros de bonus qui lui avait été accordés alors qu'il s'agissait d'une rémunération différée sur neuf ans et que son groupe a considérablement prospéré sur la dernière décennie. Il y a donc parfois collision d'affichage même chez les publicitaires dont le métier est pourtant de faire accepter les faits par des messages aussi pertinents que percutants.

Autre point, rarement évoqué, il est arrivé que des dirigeants voient leurs responsabilités engagées car ils ne " consacraient pas le temps nécessaire à la conduite des affaires sociales ". A cet effet, il n'est pas illégitime de se poser une question dans le cas de RENAULT et NISSAN. Alors que le résultat net de RENAULT plongeait de 18,8% à 1,735ME, la part variable de Carlos GHOSN baissait de 10% (soit une somme perçue de 1,440) et sa rémunération globale était érodée de 5,6%. Une interrogation demeure sur l'ajustement de la rémunération de ce grand dirigeant au regard de la crise de son secteur. D'autant que doté d'un don apparent d'ubiquité, son énergie lui permet de cumuler cette fonction avec la présidence de NISSAN : rémunérée à hauteur de 5 fois le montant du président de TOYOTA. Et désormais, depuis quelques heures, d'être de surcroît président du fabricant des véhicules LADA : AVTOVAZ.

Cette problématique de la multiplicité des mandats sociaux est une vieille histoire qui avait concerné Ambroise ROUX (Compagnie Générale d'Electricité) ou Didier Pineau-Valencienne (Schneider) : des textes sont intervenus pour limiter leurs nombres mais l'exemple du dirigeant de RENAULT montre bien que la question demeure posée. Dernière question, souvent évoquée par le cabinet PROXINVEST, seuls 16% de la part variable de la rémunération des patrons du CAC 40 se détermine au regard de conditions de performance à moyen ou long terme. Or le dirigeant est bel et bien investi du devoir de recherche de pérennité de la firme, condition primordiale de l'intérêt sociétal.

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