Charlie Sheen porteur du VIH mais à très faible dose : ces nouvelles questions que pose la quasi indétectabilité du virus<!-- --> | Atlantico.fr
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L'acteur américain Charlie Sheen a révélé sur un plateau de télévision qu'il était porteur du VIH.
L'acteur américain Charlie Sheen a révélé sur un plateau de télévision qu'il était porteur du VIH.
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Mon oncle Charlie

L'acteur américain Charlie Sheen a révélé sur un plateau de télévision qu'il était porteur du VIH. Le plus surprenant a néanmoins été les propos tenus par son médecin qui qualifie son virus "d'indétectable". Les progrès en matière de traitement ont été très importants mais le VIH reste incurable. La prévention reste absolument centrale.

Christopher Payan

Christopher Payan

Christopher Payan est virologue au CHU de Brest et professeur à la faculté de médecine de l'université de Bretagne Occidentale (Brest).

Il est l'un des auteurs de Mini manuel de microbiologie (Editions Dunod)

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Atlantico : L'acteur américain Charlie Sheen a révélé être porteur du VIH sur un plateau de télévision.  Le moment marquant a cependant été lorsque  son médecin a pris la parole pour expliquer que son virus était "indétectable" c’est-à-dire qu'il n'était presque pas transmissible. Comment expliquer ce phénomène ?

Christopher Payan : Nous avons les mêmes éléments en France. Environ 1/3 des patients séropositifs non connus, l'incidence est plus forte chez les MSM, le traitement (la majorité des patients connus) rend indétectable dans plus de 90% des cas. Indétectable cela veut dire absence de virus dans le sang par les dosages de charge virale aujourd'hui très sensible (moins de 20 virus par ml de sang), dans ces cas le risque de transmission est quasi nul comme repris sur le site du gouvernement US. Indétectable ne veut pas dire guéri car si on arrête le traitement, le virus redevient détectable dans le sang plus ou moins à distance de l'arrêt et donc à nouveau transmissible. Le virus reste hébergé dans les cellules infectées sans se reproduire car contrôlé par le traitement. Si vous allez sur le site de l'OMS, vous verrez l'impact du traitement dans les pays du sud, notamment en Afrique qui contient la majorité des séropositifs, le nombre de nouveaux cas y diminue avec le traitement de près de 1/3 des patients connus, cela confirme la réduction de la transmission lié au traitement. Cela nécessite pour faire mieux, de dépister les séropositifs inconnus et de les traiter pour réduire la transmission.

Lorsque le basketteur Magic Johnson a annoncé en 1991 être porteur du VIH on ne lui donnait que 6 mois à vivre. Charlie Sheen quant à lui ne serait même pas atteint de la maladie du SIDA 4 ans après avoir contracté le virus. Une vie normale est-elle possible même avec après avoir contracté le VIH ? Le SIDA est il aussi menaçant qu'avant ?

En 1991 il n'y avait pas les trithérapie, les traitements de l'époque (monothérapie AZT, trithérapie à partir de 1996) ne faisant au mieux que retarder la maladie. Aujourd'hui avec des trithérapies très efficaces (plus de 90% des patients traités indétectables), de plus en plus simple à prendre et bien tolérées, le SIDA a quasiment disparu (avec le traitement), par contre les cas de SIDA continuent à être rapportés en France et ailleurs chez des patients non dépistés (environ 30 000 personnes ne le savent pas en France); dans ces cas la maladie évolue progressivement comme avant les trithérapies (environ 8-10 ans avant la survenue du SIDA, donc 4 ans sans SIDA c'est très possible). Une vie normal est tout à fait possible aujourd'hui avec les traitements, la seule contrainte est de les prendre à vie même si le patient se sent mieux. Donc il n'y a plus rien à voir entre avant et après 1996 avec les trithérapies en terme de SIDA. Cependant, il faut poursuivre la prévention pour éviter les nouveaux cas à partir de patients qui ne se connaissent pas séropositifs. L'article vous indique les patients à risque, il est semblable chez nous.

Quelles conséquences sur la prévention et la transmission du virus ? Le discours des dernières années était plutôt alarmiste sur cette épidémie. Faut-il se montrer un peu plus rassurant ?

Le rapport récent sur l'évolution de l'épidémie mondiale sur le site de l'OMS (pg 9-12), indique que le nombre de nouveaux cas au niveau mondial baisse depuis les années 2000, notamment depuis 2005 avec 2.3 M de nouveaux cas en 2012 versus 2.6 M en 2005 et l'accès au traitement à de plus en plus de patients en Afrique (-33% de décès dus au VIH en Afrique depuis 2005). C'était plutôt rassurant. Reste la difficulté à améliorer le dépistage (cas inconnus encore nombreux d'où le discours alarmiste), des pistes comme l'accès au test en pharmacie (depuis le 15/9/2015 en France) ou dans les centres de dépistage et association de patients permettraient d'identifier et traiter de nouveaux cas pour augmenter le nombre de patients séropositifs indétectables (coté rassurant). Il faut rappeler que le traitement empêche la survenue de la maladie (SIDA) mais ne guérit pas de l'infection, le traitement est donc à vie.

Même avec un traitement très efficace et un VIH presque plus transmissible, l'acteur a dépensé des millions pour que personne ne sache qu'il avait contracté le virus. Quelles sont les difficultés que rencontre une personne au quotidien atteinte du VIH ? Quels sont les clichés ? Les gens sont-ils suffisamment informés sur ce virus ?

C'est aux personnes qui vivent avec le VIH à qui il faut poser la question. Les anciens clichés de maladies "honteuses" sont malheureusement toujours présents, on peut penser que notamment un acteur connu souhaite protéger son image. Votre question sur l'information sur le virus est intéressante, tous les jeunes connaissent il me semble aujourd'hui mais je pense que l'on a peut-être trop banalisé la maladie avec l'accès à des traitements efficaces et bien tolérés au détriment de la prévention et de l'information qu'il y avait avant 1996, on ne pouvait pas à l'époque passer à côté des messages de prévention qui existaient dans tous les médias (mais c'était la seule arme efficace à l'époque). C'est sans doute cette baisse de vigilance qui serait à l'origine de la recrudescence de certaines IST, comme la syphilis dans les années 2000, qui était devenue rare dans les années 1990.

Le traitement reste-t-il aussi lourd ? Où en la recherche en la matière ? Quelles sont les dernières avancées qui permettraient de guérir de ce virus ?

Le traitement a beaucoup progressé, notamment en simplicité et en tolérance ces dernières années, facilitant la prise du traitement et son efficacité sur le long terme. On cherche de nouvelles molécules pour couvrir les échecs au traitement actuel (de plus en plus rares) dus à des virus résistants à certaines molécules. Pour guérir, il faudrait détruire le virus intégré dans les cellules infectées avec des pistes en thérapie génique mais cela fait 20 ans que des équipes y travaillent, de même pour un vaccin efficace pour prévenir la transmission à partir des sujets non traités. Pour l'instant nous n'y sommes pas encore arrivés mais il y a des pistes en cours, comme l'étude récente à Marseille avec un vaccin anti-TAT d'une start-up française, Biosantech, à suivre !

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