Miaaam, des choux de Bruxelles et des haricots verts vapeur… Rééduquer son cerveau pour apprécier la nourriture saine, c’est possible : la méthode<!-- --> | Atlantico.fr
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Apprécier les choux de Bruxelles ? Oui, c'est possible !
Apprécier les choux de Bruxelles ? Oui, c'est possible !
©Pixabay

Retour à l'école

Une étude de l'université de Tufts aux Etats-Unis a récemment établi que les personnes souffrant de surcharges pondérales - liées à une mauvaise alimentation - pouvaient modifier leurs préférences alimentaires. Une manière de contourner les régimes dits restrictifs, dont les résultats sont régulièrement remis en question par les professionnels de santé.

Arnaud Cocaul

Arnaud Cocaul

Arnaud Cocaul est médecin nutritionniste. Il est membre du Think Tank ObésitéSIl a dernièrement écrit Le S.A.V. des régimes aux éditions Marabout.

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Atlantico : Une étude de l'université Tufts aux Etats-Unis a démontré que le changement d'habitudes alimentaires pouvait également modifier les préférences alimentaires, et intervenir ainsi dans la lutte contre l'obésité. Le professeur Susan Roberts explique d'ailleurs "qu'on ne naît pas en aimant les frites et en détestant les pâtes au blé complet". Comment notre cerveau s'habitue-t-il aux aliments ? Quels mécanismes cérébraux permettent de l'expliquer ?

Arnaud Cocaul : Il y a deux zones qui interviennent. Le tronc cérébral, qui est relié au tube digestif et à la zone centrale, l’hypothalamus. A l’intérieur de celui-ci, le centre de la satiété est composé du noyau supra-chiasmatique, le noyau arqué, le ventral arqué, le ventro-médian… Ces différentes zones se chargent d'indiquer quand il y a un besoin d'alimentation, et quand au contraire il n'y en a pas besoin, et ils envoient donc une information que l'on ressent comme de la satiété. Dès lors que nous mangeons, ces informations sont transmises au cerveau périphérique et qui adaptera son apport en fonction de ses besoins périphériques.

Comment notre cerveau en arrive-t-il à vouloir manger du kinoa ? Comme un enfant : par l’apprentissage. Les enfants entre 3 et 6 ans n’aiment pas les fruits et les légumes, on appelle ce phénomène une phobie alimentaire. Mais à force de les présenter sous des formes ludiques, ou de les cuisiner de différentes manières, les enfants finissent par les apprécier avec le temps. Aller au restaurant peut également permettre de redécouvrir les aliments sains. Moi-même, il y a peu, j’ai été étonné d’avoir de la purée de céleri en accompagnement d’un plat, et bien que je n’étais pas habituellement enchanté par ce légume, et bien je l’ai réintégré comme un aliment bon, source de satisfaction dans ma mémoire.

Comment alors rééduquer son cerveau à des aliments sains ?

On peut rééduquer les personnes en élargissant leur palette de sensations gustatives, en leur faisant goûter, et surtout en leur apprenant à mâcher plus lentement. Les obèses ont une très forte tendance à ne pas mâcher, et tant que l’estomac n’est pas rempli, le cerveau n’est pas averti de la quantité de nourriture ingérée. Le fait de mâcher donne en temps réel cette information, et pour les obèses elle est donc erronée : le patient continue donc de manger. Or les personnes qui sont dans la norme pondérale mangent en moyenne plus lentement, et leurs cerveaux analysent donc plus finement leurs besoins en alimentation.

Il existe par exemple des ateliers du goût, des cours de cuisine où il peut être démontré que certains aliments ne sont pas ce qu’on imaginait. Dans les grandes villes, et sans doute ailleurs aussi, il y a des cours qui permettent d’apprendre à cuisiner les restes, à jouer avec les épices, à donner du goût dans une alimentation qui a tendance à s’uniformiser, c'est-à-dire encourager la cuisine du "fait maison", d’autant plus que nous sommes en période de crise et que c’est économiquement avantageux. Ceci afin de montrer que les aliments sains ne sont pas plus insipides que les autres.

Une autre voie, plus radicale peut être une hospitalisation, pour provoquer une rupture. On constate que les cures diététiques peuvent être très utiles en ce sens. Il y a aussi des ateliers thérapeutiques où l’on pourra apprendre à déguster du chocolat.

Ce qui illustre bien ce manque de culture de l’alimentation, c’est que certains obèses vous diront que c’est juste "bon", ils ne diront pas que tel aliment a du goût, ou qu’il est amer, acide, pétillant, fondant, croquant… Les psychologues, les psychiatres, les diététiciens pourront également travailler cet enrichissement, cette culture des aliments pour rétablir une diversité des mets. Les prises en charge de l’obésité sont d’ailleurs toujours pluridisciplinaires. Mais oui, il est possible d’arriver à retrouver du sens au goût.

Pourquoi cette rééducation alimentaire est-elle une préoccupation, quelle en est la portée ?

L’étude conforte l’idée selon laquelle on peut rééduquer les habitudes alimentaires, elle conforte donc ce que l’on imaginait à savoir que les régimes traditionnels ne sont pas la solution la plus durable en matière d’amaigrissement.

Quels éléments des régimes traditionnels ces résultats remettent-ils en cause ?

Tous les régimes restrictifs ont fait fausse route. Ils ont tous tendance à déstabiliser notre perception du goût, de la quantité.

D’autres études récentes ont montré que les régimes restrictifs provoquaient un abaissement de la thermogenèse, c'est-à-dire de la production d’énergie produite par l’assimilation d’un même aliment. Cette thermogenèse diminue donc, et l’appétit du patient augmente en conséquence. On voit bien que cette catégorie de régime est parfaitement contre-productive.

Pourquoi aime-t-on naturellement davantage les aliments gras ou sucrés que ceux, comme décrits dans l'étude, qui permettent une digestion lente et un taux de glucose constant ?

Nous avons une appétence naturelle pour les aliments que vous citez car les aliments amers, astringents étaient potentiellement toxiques dans la nature. Génétiquement nous avons donc tendance à porter nos choix vers des aliments gras et sucrés, qui rappellent aussi le liquide amniotique et le lait maternel. Ceux-ci provoquent une satisfaction immédiate, que l’on retrouve dans l’alimentation moderne et manufacturée comme les fast-foods.

Quelles sont les limites de cette méthode ? Doit-on forcément exclure de son alimentation la malbouffe pour assurer la transition vers des aliments sains, ce qui reviendrait à un régime restrictif ?

Je ne pense pas que la rééducation alimentaire en revienne à restreindre l’alimentation des personnes. Il n’est pas interdit, dans cette méthode, de se laisser aller de temps en temps à des aliments gras ou sucrés. Il permet au contraire de prendre en compte la réalité du patient, de ses besoins d’aller de temps en temps à la pizzeria, ou de manger du fromage, voire un bon hamburger. On ne demandera d’ailleurs pas de ne plus manger de chocolat, mais seulement de savoir l’apprécier, le déguster. C’est la différence fondamentale, on peut manger un macaron, mais pas à la va-vite dans les transports en commun, c’est toute la subtilité de cette rééducation alimentaire, et qui permet d’intégrer un mode de consommation des aliments sain, plus rationnel.

La principale difficulté de la rééducation alimentaire est la constance. Idéalement, les patients mériteraient d’être coachés, suivis, pour ne pas être lassés ou voir leurs motivations diminuer. Le point commun de tous les gens en volonté d’amaigrissement est qu’ils veulent perdre très vite, et ne comprennent pas facilement l’intérêt de la méthode lente. C’est dommageable en le sens que la perte rapide n’est pas synonyme de perte de cellules adipeuses, mais également de masse musculaire. De plus ce mode d’amaigrissement déclenche des mécanismes compensateurs pour rétablir la masse adipeuse. On voit par exemple dans le régime de Dukan que les personnes perdent bien 20 kilos en quelques mois, mais ils ne diminuent pas pour autant leur stock de cellules adipeuses, leurs volumes ne sont que diminués. A terme, leurs efforts peuvent rapidement se retourner contre-eux.

Il a été démontré que la pauvreté était un facteur de l'obésité. Cette méthode est-elle conciliable avec les petits budgets ?

Oui, car les aliments sains ne reviennent pas forcément plus cher que les produits industrialisés.

Dans un régime, la plus grande difficulté, résistance de la personne est de devoir modifier ses comportements alimentaires. Dans quelle mesure les régimes n’aboutissent pas du fait de la difficulté de changer ses habitudes alimentaires ?

La plupart du temps, les personnes obèses ont suivi des régimes restrictifs. Ils ont donc tendance à voir leur équilibre pondéral déstabilisé. Ces régimes restrictifs déstructurent donc le sens liés à la satiété : on sait par exemple que les systèmes de récompense sont endommagés chez les patients obèses. Lorsque l’on a faim, deux phénomènes sont opérés par le système nerveux hédoniste : le "liking" (le fait d'aimer ndlr), et le "wanting" (le fait de désirer ndlr). Le premier concerne les aliments dont on aime la saveur, tandis que le deuxième fait davantage référence au désir, et est celui qui stimule le "reward", c'est-à-dire la récompense. Celui-ci est endommagé chez les personnes qui cumulent les régimes, ou qui ont des problèmes liés à l’obésité. Quand on leur donne un aliment à consommer, ils n’auront pas la satisfaction immédiate de cet aliment, et ils auront besoin de perpétuer, de renouveler la prise alimentaire, comme s’ils étaient en manque. Et ils auront également tendance à choisir des aliments gras, ou plus sucrés.

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