Ce techno-paternalisme macronien qui jette de l’huile sur le feu concernant les retraites<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Il y a une propension dans le discours de Renaissance à penser incarner le camp de la Raison, de la responsabilité.
Il y a une propension dans le discours de Renaissance à penser incarner le camp de la Raison, de la responsabilité.
©Michel Euler / POOL / AFP

Et la liberté, bordel ?

Comme souvent en France, la rhétorique du gouvernement pour défendre sa réforme montre que les Français sont quasi systématiquement traités par leurs élites comme des administrés plutôt qu’en tant que citoyens.

Rafaël Amselem

Rafaël Amselem

Rafaël Amselem, analyste en politique publique diplômé du département de droit public de la Sorbonne. Rafaël Amselem est également chargé d'études chez GenerationLibre.

 

Voir la bio »

Atlantico : Quelles sont les caractéristiques du techno-paternalisme macronien ?

Rafaël Amselem : Premièrement, si on se concentre sur la majorité, il y a une propension dans le discours de Renaissance à penser incarner le camp de la Raison, de la responsabilité. La majorité sous-entend que les pauvres seraient irresponsables. Il y aurait ceux qui savent et ceux qui ne savent pas. Cet argument est invoqué dans le débat public, en particulier sur le sujet des retraites. 

Deuxièmement, sur le cas d’espèce, avec cette histoire de formation obligatoire rattachée à l’obtention du RSA, il y a cette idée que les pauvre ne savent pas comment gérer leur vie et qu’ils n’ont pas les outils, et donc que le pouvoir va décider à leur place de ce qui est bon pour eux. Le pauvre serait incapable de se diriger soi-même et de savoir quels sont les meilleurs moyens pour mener sa vie. Or en tant que libéral, ce discours n’est pas audible. L’Etat n’a pas à se placer dans une relation tutélaire avec ses administrés.

Troisièmement, sur le plan institutionnel, nous avons une architecture qui favorise la technocratie et la verticalité. La Ve République donne à l’exécutif des prérogatives extrêmement importantes, ce qui débouche sur un rapport presque perverti entre l’administration et les citoyens. La raison d’Etat doit primer du fait de nos institutions au détriment de la responsabilité des individus. Plus généralement, il y a une méfiance globale à l’égard de la liberté des individus.

Au contraire, la démocratie libérale consacre l’individu libre qui mandate, parce qu’il est libre, des représentants pour l’administration des affaires publiques. Or nous observons depuis plusieurs années une dynamique inverse où l’intérêt général n’est plus borné par la liberté et la responsabilité des individus, mais à l’inverse, c’est la liberté qui doit se conformer à la définition de l’intérêt général par le pouvoir politique. 

Dans quelle mesure ce paternalisme menace nos libertés ?

La démocratie libérale, c’est cette idée que la liberté originelle réside dans les individus : François Sureau affirme que "le parlement n'est fondé à décider que dans les limites du respect [des droits politiques et de la liberté] qui renferment la légitimité politique". Or le pouvoir ne se sent plus astreint ni borné, conduisant à la domination de cette relation tutélaire. 

Tocqueville le disait déjà à l’époque : quand la centralisation politique et la centralisation administrative vont de pair, le pouvoir tend à faire obéir les citoyens.

En quoi ce paternalisme s’est-il exprimé lors des débats sur la réforme des retraites ?

Tout d’abord, le gouvernement pense que c’est la Raison qui a donné lieu à ce texte de loi, comme forcé par un impératif extérieur indépendant de sa volonté. Ce n’est plus la confrontation des opinions qui débouche sur cette réforme, mais avant tout le point de vue du Conseil d’orientation des retraites (COR), qui a indiqué un déficit au gouvernement, lequel a agi en conformité avec ce que lui a dit le COR.

Ensuite, le gouvernement s’est appuyé sur la pédagogie, a maintes fois affirmé que les gens n’avaient pas compris l’intérêt de cette réforme. Or les gens ont très bien compris la réforme et ont tout à fait le droit de s’y opposer.

Enfin, il ne faudrait pas réduire les raisons du mécontentement au seul paternalisme. Il y a aussi des arguments de fond à invoquer. Pour un libéral, l'Etat de droit se fonde sur une certaine équivalence entre les droits et les devoirs. Or, comme noté par Monique Canto-Sperber, cette réforme consacre une certaine inégalité : une partie de ceux qui cotisent le plus tôt vont devoir avoir plus d’annuités pour obtenir le même droit à la retraite par rapport à des personnes qui ont commencé plus tard.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !