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Cette révolution politique toute simple qui pourrait permettre de reconquérir la confiance des électeurs (sans avoir besoin de réviser la constitution)
©Reuters

Réforme de fond

C'est l'une des prérogatives des parlementaires : l'évaluation des politiques publiques. Au programme de l'Assemblée Nationale lundi 17 juin : ce rôle est paradoxalement peu connu, notamment par les députés eux-mêmes.

Atlantico : Concrètement de quoi parle-t-on quand on mentionne la mission constitutionnelle d'évaluation des politiques publiques des parlementaires ? Comment cela se traduit-il dans les faits ? 

Tris Acatrinei : La réforme constitutionnelle de 2008 a donné une nouvelle mission aux parlementaires : évaluer les politiques publiques, sur le modèle de ce qui se fait au Royaume-Uni. L'idée était que le législateur ne travaille plus seulement avant la loi mais après, qu'il mesure l'impact de ces textes, qu'il corrige éventuellement sa rédaction ou qu'il l'adapte. 

Dans le cadre français, ça s'est matérialisé par trois commissions spécifiques à l'Assemblée nationale : la MEC (mission d'évaluation et de contrôle) directement inspirée par le National Audit Office britannique, la MECSS (mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale) et le CEC (Comité d'évaluation et de contrôle). 

Les deux premières commissions sont vraiment inscrites dans un cadre budgétaire mais le CEC est déjà plus libre et les sujets sont variés. Par exemple, Ugo Bernalicis et Jacques Maire - dans le cadre de cette commission - ont travaillé sur une mission d'évaluation de la lutte contre la délinquance financière mais on peut également citer l'évaluation des missions régaliennes en Seine-Saint-Denis, le suivi de l'évaluation de la prise en charge de l'autisme ou encore la lutte contre la contrefaçon. 

En résumé, cela se traduit par une sorte de travail d'enquête et d'audit des parlementaires, qui se matérialise par un rapport. Mais, la traduction de ce rapport par une législation ad hoc reste de l'initiative du Gouvernement, ce qui est dommage. 


11 ans après la réforme constitutionnelle de 2008 qui a fait émerger cette mission constitutionnelle, quel bilan tirer ?

Les trois commissions précédemment énumérées ont un bilan dont elles n'ont pas à rougir et les députés qui choisissent de s'y investir font un travail de qualité. Objectivement, ces commissions souffrent des mêmes maux que le CESE : une absence totale de visibilité. Il y a très peu de pédagogie et de vulgarisation qui sont faites sur leurs travaux alors que la somme d'expertise est impressionnante. Force est de reconnaître que la façon dont Ugo Bernalicis a parlé et fait parler du rapport co-écrit avec Jacques Maire a eu le mérite de rappeler au grand public l'existence de cette troisième mission du député

L'expertise est là mais la traduction concrète par des mesures législatives ou réglementaires paraît vaporeuse. Si on prend l'exemple du sujet de l'action régalienne dans le 93 par le CEC , le groupe a travaillé, a remis un rapport mais il n'y a rien eu. Alors que le rapport pointait des dysfonctionnements en matière de ressources humaines, aucune politique n'a été mise en place et il suffit de lire le journal de Saint-Denis pour le constater. 


Quels sont les freins structurels et conjoncturels qui empêchent le bon exercice de cette mission constitutionnelle

Lors de la rédaction du deuxième rapport du Projet Arcadie sur l'activité réelle des députés, j'ai été surprise de constater qu'une part importante des députés ne savaient même pas ce qu'étaient l'évaluation des politiques publiques. Ne jetons pas la pierre à l'actuelle législature car leurs prédécesseurs ne faisaient pas mieux. Le premier frein vient donc de l'intérieur même de l'Assemblée nationale. 

Le deuxième est celui de la pédagogie et de la vulgarisation. Un gros travail de communication doit être fait pour que les citoyens comprennent bien que le député a aussi un rôle d'auditeur et que cela ne se borne pas à trois questions écrites ou orales et qu'ils puissent aussi y participer. Ils sont les premiers à éprouver les politiques publiques. Instaurer des antennes locales permettrait aussi de retisser du lien et réinvestir le champ politique dont ils se sentent exclus. 

Le troisième est plus spécifique à la MEC et MECSS : le refus de communication des données par les administration. En entretien, une député me rapportait qu'elle avait accès plus facilement aux données statistiques, financières et comptables lorsqu'elle était dans le secteur privé que depuis qu'elle était député. L'administration centrale fait une grossière erreur en ne communiquant pas les informations nécessaires aux parlementaires. C'est un non-respect de notre Constitution. Elle laisse aussi le champ libre aux représentants d'intérêts, qui ont tout le loisir d'arriver avec leurs expertises, leurs données chiffrées et leurs analyses aux députés, qui n'ont aucune autre information pour comparer. 

Le quatrième est temporel : les députés n'ont pas assez de temps. Le calendrier législatif est trop chargé, trop désordonné et ne laisse pas les députés travailler sereinement les textes. Comment peut-on bien légiférer pour résoudre un problème donné si on n'a pas le temps d'auditer correctement, d'interroger, d'aller sur le terrain ? On peut déplorer la place des représentants d'intérêts dans la rédaction législative mais force est de constater qu'ils arrivent avec des diagnostics et des solutions, certes biaisés mais ils ont compris que le législateur n'a que 24h dans une journée et que ce n'est pas une machine.

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