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Ces manières d'aider vraiment un ami qui souffre de dépression
©Pixabay

Soutien psychologique

La dépression est une maladie. Le site TED Ed avance cinq pistes pour aider les patients qui en souffrent. Ces solutions consistent au fait de parler ou de ne pas la prendre comme un signe d'infamie. En parler permet de développer sa connaissance et sa prise en charge.

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard est psychanalyste. Elle est l'auteur du livre Comprendre l'obésité chez Albin Michel, et de Obésité, le poids des mots, les maux du poids chez Calmann-Lévy.

Elle est membre du Think Tank ObésitéS, premier groupe de réflexion français sur la question du surpoids. 

Co-auteur du livre "La femme qui voit de l'autre côté du miroir" chez Eyrolles. 

Voir la bio »

Atlantico : Le site TED Ed propose cinq solution pour venir en aide à un proche qui souffre de dépression. Ils proposent en outre de parler avec la personne atteinte de dépression, de s'informer sur la dépression, ne pas en faire une marque d'infamie... En quoi sont-elle efficaces pour soulager des gens qui souffrent de dépression ?

Catherine Grangeard : En rien, si ce sont des recettes plaquées ! Il va de soi que laisser un proche s’enfoncer sans parler avec, sans s’intéresser à ce qu’il traverse et s’informer ne lui viendra pas en aide, non ?

Soyons sérieux… Comme pour tout état, qu’il soit physique ou psychique, c’est une lapalissade que de s’informer, de parler avec la personne et… surtout, l’écouter !

Rien n’est pire que des personnes qui se donnent bonne conscience en assénant leurs solutions à des personnes fragiles, qui le deviennent encore plus, tant elles se sentent minables de ne pas réussir à les appliquer (est-ce rassurant pour ces donneurs de conseils ?)

Pourtant l’article commence bien : ne pas confondre un moment de déprime, passager, tel que tout un chacun en traverse avec une dépression qui se caractérise par une durée et une intensité plus importantes.

« Pas envie, pas le courage, fatigue… », ce sont des constantes auxquelles sont ajoutées honte et dépréciation le plus souvent. Alors, du tact, par pitié pour ces sujets en souffrance ! Bousculeriez-vous une personne brûlée au 2ème degré ? De la modestie ! Si c’était si simple, votre proche se serait relevé plus facilement de ses épreuves. Pour lui, c’est sérieux, même si à vos yeux ça ne mérite pas de s’écrouler…

Et ce qui compte, c’est sa perception. Il me semble que l’essentiel c’est l’accompagnement. Il ne s’agit pas de précéder par des conseils peut-être avisés mais pas encore utiles tant que la personne concernée n’en est pas là. On parle bien de « suivre quelqu’un » en thérapie !

Cet article révèle que plus les malades parleront de leur dépression, plus facilement évoluera la recherche pour apporter des traitements. Le sujet de la dépression est-il si mal connu en France ?

 Oui, vous avez raison, la dépression est mal connue, car en réalité, il y a plusieurs types de dépression. Et selon les causes, elles sont très différentes les unes des autres.

Bien sûr que plus les personnes parlent et mieux ça se passe, à tous niveaux.

Mais, nous l’avons abordé, la honte faisant partie de cet état, ça ne facilite pas les épanchements. Déjà, s’avouer à soi-même être en dépression n’est pas aisé. Parce que la plupart des personnes en souffrant ont la même perception que la majorité « avec un peu de volonté, on se secoue et c’est fini »… Donc, elles ne s’auto-diagnostiquent pas volontiers comme étant en dépression, souvent elles banalisent. Quand l’entourage aborde le sujet, selon la façon dont c’est reçu, un nouveau repli sur soi peut en découler. Alors, bien loin de ce qu’il faudrait, ce retrait peut faire encore perdre du temps à une prise en charge correcte.

Pourquoi « les » dépressions sont si mal connues, mal diagnostiquées ? Ne serait-ce pas aussi parce qu’elle est trop médicalisée ? Je m’explique. En considérant sous l’angle « maladie », les raisons sont laissées de côté. Aussi, on se contente de soigner sans travailler à la résolution du problème.

Pourquoi donc ? Quand un fumeur fait des bronchiques chroniques, quand une personne passe en « obésité morbide », quand une personne consulte en état d’ivresse, il est toujours examiné comment devenir abstinent. Des campagnes anti-tabac, l’interdiction des publicités pour l’alcool ont heureusement permis de diminuer des addictions. Il reste encore fort à faire ! Contre la « malbouffe », par ex…

Mais dans tous ces cas-là, on ne saurait aborder les conséquences dans se centrer sur les causes.

Avec les dépressions, c’est moins vrai car c’est extrêmement complexe. Des causes extérieures n’ont pas un même impact selon le psychisme des uns et des autres, d’une part et d’autre part, l’évaluation subjective de la nocivité des situations vécues complique l’approche.

Qu’est-ce qui relève du harcèlement ou d’une vulgarité ? Que se passe-t-il vraiment au sein de la famille, du couple ? Ou ailleurs, y compris dans des lieux exposés comme les réseaux sociaux. Je pense à une adolescente en grave dépression en ce moment suite à une exposition de sa relation intime par l’ex.

La complexité des relations sont à la base des difficultés face à une prise en charge des personnes en dépression. Dans ce cas précis, la trahison de l’amoureux égale la honte d’être ainsi exposée dans son intimité. Sans doute qu’une certaine fragilité aggrave l’intensité du plongeon mais à l’adolescence n’est-ce pas  une constance que cette fragilité psychique ?

Il me semble que la société peut diminuer les souffrances personnelles en portant un regard sans appel sur certains comportements, comme les harcèlements, les humiliations… « pour que la honte change de camp », pour reprendre une expression militante.

Un mixte de traitement collectif et individuel peut alors faciliter la prise en charge thérapeutique.

Dans le cas de l’obésité, il en va de même. J’ai rencontré de nombreux patients en dépression prenant beaucoup de poids. Or, la dépression était ignorée. Seule la prise de poids était considérée. La culpabilité, jamais loin dans ces prises de poids contraires aux normes sociales en vigueur actuelles, en rajoutait à la dépréciation de soi, toujours présente dans les dépressions. J’insiste sur ce point. Dans une société de performance, la dépression est mal vue !

Si on ne connait pas ces méthodes abordées par l'article, quels sont les meilleurs traitements pour aider des patients souffrant de dépression ?

Les traitements sont aussi nombreux que les dépressions.

A-t-on repéré des causes sur lesquelles agir, plutôt que se centrer sur les conséquences ?

Si on sait que le conjoint est maltraitant, que les parents rabaissent un enfant, que les collègues de travail ou la hiérarchie font subir une pression insupportable, etc… je propose alors d’aider concrètement la personne à se sortir de ces situations pathogènes. Il ne s’agit pas de traiter la conséquence (dépression) mais les raisons qui font mal.

Quelles sont les attitudes à adopter pour aider des gens ou des proches souffrants de dépression. L'article aborde 5 points comme par exemple aider à trouver de l'aide, discuter, être informé sur la dépression... Tout ceci relève du bon sens, on ne peut qu’y adhérer. C’est le préalable ! Se mettre à l’écoute, le plus tôt possible, avant même que les difficultés aient atteint la personne est encore la meilleure attitude, prévenir vaut mieux que guérir…

Quand on constate des situations qui ne peuvent qu’avoir des effets négatifs, manifester à la personne, toujours avec tact, qu’elle n’est pas seule, que ce n’est pas normal, qu’on peut réfléchir à des solutions, … voilà ce qu’il faut faire, plutôt que détourner le regard, faire comme si on n’a rien entendu, sourire, etc.

La main tendue est toujours efficace, même si elle n’est pas saisie dans l’immédiat.

Beaucoup de dépressions sont des conséquences d’années de sape. On le voit en permanence dans les cabinets !

Lorsque la dépression est installée, il faut faire le chemin inverse, remonter !

Il n’y a pas que les médicaments.

Ils sont utiles en situation de crise mais ils ne sauraient avoir réponse à tout.

Or, trop souvent ils sont prescrits pour faire taire une souffrance invalidante. Ils sont la seule prise en charge. Les médecins ne peuvent offrir que ce qu’ils ont à leur disposition, ils ne peuvent être en situation de traiter à fond les conditions qui créent les symptômes, que ce soit dans la dépression ou dans d’autres manifestations de mal-être, comme certaines obésités, certains alcoolismes, certains tabagismes, etc.

Ma crainte avec ce type d’articles se situe à plusieurs endroits.

Un, des conseils que je qualifierai de « bon sens », comme l’ouverture d’esprit de l’entourage, la quête d’informations, … soient perçus comme faciles et suffisants. Or, s’ils sont nécessaires, ils sont loin d’être suffisants. Sauf pour certains individus, suffisants pour le coup, qui peut-être font partie du problème du « déprimé » !

Deux, que la recherche évoquée soit entendue comme celle de molécules au détriment de thérapies par la parole. Or, le sujet à n’être pas écouté, pas entendu surtout, s’enfonce dans une solitude terrible, intérieure, où malgré tous les traitements essayés, il souffre intensément de cela justement… qu’on lui ingère quelque chose alors qu’il a besoin de sortir de lui ce qui le ronge.

Des professionnels existent, avec le recul que n’ont pas les personnes de l’entourage, non pris dans les rets de la vie quotidienne, se tourner vers eux est souvent une étape qui permet de se sortir de ces mauvaises passes.

La dépression n’est pas une maladie mentale, de la folie ! cette terreur explique le retard avec lequel de nombreuses consultations se font. Le médecin généraliste n’est pas le seul interlocuteur. Comme l’adjectif « généraliste » l’indique, certains professionnels, non-médecins, sont spécialistes de ces problèmes, ce sont les psychologues, les psychanalystes. Ils ne vont pas médicaliser ce qui ne doit pas l’être mais travailler de concert avec des médecins généralistes ou psychiatres si nécessaire.

En cette période électorale, de nouveau, insistons sur les économies pour la Sécurité Sociale de rembourser ce type de consultations plutôt que de longs traitements médicamenteux !

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