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Centenaire de 1918 : un rendez-vous manqué avec l’Histoire
©Vladimir Zivojinovic / STR / AFP

Dommage

Nos morts méritaient bien mieux que la cérémonie et l'hommage qui leur a été rendu ce 11 novembre.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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Les notes d’un boléro de Ravel particulièrement mou s’élèvent sous l’Arc de Triomphe, ne suscitant de la part des invités présents que peu d’attention, alors que la pluie continue nous rappelle que nous sommes bien mi-novembre. Voila l’image, soigneusement mise en scène – malgré un certain nombre de ratages techniques – que la télévision française a diffusé ce matin du centenaire de l’armistice de la Première Guerre mondiale. 

Disons-le tout net : les morts, les vainqueurs et les vaincus du premier conflit mondial méritaient en vérité bien mieux ! Ils méritaient surtout une considération, de la part de la Présidence de la République que celle-ci s’est méthodiquement évertuée à leur refuser depuis de longues semaines. Qu’on en juge. 

La polémique avait ainsi commencé par la désastreuse comparaison entre les poilus et « des civils que l’on a armés », transformant des hommes mobilisés pour la défense de leur patrie en une foule plus ou moins consciente de ses actes et de son engagement. Nier le professionnalisme des soldats de 14-18, d’autant plus grand qu’ils étaient dans l’écrasante majorité des conscrits, a été le premier affront que leur aura fait le pouvoir macronien. Officiellement il s’agissait d’éviter toute « militarisation » de ce centenaire alors même que c’est bien la fin des combats d’une guerre immensément meurtrière que l’on célébrait ! Chose inouïe que ce décalage entre la réalité de ce que fut la Première Guerre mondiale et ce que la Présidence eut voulu qu’elle soit : un ciment des relations européennes. Dire que l’Europe d’aujourd’hui commence dans les tranchées est en partie vrai, mais faire d’un conflit par essence total, voué à l’anéantissement de l’adversaire, un pas en avant vers la concorde fraternelle est un peu gros. La Guerre de 14-18 a été une guerre dure, inhumaine, avilissante. La victoire n’en fut que plus amère, 10 millions de morts, plus brillante aussi. Le sacrifice suprême que tant de familles consentirent, que tant de soldats accomplirent ne se comprend qu’à l’aune d’idées transcendantes que sont, pêlemêle, la solidarité du groupe de combattants, la défense du sol français, l’engagement pour la patrie. De cela, rien n’a transparu en ce 11 novembre 2018. 

En vérité c’est avant tout à une démonstration, habile certes, de la part d’Emmanuel Macron à laquelle nous avons eu droit : celle que les idées nationales et l’attachement à son pays ne conduisent qu’aux catastrophes. Travestissant éhontément la pensée des dirigeants de l’époque – pour certains ouvertement nationalistes quand ce mot avait une autre signification – il a choisi de convoquer leurs mânes pour assener son idée préférée du « retour aux heures les plus sombres ». En choisissant l’Arc de Triomphe comme tribune pour ses orientations de politique étrangère et son goût immodéré du multilatéralisme, E. Macron a montré combien il oubliait l’essence de la Première Guerre mondiale. Refusant de considérer la victoire de l’Entente – pourtant bien réelle – il a bafoué la mémoire même de la France et de ses alliés. En choisissant d’oublier dans son discours les alliés les plus proches de la France dans ce conflit, il s’est servi de la mémoire de la guerre pour servir ses intérêts immédiats. Le ballet des chefs d’Etat et de gouvernement réunis à l’Elysée et transportés, pour la plupart, en car de tourisme aurait eu quelque chose de cocasse si ce n’avait été dramatique pour notre diplomatie. Les invités étrangers étaient ainsi triés suivant leur importance pour le Président, peu nombreux avaient droit aux faveurs présidentielles et surtout aux parapluies… En sur-focalisant la commémoration sur la relation franco-américaine – sans minorer l’apport des Etats-Unis, ceux-ci n’ont été que la 5e nation contributrice à l’Entente en nombre de soldats mobilisés et ont représenté moins de 2% des pertes de l’Entente -, tout en oubliant les autres alliés majeurs (Royaume-Uni, Russie, Italie), E. Macron a bien montré que cette commémoration n’avait en réalité rien à voir avec la Première Guerre mondiale.

Le calendrier étant bien fait pour le président jupitérien, ce 11 novembre après-midi est surtout l’occasion du « Forum pour la Paix » qu’il a voulu et organisé. Dans ce contexte on comprend mieux comment et pourquoi les chefs d’Etat ou de gouvernement mis en avant ont été ceux apparaissant aujourd’hui les plus importants pour la politique étrangère d’E. Macron. Etats-Unis, Allemagne mais aussi Maroc et Turquie voire Chine – avec une lettre lue en mandarin – sont bien les pivots de la politique macronienne actuelle. Qu’il s’agisse d’alliés malcommodes ou de pays avec lesquels le Président entretient une certaine proximité, tous représentent un enjeu pour la diplomatie actuelle. Des pays majeurs du premier conflit mondial on retiendra surtout une absence retentissante du Royaume-Uni, sans représentation de la famille royale avec le numéro deux du gouvernement uniquement, une marginalisation de la Russie, de l’Autriche, de l’Italie.

Enfin et surtout, le plus choquant aura été une forme diffuse d’absence réelle de commémoration des soldats. Certes ceux-ci étaient présents physiquement au travers des écoles militaires et des deux régiments ayant perdu des soldats récemment. Pourtant, l’hommage qui a été rendu aux combattants d’hier et d’aujourd’hui était bien maigre et surtout bien rapide. Tout concourrait en vérité aujourd’hui à marteler l’idée selon laquelle la victoire militaire était quelque chose de mal car trop attaché à l’identité nationale et que seul comptait le multilatéralisme, parangon de l’action pour épargner la souffrance des peuples. Cette idée a déjà eu son heure de gloire, justement à la suite de la Première Guerre mondiale, avec les effets que l’on connait.

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