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Ce que vos habitudes et les gestes que vous exécutez au quotidien révèlent de vous
©REUTERS / Christian Hartmann

Moi profond

De nombreux tests de personnalités sont fondés sur les gestes quotidiens les plus banals. Ils seraient des accès privilégiés à l'identité d'un individu. Qu'il soit automatique ou réfléchi, le geste en dit long sur son émetteur. Mais attention : l’application d'interprétations gestuelles universelles pourrait mener en bateau.

Pascal Neveu

Pascal Neveu

Pascal Neveu est directeur de l'Institut Français de la Psychanalyse Active (IFPA) et secrétaire général du Conseil Supérieur de la Psychanalyse Active (CSDPA). Il est responsable national de la cellule de soutien psychologique au sein de l’Œuvre des Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers de France (ODP).

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Atlantico : Dans quelle mesure des attitudes telles que la manière dont on rédige un mail, dont on accroche son papier toilette, la vitesse que l'on adopte pour ingérer un repas, et autres tests de personnalités en vogue (lire ici) peuvent-elles révéler la personnalité d'un individu ?

Pascal Neveu : Nous savons que la communication non-verbale représente environ 80% de notre mode d’expression. Aussi, donnons-nous à montrer qui nous sommes sans nous en rendre compte. D'ailleurs, dans les années 1960, la grande psychologue et psychanalyste Juliette Favez-Boutonnier profitait de ce fait pour emmener ses étudiants de la Sorbonne à la gare de Lyon : elle leur demandait de tirer un portrait psychologique de certaines personnes, uniquement sur la base de leurs comportements, gestes et attitudes. Une sorte de "Mentalist" de l’époque ! Il faut cependant relativiser cette assertion car notre socle éducatif, les habitudes apprises et transmises depuis notre enfance orientent nos comportements.

C’est ce que Freud démontrait en partie en étudiant notre dite "psychopathologie de la vie quotidienne". Il insistait alors sur le fait qu’en dehors notre apprentissage, notre fonctionnement psychique accentue certains types de comportement. Par exemple, une personnalité de type obsessionnelle aura une relation aux objets plus marquée, quasi "fétichiste", qu’un hystérique ou encore un psychotique qui vivra, lui, une relation très fusionnelle avec l’objet élu. Que ce soit la façon dont on ouvre une lettre, la manière dont on dévore une assiette, ou encore les techniques de rangement à la maison, ne serait-ce que la façon dont on fait ses courses… tout nous dit sur notre relation à la vie et notre composition psychique.

Comment expliquer qu'un automatisme contienne autant d'informations sur un individu ? Un geste quotidien et mécanique peut-il révéler des choses dont l'individu est lui-même inconscient ?

Nous vivons bon nombre de gestes automatiques. Pour autant, nous sommes toutes et tous en prise avec notre vie psychique et la façon dont nous l’avons structurée. Aussi, nous avons appris à la composer à travers des mécanismes acquis, afin de réduire certaines de nos angoisses, via des comportements "anxiolytiques" qui nous permettent de gérer notre quotidien avec efficacité et en minimisant nos efforts. C’est une véritable économie psychique qui s’orchestre sans que nous nous en rendions compte. C’est la métapsychologie freudienne qui fait que nos comportements acquis ont une partie inconsciente qui "trahit" notre personnalité et raconte quelque part notre histoire.

Ainsi, une personnalité obsessionnelle aura tendance à organiser son univers et ses gestes de manière plus "contrôlée" et ordonnée qu’une autre. C’est la façon dont un trie et on conserve ses mails, dont on range son bureau, ordonne une bibliothèque… dont on prend soin de ses affaires ou au contraire dont on peut les négliger. Le perfectionniste aura, par exemple, un rapport aux objets et à ses propres comportements soumis au contrôle. Ce qui fait de lui un bon comptable, un parfait organisateur d’événements… 

Nous avons besoin d’ordre dans notre vie, de gestes mécaniques qui ne nous demandent pas de dépenser trop d’énergie cérébrale. Sinon, nous réfléchirions indéfiniment à tout ce que nous faisons.

Le geste inconscient est-il toujours une source fiable d'information sur les intentions d'une personne ? Est-ce que la vitesse à laquelle on marche peut réellement indiquer le degré de victimisation potentielle d'un marcheur ? Ou bien encore, est-ce que la manière dont on accroche son papier toilette peut-elle vraiment révéler la nature de nos rapports sociaux tels que la domination et la soumission ?

Tous nos gestes sont analysés par notre cerveau reptilien qui en tire des conclusions afin de nous positionner dans le jeu interactionnel avec autrui. C’est ce cerveau primitif qui assure notre survie en analysant un ensemble de perceptions captées par nos 5 sens et qu’il traite de manière inconsciente.

Ainsi, nous savons que des manipulateurs ou prédateurs savent repérer très rapidement leur victime qu’ils savent être plus réceptive à leurs jeux pervers et qu’ils vont pouvoir soumettre. Ils ne se hasarderont pas avec une personnalité perçue comme moins vulnérable ou plus difficilement manipulable. Tout cela s’opère en arrière fond de notre psychisme à partir de multiples connexions cérébrales que nous ne connaissons pas encore précisément. Aussi, notre façon de nous tenir, de nous positionner en face de l’autre, de nous placer dans une pièce… disent de nous comment nous vivons le lien social. Un dominateur aura des attitudes plus manifestes, pus démonstratrices en affirmant et en affichant qui il est. Pour autant des techniques de programmation cognitives permettent de leurrer une personne en "jouant" une attitude qui n’est pas réellement la nôtre. Raison pour laquelle les agents secrets entraînés sont capables de se reconnaître entre eux car ils ont des attitudes de "camouflage" quasi identiques.

Si l'on considère le geste comme le résultat d'un apprentissage culturel, d'une éducation (par exemple, la lecture de la liste des ingrédients lors d'une sortie dans une grande surface), peut-on encore s'y fier pour évaluer la personnalité d'un individu ?

Négliger la part "sociologique" de nos comportements serait une erreur. Il y a l’éducation parentale, familiale mais aussi toute la méthodologie apprise à l’école ou l’université. Il y a aussi toutes ces petites habitudes, ces manies qui ne reflètent pas forcément notre personnalité mais notre singularité à vivre de manière unique. Il y a également tous les mimétismes liés au bien vivre ensemble qui dictent certains de nos comportements.

Aussi, comme tout test psychologique, une part d’erreur est à envisager. Par exemple un ingénieur ne se comportera pas de la même façon qu’un artiste. Nous sommes en partie formatés par nos apprentissages. Raison pour laquelle on retrouve des caractéristiques communes par type de métier mais aussi dans notre appréhension à gérer notre vie. Il en va de la facture que l’on va régler dès réceptions du courrier, d’une liste de course indispensable par peur d’oublier un produit… de même que la succession des petits gestes quotidiens qui nous rassurent et nous font gagner du temps. Il faut cependant être rassurant, l’être humain a besoin de vivre ces gestes de manière naturelle, sans se poser des questions. Et il faut une très grande maîtrise et connaissance des gestes qui nous "trahissent" afin d’en sortir un diagnostic certain. D’ailleurs c’est à partir l’observation de milliers d’attitudes et comportements que certains logiciels de vidéosurveillance permettent de reconnaître un comportement suspect, d’un comportement "normal". Là encore des erreurs sont possibles, un ordinateur n’étant pas plus parfait qu’un être humain qui se fie à plusieurs formes d’intelligence.

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