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Changer le monde : les points de vue d'un entrepreneur et d'un indigné
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Confrontation

Jeanne Dussueil présente une série d'entretiens dans lesquels Philippe Hayat, entrepreneur et auteur du manifeste « Entreprenez !» et Gilles Vanderpooten, salarié en milieu associatif et co-auteur du manifeste « Engagez-vous ! » confrontent leurs points de vue sur les différentes manières de remédier au pessimisme ambiant. Extrait de « Entrepreneur et indigné – deux façons de changer le monde ».

Philippe Hayat,Gilles Vanderpooten et Jeanne Dussueil

Philippe Hayat,Gilles Vanderpooten et Jeanne Dussueil

Philippe Hayat, 48 ans, est entrepreneur et fondateur de l’association « 100 000 Entrepreneurs ». Il est l’auteur du manifeste "Entreprenez !".

Gilles Vanderpooten, 26 ans, est directeur de la rédaction de l’ONG « Reporters d’espoirs ». Il a coécrit avec Stéphane Hessel le manifeste "Engagez-vous !".

Jeanne Dussueil est journaliste à Challenges.fr.

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Jeanne Dussueil – Vous avez dit que l’appât du gain n’est pas le principal
moteur de l’entrepreneur. Votre vision de l’argent peut-elle rejoindre, sur certains points, celle des Indignés qui ont fait de l’écart entre les hauts revenus et les bas salaires l’un de leur combat ?

Philippe Hayat – Il me semble que les entrepreneurs n’ont pas de problème avec la notion d’argent. Ils se rémunèrent après leurs salariés, une fois les fournisseurs réglés et les besoins
d’investissement fi nancés. Ils peuvent gagner beaucoup d’argent si l’entreprise fonctionne bien, et ne touchent rien en cas d’échec. Cette sorte d’indexation de leur gain au succès, cette rémunération liée au risque pris font qu’ils assument bien ces questions d’argent. En tant que citoyen, le fait que les entrepreneurs gagnent de l’argent ne me choque pas.

JD - ... Et en tant qu’entrepreneur ?

PH – Ma rémunération d’entrepreneur me permet de porter les projets qui me tiennent à coeur. Je choisis les sujets sur lesquels je travaille, je les développe à mon rythme, c’est un luxe inouï. Pour moi, gagner de l’argent constitue avant tout un gage de liberté.

Indigné du portefeuille

GV – L’argent est pour moi une valeur parmi d’autres, et surtout pas une priorité. Voyez ces quelques grandes fortunes ou gestionnaires de grandes entreprises qui crient à la terreur, à l’étranglement, menacent de s’exiler si on ne diminue pas leur impôt. Sans parler de la tranche de
75 % annoncée par le candidat François Hollande au-delà de 1 million d’euros de revenus par an qui suscite l’ire de certains… 1 million d’euros… soixante fois le SMIC ! Et on crie à la confiscation, au punitif, au vol. Qu’un individu vaille soixante fois plus qu’un autre, c’est déjà beaucoup, non ? Ceux qui ont beaucoup d’argent pourraient ne pas s’en soucier, n’y accorder qu’une importance minime. Or, c’est parmi eux que se trouvent les premiers à optimiser, défiscaliser, tricher… Des Indignés du portefeuille !

Ce n’est pas la forme d’indignation que je préfère. L’argent est devenu un outil politique et une arme idéologique pour quelques-uns, un critère de réussite pour beaucoup. Décontaminons-nous ! Sa fonction première est d’être un moyen d’échange. Dès lors qu’il est thésaurisé ou recherché pour lui-même, cela s’appelle l’avidité. Vient un moment où l’argent et la fi nance ne participent plus à l’économie productive : ils ne sont alors plus justifi és. C’est le cas d’une certaine fi nance actionnariale qui, à force d’exiger 15 % de retour sur investissement (5 % d’intérêt, 10 % de cupidité !), fi nit par prendre plus qu’elle n’apporte au financement des entreprises. Comme vous Philippe, je ne crois pas que les 3,4 millions d’entrepreneurs que compte la France se retrouvent dans ce paradigme, ni qu’ils sont en priorité motivés par le gain et par l’accumulation absurde.

PH – Il ne faut pas tout confondre : le rentier, le trader, l’actionnaire, l’entrepreneur… Le trader a son utilité, dans la mesure où il participe à la fl uidité des capitaux sur un marché. Il devient critiquable lorsqu’il fait prendre des risques inconsidérés à sa banque, à ses contreparties et, par ricochet, aux entreprises et aux particuliers. À partir du moment où le rentier paie ses impôts, pourquoi lui en voudrais-je d’être bien né, sauf à être envieux de nature ? Si l’actionnaire exige 15 % de rentabilité sur les capitaux investis, c’est parce que l’objet de son investissement, c’est-à-dire une entreprise, présente davantage de risque qu’un livret de Caisse d’Épargne. Quant à l’entrepreneur, il gagne sa vie en fonction de ses performances. Le niveau de rémunération de tous ces acteurs dépend de leur talent et de leur « utilité économique » dans un monde ouvert.

Pourquoi couvrir d’opprobre ceux qui bénéficient du fruit de leur travail ? Ils subissent déjà des taux d’imposition parmi les plus élevés d’Europe… Je comprends qu’ils puissent considérer qu’au-delà de ces niveaux, la fiscalité devient confiscatoire. Libérons les énergies, encourageons les gens à réussir et conservons-les sur notre territoire, au lieu de s’arroger le droit de définir ce qu’est le salaire admissible des uns et critiquer la motivation des autres. L’individu doit pouvoir profiter à sa guise des résultats de son effort, à partir du moment où celui-ci se déploie dans l’honnêteté et le respect d’autrui. Je comprends que la réussite professionnelle puisse paraître violente à certains, à cause des montants financiers qu’elle exhibe. Mais cette violence n’a pas de venin.

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Extrait de "L'entrepreneur et l'indigné - deux façons de changer le monde", éditions Ellipses (septembre 2012)

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