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Charles Sannat – AuCoffre.com : "Les gros exilés fiscaux ont des moyens quasi-légaux d’échapper au fisc français"
©Reuters

L'interview Atlantico Business

16.000 exilés fiscaux se sont signalés au fisc en huit mois, a annoncé Bernard Cazeneuve, et 80% avaient un compte en Suisse. Le ministre du Budget indique être "en train de gagner la bataille contre la fraude fiscale" et prévoit, à terme, récupérer une somme "qui se compte en milliard d’euro". Pour Charles Sannat, chef économiste pour le site de placement AuCoffre.com, il s’agit d'un non événement car les gros exilés fiscaux peuvent le faire de manière "quasi-légale".

Charles Sannat

Charles Sannat

Charles Sannat est directeur des études économiques du site spécialisé dans les placements, AuCoffre.com.

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Atlantico Business : Doit-on attribuer ces rapatriements à la politique d’incitation du gouvernement ou à la Suisse qui est contrainte de faire preuve de plus de transparence ?

Charles Sannat :On peut attribuer cela à la très forte pression diplomatique effectuée à l’intérieur de la Suisse concernant les exilés fiscaux français. Ce qui motive aujourd’hui un certain nombre de gens, c’est la peur de figurer sur des listes, comme la récente affaire UBS, pour des montants qui ne seraient pas importants. Quand on écoute dans le détail le patrimoine des 16.000 que Bernard Cazeneuve dit avoir fait revenir, ce n’est pas très élevé. On va de 100.000 à 1 million d’euros en moyenne, malgré quelques exceptions. Prendriez-vous le risque de faire 10 ans de prison pour 1 million d’euros ? Avec une somme pareil, vous n’avez pas les moyens d’aller très loin ni d’échapper au fisc français en ayant recours à des montages complexes. Ces "petits fraudeurs" préfèrent perdre ce qu’il y a à perdre et tout rapatrier en France. 

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Vous pointez les petites sommes, pourquoi les "gros fraudeurs" ne se sentent pas concerné par le message du gouvernement ?

Parce que les gros fraudeurs ont des moyens beaucoup plus légaux d’échapper au fisc français. Pour les petites sommes, les fraudeurs achètent clairement des nuits douces et tranquilles en revenant, mais quand on a 300.000 millions d’euros en Suisse, pas question de passer sous les fourches caudines du fisc ! Il y a deux grandes techniques, la première c’est d’envoyer les fonds de la Suisse vers des pays asiatiques, notamment Singapour. L’autre, c’est le montage de crédit dit "Lombard", un grand classique de la fraude fiscale. Une filiale française d’une banque Suisse vous fait un crédit de la somme que vous souhaitez rapatrier. La banque vous permet de financer l’acquisition d’un bien immobilier. Ce crédit sera remboursé avec les sous que vous avez en Suisse : on vous prête dans un pays, vous remboursez dans l’autre. Les gros exilés fiscaux usent et abusent de cela.

Le risque n’est-ce pas aussi cette fuite de capitaux vers des pays de l’UE à faible imposition ?

Ce n’est pas un risque, c’est une réalité. En créant l’Union Européenne, nous avons choisi une libre circulation des gens et des capitaux. A partir du moment où l’on décide de fonctionner dans une économie ouverte, on considère que les gens ont le droit de sortir des frontières. Vous avez parfaitement le droit de vous installer en Espagne ou au Portugal. En revanche, nous n’avons pas d’harmonisation fiscale et, en plus de cela, nous sommes victimes d’un dumping fiscal de la part de certains pays. C’est le cas du Portugal, le nouveau paradis fiscal légal pour les Français. Il est évident que si la pression fiscale augmente fortement, des gens finissent par en avoir marre et vont se faire "taxer" au Portugal, et c’est très peu. On arrive à la limite que l’on peut imposer aux gens : plus la pression fiscale augmente, plus les peuples trouvent des stratégies de contournement, légales ou non.

Propos recueillis par Julien Gagliardi

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