Cet utile enseignement politique qu’Emmanuel Macron pourrait recueillir du roi d’Angleterre<!-- --> | Atlantico.fr
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En juin 2020, ils s'étaient retrouvés à Londres pour une cérémonie d'hommage au général de Gaulle, 80 ans après l'appel du 18 juin.
En juin 2020, ils s'étaient retrouvés à Londres pour une cérémonie d'hommage au général de Gaulle, 80 ans après l'appel du 18 juin.
©Tolga AKMEN / POOL / AFP

Majestueux

Après un projet de visite en mars, reporté à cause des manifestations contre la réforme des retraites, le roi et la reine des Britanniques seront en France de mercredi à vendredi.

Stéphane Rozès

Stéphane Rozès

Stéphane Rozès est président de Cap, enseignant à Sciences-Po Paris et auteur de "Chaos, essai sur les imaginaires des peuples", entretiens avec Arnaud Benedetti.

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Atlantico : Visite d’Etat du roi Charles III pendant trois jours en France. Au programme : cérémonie à l’Arc de triomphe, déplacement à Bordeaux et un dîner grandiose à Versailles. Politiquement, ce type de visite avec tout le faste déployé, ça sert ou ça dessert un chef d'Etat ? 

Stéphane Rozès : Le monde est devenu instable, illisible et dangereux. Des visites de chef d’Etat ou de représentant de nation symbolique, comme le roi Charles, permettent aux citoyens de penser que les peuples ont, au travers de leurs gouvernants, encore une prise sur le cours des choses. 

Pour Emmanuel Macron, il s’agit en outre du domaine réservé du président parce que comme le disait André Malraux, les Français ont besoin d’embrasser le monde. Nation universaliste, nous avons besoin sans cesse d’avoir le sentiment que nous pesons sur la scène internationale. 

Dans la série The Crown inspiré de faits historiques, Elizabeth II disait « Tout système politique a besoin de deux dimensions : la dignité et l’efficacité ». Emmanuel Macron manque des deux ?

Chaque pays a son propre rapport au politique et dans ses institutions. Les Anglais peuvent réduire la politique à la question personnelle de la dignité des gouvernants et à l’efficacité car l’imaginaire britannique est utilitariste.

En France, je dirais que la chose essentielle pour un chef d’Etat c’est plutôt de bien tenir ensemble la dimension spirituelle du président de la République (qui représente l’ensemble de la nation) et la dimension temporelle, c’est à dire qu’il a un projet politique et une politique à mener. Ce qui engage davantage, non pas la dimension symbolique, mais directement politique.

La démocratie existe dans l’équilibre en tension entre ces deux pôles ? 

La démocratie vit dans l’équilibre. La démocratie veut dire le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple. 

Quelle en est la condition ? Elle est double. C’est d’abord la souveraineté nationale c’est à dire que la nation est maître de ce qui la concerne et donc les gouvernants ont une prise sur leurs décisions. Et la seconde chose, c’est la souveraineté populaire. C’est-à-dire la bonne relation entre un gouvernant et les gouvernés. Selon moi, l’équilibre qui vaut pour toute société, c’est la bonne articulation entre la souveraineté nationale et la souveraineté populaire. 

Pourquoi Emmanuel Macron peine à incarner ce qui nous rassemble ?

Rappelons que le roi Charles avait dû différer sa venue du fait de troubles en France. Ces troubles ont montré un délitement de la relation entre Emmanuel Macron et le pays.

Le Président Macron a évidemment un pouvoir légal. Mais il a terriblement perdu de sa légitimité politique qui repose, elle, sur le consentement.

C’est-à-dire que la légitimité politique a deux conditions : la réalité du pouvoir et le consentement politique.

Le président Macron, depuis sa réélection, apparaît en position de faiblesse. Usage du 49.3 pour passer en force, pas de majorité à l’assemblée… C’est dommageable, et ce pourquoi ? Parce qu’au fond, l’influence d’un chef d’Etat dans le monde dépend d’abord de la fiabilité de son lien avec son peuple. Or il y a une singularité française, c’est qu’au sommet de l’Etat, la légitimité telle que perçue par les classes dirigeantes et les gouvernants ne viendrait pas de la qualité du lien avec les français mais au contraire de la capacité à mener des politiques, je dirais, en surplomb des Français. En faisant de la pédagogie et non pas en entraînant les français dans un projet. 

Est-ce qu’on doit en conclure que Charles III a un lien plus fort avec son peuple que le président de la République ? 

Oui, mais il n’est pas de même nature. Les choses sont plus simples pour le roi Charles III.

La nature du pouvoir du roi Charles III, comme autrefois celui de la Reine Elizabeth II, est purement symbolique. C’est la couronne, c’est héréditaire. C’est l’union de tous les britanniques dans leur diversité et même dans le commonwealth. 

Le pouvoir du président de la République en France est beaucoup plus important. Il est à la fois symbolique et politique. Encore faut-il que le président incarne la nation. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. au fond, ce qui fait cette incarnation c’est l’idée que le président construit l’avenir du pays avec les Français. Alors qu’au contraire, il semble relayer des politiques venant de Bruxelles qui sont l’inverse de l’imaginaire de la nation.

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