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Ces nouveaux consultants qui se font payer très cher pour que vous ne compromettiez pas les chances de votre enfant en vous “trompant” de prénom
©Reuters

Poids des mots

Khaleesi, Nutella, Djihad, Périphérique sud... Afin d'éviter le choix peu judicieux d'un prénom pour votre futur enfant, des agences spécialisées en marketing vous offrent désormais leurs services moyennant rémunération, afin de ne pas plomber votre petit pour la vie et maximiser ses chances de réussite.

Patricia Réveillaud

Patricia Réveillaud

Patricia Réveillaud est éditrice et la responsable éditoriale de BabyCenter pour la France et les pays francophones.

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Atlantico : De nouvelles agences se développent aux Etats-Unis et en Europe pour aider les parents à choisir le prénom de leur enfant moyennant rémunération. Que proposent-elles exactement et comment fonctionnent-elles ?

Patricia Réveillaud : Des agences privées sont en train de naître aux États-Unis et en Europe pour aider les parents à choisir le prénom de leur enfant. L'agence Erfolgswelle, basée en Suisse, propose par exemple de nommer votre enfant pour 29 000 dollars, en consacrant trois semaines au processus de réflexion, soit environ 100 heures de travail.

Pour ce faire, ces agences appliquent les mêmes méthodes marketing qui sont utilisées pour choisir des noms de produits ou de marques. Comme lorsqu'il s'agit de yaourts ou de voitures, elles visent à ce que le prénom soit le plus "vendable" ou "populaire" possible au sein de la société dans laquelle l'enfant va grandir, et qu'il soit le moins discriminant possible.

Ces agences justifient leur existence par le fait qu'un "mauvais" choix de prénom peut avoir de très lourdes conséquences sur la vie de l'enfant. Quels sont les pièges à éviter lorsque l'on choisit le prénom de son enfant ?

Il y a selon moi cinq grands pièges à éviter lorsque l'on choisit le prénom de son enfant. Il est important de les connaître, car les parents qui nomment mal leur enfant n'ont pas de mauvaises intentions, mais ne se rendent pas compte de la manière dont un prénom peut être perçu par autrui (d'où l'intérêt parfois de l'intervention d'une tierce personne, d'ailleurs).

1) Choisir un prénom à la mode, issue d'une série à succès ou de nouvelles technologies. Aux Etat-Unis, une nouvelle tendance consiste à appeler son enfant comme son filtre Instagram, ce qui donne des "LUX" ou "Ludwig". C'est un peu comme si on avait appelé nos enfants dans les années 80 "Minitel" ou "3615". On constate le même phénomène avec la célèbre série "Games of Thrones", qui a donné naissance a plein de petites "Khaleesi", une des héroines de la série. Il faut essayer de prendre du recul avec ces effets de mode, car ces prénoms peuvent apparaitre comme un peu connoté quelques années plus  tard, sans compter que dans le cas des séries, on vous associe toujours à un personnage, ce qui n'est pas très agréable. 

2) Inventer un prénom, ce qui peut par exemple donner à partir du prénom Loana, des "Liouana" ou des "Lovana". Ce sont des noms qui sont trop difficiles à retenir et qui finissent très souvent mal orthographiés ou déformés, et qui amènent l'enfant à devoir le répéter sans arrêt.

3) Donner un prénom trop lourd de sens. Je pense notamment à tous les bébés nommés "Charlie" pour rendre hommage aux victimes des attentats terroristes de janvier 2015.  Même si l'intention est louable, le prénom de l'enfant sera toute sa vie associé à une tuerie. C'est la même problématique pour des parents qui donnent le prénom de leur enfant lié à un ouragan ou tempête (aux conséquences parfois terribles), ou encore cette pratique ancestrale qui consistait à donner le nom d'un membre de la fratrie mort au nouveau-né, comme c'était par exemple le cas pour Van Gogh. On déconseille également aux parents d'appeler deux frères "Caïn" ou "Abel", car cela fait référence à une histoire atroce de fratricide. Le prénom "Djihad" est aussi à proscrire de nos jours. 

4) Se renseigner pour savoir si le prénom que vous avez choisi se trouve ou pas dans le top 10 des prénoms les plus à la mode du moment. Les parents pensent souvent avoir trouver un nom original, alors qu'ils ont été influencés inconsciemment par un effet de mode. Non pas que ce soit vraiment handicapant d'être dans le top 10 des prénoms les plus populaires, mais il faut quand même en avoir conscience, car certains parents détestent cette idée.

5) Faire attention à l'association du prénom avec le nom. Parfois, cela peut donner des effets de prononciation disgracieux, ou de mauvais jeux de mots.

Ce type d'agence existe en Suisse et en Allemagne, mais pas encore en France. Pensez-vous qu'il y aurait un marché pour cela ?

Oui, tout à fait.

Sur le site de Baby Center France, la rubrique qui aide les parents à choisir le prénom de leur futur enfant est une des plus consultée.

De plus, nous sommes dans une époque que je qualifierais "de coaching", c'est-à-dire qu'il y a désormais des coachs pour tout : le sport bien sur, mais aussi le choix de sa maison, de son travail... Donc pourquoi pas un coach pour les prénoms, oui.

Enfin et paradoxalement, avec Internet, il n'y a jamais eu autant de choix de prénoms possible, mais les futurs parents semblent s'y perdent un peu et on effectivement besoin de conseils.

De quels conseils les parents français peuvent-ils bénéficier pour choisir le prénom de leur enfant à l'heure actuelle ?

Une fois qu'on a bien pris la peine d'éviter les écueils décrits plus haut, il y a d'abord tout simplement tous les ans de nombreux livres sur les prénoms sont édités en France. Ils permettent de découvrir l'origine et permet de découvrir l’origine, la signification, les variantes, les tendances et les fréquences d’attribution de plus de 12 000 prénoms féminins et masculins.

Ensuite, des sites comme le site de Baby Center France propose aussi un guide des prénoms, qui permet d'en chercher par pays, signification, lettre, etc.

Enfin, on peut, en sollicitant son entourage familial, trouver des idées de prénoms qui seront peut-être le reflet de ce vous êtes, de la famille que vous représentez.

Existe-t-il un système administratif chargé de valider ou de censurer le choix d'un prénom ? Si oui, pour quelles raisons ?

Le contrôle du choix du prénom ne se fait qu’après l’inscription de celui-ci dans l’acte de naissance, par l’officier de l’état civil. Si les prénoms ou l'un d'eux, seul ou associé aux autres prénoms ou au nom de famille, lui paraissent contraire à l’intérêt de l’enfant, il se doit d’aviser le procureur de la République. L’officier de l’état civil ne serait donc qu’ « un juge de l’apparence » de la contrariété à l’intérêt de l’enfant du prénom. Le parquet aura l'initiative d'une procédure de suppression du prénom devant le juge aux affaires familiales. À son tour, le procureur de la République devient  juge de l’apparence, et « juge de l’opportunité ».

Le juge aux affaires familiales (ou JAF), peut ensuite décidé si les parents doivent changer le prénom de l'enfant, comme cela a été récemment le cas pour une petite fille que ses parents avaient appelé "Nutella", ou encore d'autres parents qui avait nommé leur "Périphérique sud" car les parents en route pour la maternité étaient restés bloqués sur le périphérique sud.

Est-ce difficile de changer de prénom en France si celui que nous a donné nos parents ne nous convient pas ?

Toute personne peut demander à changer de prénom si elle justifie d'un intérêt légitime. C'est le cas si son prénom ou la jonction entre son nom et son prénom est ridicule ou peut lui porter préjudice. L'adjonction ou la suppression de prénoms peut également être demandée.

L'intéressé doit adresser sa demande, en précisant les motifs, auprès du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance. Le tribunal compétent est celui du lieu de naissance du demandeur ou de son domicile. Lorsque l'acte de naissance du demandeur est détenu par le service central d'état civil du ministère des affaires étrangères, la demande peut aussi être présentée au juge du tribunal de Nantes. C'est le cas des personnes nées à l'étranger.

L'assistance d'un avocat est nécessaire. Le demandeur peut, sous certaines conditions, demander l'aide juridictionnelle

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