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Cinq ans après la fin de la politique de l’enfant unique, la natalité chinoise continue à chuter.
Cinq ans après la fin de la politique de l’enfant unique, la natalité chinoise continue à chuter.
©GREG BAKER / AFP

Péril vieux

La Chine a officiellement mis fin à la politique de l’enfant unique avec la promulgation d'une loi autorisant les couples à avoir un deuxième enfant en 2016. Une chute de la natalité est pourtant constatée depuis, alors que l’espérance de vie augmente. Ces tendances pourraient avoir des conséquences démographiques mais surtout politiques sur le pays.

Emmanuel Véron

Emmanuel Véron

Emmanuel Véron est géographe et spécialiste de la Chine contemporaine. Il a enseigné la géographie et la géopolitique de la Chine à l’INALCO de 2014 à 2018. Il est enseignant-chercheur associé à l'Ecole navale.

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Atlantico : La Chine a mis fin à sa politique de l’enfant unique en 2015. Pourtant, après un léger rebond, la natalité a continué de baisser. Comment expliquer cette tendance ? 

Emmanuel Véron : La fin de la politique de l’enfant unique marque un tournant en matière de politique intérieure. Cette décision intervient après l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, le renouvellement de l’équipe dirigeante, plusieurs initiatives de politiques intérieures (aménagement, urbanisation, promotion des nouvelles technologies, en particulier les champions nationaux, mais aussi un tour de vis dans la sécurité intérieure), et de politique internationale (« routes de la soie », ONU, diplomatie pro-active dans les pays émergents et en développement etc.).

La décision de mettre fin à cette politique nataliste (lancée par Deng Xiaoping en parallèle des réformes économiques et de l’ouverture partielle du territoire chinois au reste du monde) devait permettre à la fécondité chinoise de reprendre son souffle. Les statistiques montrent que les effets sont très peu concluants. La transition démographique chinoise est largement actée. Suivant le schéma théorique de la transition démographique, deux dynamiques ont structuré la seconde moitié du XXe siècle et le premier quart du XXIe. D’abord, entre 1950 et 2000, on observe une croissance démographique soutenue, puis, un élargissement de la pyramide des âges vers le haut, suite à la diminution de la natalité et le vieillissement de la population chinoise.

En ce sens, la chute de la natalité est le fruit de la politique d’Etat, mais aussi, de la transformation de la société chinoise. Une société de plus en plus urbaine, dont le travail, la sociologie et les contraintes de la vie contemporaine conduisent dans la durée une natalité très basse, mais un vieillissement prospère. L’une des principales raisons d’une natalité basse, malgré la relance voulue par le régime (les aides, planning familiale etc.) est le coût de la vie (pression économique) et donc celui d’un enfant, voire un second. Les revenus moyens dans les villes plafonnent, le marché du travail est très difficile et les familles préfèrent continuer à épargner. Ces pressions sont d’autant plus accrues dans les grandes métropoles des régions littorales ou de l’intérieure (de Pékin à Wuhan en passant par Shenzhen ou Shanghai). Le vieil adage chinois « plusieurs enfants, plus de bénédictions » est d’un autre temps…Aussi, le statut des femmes a changé en 30 ans, suite à l’urbanisation, nouveaux métiers et transformation de la société.

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Une chute de la natalité alors que l’espérance de vie augmente ne va-t-elle pas inexorablement avoir des conséquences démographiques mais surtout politiques sur le pays ?

Le vieillissement de la population chinoise est l’une des grandes problématiques de société, pour le régime et de santé. La non compensation par de nouveaux « berceaux » est à la fois une difficulté pour le régime, sur le temps long, mais aussi, une moindre contrainte pour le nombre de « bouches à nourrir ». Ce qui était la raison essentielle de la politique de l’enfant unique, il y a quarante ans. Jamais, Pékin n’aurait pu avoir une croissance et un développement aussi rapide sans contraindre la natalité (en particulier dans les campagnes, là où la fécondité est la plus élevée). Le régime souhaite anticiper ses déséquilibres démographiques par l’usage massif et structurel des nouvelles technologies : IA, quantique, robots, etc. les technologies permettraient à la fois d’encadrer les personnes âgées (soin, santé, logement, etc.) et de pallier le manque de bras pour l’industrie et la production. Ainsi serait-il judicieux pour bien comprendre la Chine de demain, en anticipant le nombre de robot par secteur économique et activités, de l’enseignement à la sécurité en passant par les activités de production (agriculture, industrie etc.).

La limitation forcée des naissances avait pour principal objectif le développement rapide du pays et une limitation des dépendances fortes dans l’alimentation et autres ressources essentielles. Cette politique coercitive a été très suivie dans le monde urbain, moins dans le monde rural et chez les minorités nationales. Les conséquences démographiques ont été celle d’un creusement des écarts dans le ratio homme/femme (déficit de femme) et surtout le vieillissement de la société. Quelques chiffres montrent bien l’élargissement de la pyramide des âges vers le haut : 20 % de la population chinoise en 2030 et plus de 25 % (soit 330 à 350 millions) en 2050 auront plus de 65 ans, et autour de 500 millions de chinois de plus de 60 ans.

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Au regard de cette composition, il est évident que le régime cherche à atténuer ses effets sur le dynamisme économique du pays.

Quelles politiques la Chine met-elle en œuvre pour endiguer ce phénomène ? Est-ce susceptible de porter ses fruits à court ou moyen terme ?

Globalement, la fin de la politique de l’enfant unique ne porte pas ses fruits et ne portera pas ses fruits ni dans 10 ans, ni dans 20 ans…Avec un indice de fécondité en dessous de 1,5, il sera plus que difficile de renverser la tendance… Ce seuil, nettement en dessous de 2,1 enfants par femme, qui permet le renouvellement des générations ne doit pas pour autant faire oublier des analyses, l’immense et complexe démographique chinoise. Une chose compte beaucoup, celle de l’inertie démographique. La masse démographique du pays est tellement importante (quelque part entre 1,3 et 1,5 milliard) que le moindre effet ou dynamique est colossale (tranche de population, répartition des sexes etc..).

En revanche, le Plan national de développement de la population (2016-2030) a peu de chance d’aboutir, tant les naissances par an sont faibles au regard d’autres dynamiques démographiques (décès, maladies, vieillissement etc.). On compte environ 10 millions de naissances en 2020.

Ces facteurs des mutations sociales de la Chine induisent une recomposition des liens intra-familiaux et inter-familiaux, autant que des sociabilités, plus largement des relations à l’autre. Le schéma familial classique issu de la politique de l’enfant unique a provoqué une structure que les chinois appellent : 4 + 2 + 1. Quatre grands-parents, deux parents, un enfant. Aujourd’hui les générations de cette politique démographique doivent assumer les quatre grands-parents et les deux parents. La pression financière, matériel et morale est énorme. Alors que la Chine s’est enrichie ses 40 dernières années, la répartition de celle-ci ne s’est pas faite de manière égale et homogène, plus encore, aujourd’hui la Chine n’est plus du tout dans une logique d’enrichissement comme hier. Les tensions inter-familiale sont fortes, les choix et possibilités de plus en plus limités.

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Le tout provoque une forme de culpabilisation des anciens, une anxiété des plus jeunes et une remise en question de l’ordre confucéen. La plupart des familles assument les personnes âgées dans leur foyer ou à proximité. Cependant, la modernité, l’urbanisation, le chômage et les autres réalités des sociétés contemporaines mettent de plus en plus à mal la possibilité d’accueillir les séniors. Le développement des structures privées est une réponse, très coûteuse et absolument pas globale, ni généralisée.

Le régime tentera de nouvelles mesures : plus de protection, de volontarisme, de soutien à diverses couches de la société…Comme le déclarait un article du People’s Daily Overseas Edition (presse articulée au régime à l’étranger) « La naissance d’un bébé est une affaire de famille, et une affaire nationale ».

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