Chômage des jeunes : l'écrasement de la grille des bas salaires français laisse-t-il d'autres choix que d'instaurer un Smic jeunes ? <!-- --> | Atlantico.fr
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En France, un jeune sur quatre est au chômage avec 26,5% des moins de 25 ans sans emploi.
En France, un jeune sur quatre est au chômage avec 26,5% des moins de 25 ans sans emploi.
©Reuters

Eurêka !

Les faibles écarts entre les bas salaires incitent les employeurs à embaucher les plus expérimentés, laissant sur le carreaux nombre de jeunes inexpérimentés. Leur niveau d’emploi est donc encore plus affecté que pour les autres tranches d’âge par l’existence d’un Smic. D’où la proposition d’un salaire minimum plus bas pour les plus jeunes.

Jean-Charles Simon

Jean-Charles Simon

Jean-Charles Simon est économiste et entrepreneur. Chef économiste et directeur des affaires publiques et de la communication de Scor de 2010 à 2013, il a auparavent été successivement trader de produits dérivés, directeur des études du RPR, directeur de l'Afep et directeur général délégué du Medef. Actuellement, il est candidat à la présidence du Medef. 

Il a fondé et dirige depuis 2013 la société de statistiques et d'études économiques Stacian, dont le site de données en ligne stacian.com.

Il tient un blog : simonjeancharles.com et est présent sur Twitter : @smnjc

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Atlantico : La grande conférence consacrée à l'emploi des jeunes en Europe, organisée à Paris à l'initiative du président François Hollande, s'est ouverte mardi 12 novembre à l'Élysée. En France, un jeune sur quatre est au chômage avec 26,5% des moins de 25 ans sans emploi. Au-delà du contexte de crise, la grille des salaires française, fortement concentrée vers le bas, n'incite pas forcément les entreprises à embaucher des salariés débutants. Dans ces conditions, la mise en place d'un "Smic jeunes", bien que politiquement incorrect, peut-elle être une solution efficace au chômage des jeunes ? En quoi ?

Jean-Charles Simon : Il faut toujours remettre en perspective les données sur le chômage des moins de 25 ans, surtout dans un pays et à une époque où ils sont très majoritairement en formation initiale. Les données de demandeurs d’emploi portent ainsi sur des effectifs assez faibles. Néanmoins, il est vrai que l’insertion des jeunes dans l’emploi reste plutôt difficile en France, avec une situation naturellement encore plus aiguë en période de crise. Les plus jeunes ont des difficultés à avoir un premier emploi et plus encore un premier emploi stable. Dès lors, tout ce qui peut faciliter leur embauche serait bienvenu, qu’il s’agisse d’alléger le coût du travail ou d’assouplir son cadre juridique.

Peut-on par ailleurs y voir une justification économique, en tout cas, une logique ?

Oui, bien sûr. En théorie économique, l’existence d’un Smic vient contrarier la fixation normale d’un "prix" sur le marché du travail, puisqu’il ne permet pas de fixer celui-ci exclusivement sur la base d’une rencontre offre/demande. Dès lors, cette distorsion peut conduire à un coût trop élevé du travail pour les activités concernées, et donc les affaiblir ou diminuer l’emploi dans ces secteurs. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on cherche à corriger ces effets, par exemple avec des allègements sur les charges sociales pour les bas salaires. S’agissant des plus jeunes, l’argumentaire est bien connu : les employeurs ne sont pas disposés à les rémunérer au même niveau que leurs aînés puisqu’ils n’ont pas encore d’expérience, qu’ils doivent être en moyenne plus encadrés, etc. Leur niveau d’emploi est donc encore plus affecté que pour les autres tranches d’âge par l’existence d’un Smic. D’où la proposition d’un salaire minimum plus bas pour les plus jeunes.

Le "Smic jeunes" ou d'autres types de modération salariale en début de carrière existent-il dans d'autres pays européens ? Lesquels ?  Et avec quels résultats ?

Oui… sous réserve que le principe d’un salaire minimal existe, ce qui n’est pas le cas dans toute l’Union européenne. Ainsi, quand Tony Blair a instauré un salaire minimum au Royaume-Uni, un dispositif pour les plus jeunes a été mis en place. Aujourd’hui, il y a au Royaume-Uni plusieurs niveaux de salaire minimum pour les plus jeunes (moins de 18 ans, entre 18 et 21 ans) et le statut d’apprenti. On trouve aussi un salaire minimum "jeunes" aux Pays-Bas, par exemple. Et il ne faut pas oublier que nous avons aussi des dérogations au Smic en France pour les mineurs, les stages et l’apprentissage.
Les effets d’un "Smic jeunes" ne sont pas aisés à mettre en évidence, car il y a bien sûr de nombreux autres déterminants de l’emploi des jeunes, comme par exemple l'efficacité de l’articulation formation / emploi, notamment avec l’apprentissage. Et tout simplement, l’efficacité globale du marché du travail, quel que soit l’âge. Mais toutes choses égales par ailleurs, abaisser davantage la rémunération minimale obligatoire pour les plus jeunes ne peut que favoriser leur niveau d’emploi.  

Quelles pourraient être en France les modalités d'application d'un Smic jeune ? Peut-on imaginer des contreparties pour les jeunes ? Lesquelles ? 

Le modèle qui paraît le plus adapté est une décote du Smic jusqu’à un certain âge, pas trop élevé pour éviter des effets trop importants de pure substitution sur le marché du travail. Sauf à ruiner l'efficacité d'un tel dispositif, il est en revanche difficile d'imaginer des contreparties qui seraient à la charge des employeurs. Reste l'accompagnement social qui pourrait être renforcé, par exemple en matière de logement, un sujet majeur pour les jeunes ayant des emplois faiblement rémunérés et vivant hors environnement familial. C'était d'ailleurs un sujet envisagé au moment du CPE.

On se souvient des manifestations d'étudiants qui avaient obligé le gouvernement Villepin a reculer sur le Contrat première embauche (CPE). Un "Smic jeunes" serait-il socialement acceptable ? 

Vous évoquez le CPE, qui portait d’abord sur le cadre juridique pour inciter les entreprises à embaucher en facilitant la rupture dans une période initiale. Mais on pourrait rappeler le Contrat d'insertion professionnelle (CIP) du gouvernement Balladur, qui prévoyait explicitement un "Smic jeunes"… Les deux initiatives ayant tourné au même cauchemar pour leurs initiateurs. Disons-le : l’opposition à un "Smic jeunes" dépasse la rationalité économique, et s’explique beaucoup par l’activisme des organisations étudiantes et les récupérations qui l’accompagnent – parfois au sein même de la majorité concernée… Pour que les conditions de sa mise en oeuvre soient réunies, il faudrait faire comprendre que le "Smic jeunes" ne tirerait pas les rémunérations pratiquées vers le bas mais augmenterait le nombre d’emplois chez les jeunes. Et qu’il réduirait sûrement les pratiques d’évitement du Smic et de la rigidité du droit du travail dont les jeunes peuvent faire les frais, par exemple avec les stages à répétition.

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