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Ce que peut encore faire Mario Draghi pour relancer la croissance en Europe
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D'autres atouts dans la manche

2015 aura été marquée par une légère reprise de la croissance dans la zone euro. Un résultat qui s'explique notamment par la nouvelle politique monétaire mise en place par la BCE, sur le modèle de ce qu'avait entrepris la FED dès 2009. Néanmoins, les efforts à accomplir restent encore importants pour accentuer et pérenniser ce mouvement, surtout que de nombreuses solutions restent encore à essayer.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Fin janvier 2015, la Banque centrale européenne a instauré un plan d’assouplissement quantitatif dont l’objectif était de soutenir l’économie européenne. Après sept années de crise, la zone euro restait le mauvais élève de la croissance mondiale, avec une évidence : l’Europe était seule à ne pas avoir utilisé l’outil monétaire en guise de stratégie de sortie de crise. Dans une sorte de copié-collé de la politique menée aux Etats-Unis dès 2009, la BCE se lançait dans une opération de rachat d’actifs étalée sur une période de dix-huit mois, et ce, pour un montant total de 1 100 milliards d’euros. Près d’une année s’est depuis écoulée et le continent européen a vu sa croissance s’accélérer et son chômage baisser. Alors que la croissance des dix-huit membres de la zone euro était de 0,8% en 2014, l’année 2015 présente une sensible amélioration à 1,5%, et celle-ci est attendue à 1,7% en 2016 et à 1,9% en 2017. En conséquence, le chômage au sein de la zone euro a amorcé sa décrue, passant de 11,5% à 10,7% au cours des douze derniers mois. Ce qui signifie que la stratégie fonctionne, mais que celle-ci reste insuffisante pour parvenir à une reprise solide, permettant d’effacer les profonds stigmates de la crise de 2008. Pour parvenir à accélérer ce mouvement et à élargir la stratégie développée par la BCE, plusieurs moyens restent encore à sa disposition :

Le recalibrage du plan d’assouplissement quantitatif

En matière de politique monétaire, tout est affaire d’anticipations. Lorsque les acteurs économiques ont la chance de pouvoir compter sur une communication claire de la Banque centrale dont ils dépendent, tout devient plus facile. Ainsi, en septembre 2012, la FED innovait en proposant une nouvelle approche de son plan de relance. Après avoir tâtonné en premier lieu, la Banque centrale américaine se détachait de son approche initiale et annonçait la mise en place d’un plan de rachat d’actifs " illimité ", dont l’issue était conditionnée par la réalisation d’un double objectif : un taux de chômage inférieur à 6,5% ou une inflation supérieure à 2,5%. Aussi longtemps que l’une de ses deux bornes n’était pas atteinte, le plan continuait. Les acteurs économiques disposaient alors d’une visibilité suffisante pour suivre le mouvement : la Banque centrale continuera de soutenir l’économie jusqu’à obtention de l’objectif fixé. A partir de cet instant, la croissance et la baisse du chômage ont pu s’accélérer sur un rythme plus soutenu. L’ingéniosité de l’approche était également de rendre la reprise durable. En effet, si l’économie est soutenue aussi longtemps que le chômage n’est pas résorbé, les acteurs économiques ont également une visibilité pour la suite. Car, même si le soutien monétaire est arrêté lorsque la croissance est revenue à un niveau satisfaisant, il serait alors absurde pour les entreprises d’arrêter d’investir dans une économie qui a retrouvé toute sa vigueur.

Ainsi, l’enjeu pour la Banque centrale européenne est de prendre exemple sur la FEDet de recalibrer son plan d’assouplissement quantitatif en fonction d’objectifs clairs. Car le plan actuel ne fait état que d’un montant, plus de 1 000 milliards d’euros, et d’une échéance, mars 2017, et ce sans que les acteurs économiques puissent présumer du résultat. En l’espèce, ce sont les moyens qui sont mis en avant, et non l’objectif. Ce qui provoque une perte sèche en termes d’efficacité.

La refonte du mandat de la Banque centrale européenne

Alors que la FED dispose d’un double mandat, entre la recherche du plein emploi et la stabilité des prix, la BCE s’est vue imposer un objectif unique par les fondateurs de la monnaie unique ; la stabilité des prix. Or, cette distinction conduit à une distorsion. Dans le cas d’une crise inflationniste, la BCE dispose du mandat nécessaire pour lutter contre la hausse des prix, tout comme la FED. A l’inverse, lors d’une crise déflationniste ayant pour conséquence de voir le taux de chômage exploser, la BCE se trouve démunie, à l’inverse de la FED. En effet, cette dernière a la possibilité de tolérer un surplus temporaire d’inflation afin de répondre à une trop forte crise sur l’emploi, ce que ne peut faire la BCE. Il convient dès lors de restaurer cet équilibre et de permettre à l’autorité monétaire européenne d’agir en termes de priorités. Dans le contexte actuel, qui voit l’inflation stagner autour de 0% alors que le chômage campe au-delà du seuil de 10%, la priorité n’est pas complexe à identifier. Il faut relancer, à fond, en fixant un objectif de plein emploi. Les inquiétudes relatives à une hausse de l’inflation ne sont que pur fantasme. En effet, pour qu’une accélération des prix puisse se matérialiser, celle-ci devra être précédée par une situation de plein emploi, qui conduirait elle-même à la hausse des salaires, puis, en dernier lieu, à une accélération des prix. Ce qui permet de rassurer tout le monde, parce qu’un tel contexte n’est pas exactement ce qui est vécu aujourd’hui au sein de la zone euro.

  1. Un mandat d’objectif de PIB nominal

  2. Une fois les deux premiers points remplis, la BCE pourrait commencer à innover, jusqu’à dépasser ce qui a été entrepris aux Etats-Unis. En effet, depuis l’année 2009, de nombreux économistes ont pu élaborer un objectif de Banque centrale capable d’affronter une crise de type de 2008. Et un tel mandat a été identifié, sous l’acronyme barbare de NGDPTL, ou Nominal Growth Domestic Product Target Level (Objectif de niveau de PIB nominal). Et en effet, ce mandat a tout pour plaire.  Alors que pour la très grande majorité des Banques centrales mondiales, l’objectif est de parvenir à une inflation de 2%, ce mandat dit de " PIB nominal " permet d’inclure croissance et inflation dans une seule et même mesure. Parce que le PIB nominal n’est rien d’autre que la mesure brute de l’économie entre deux instants, ou la somme totale des dépenses au sein d’une économie pendant une période donnée. L’inflation et la croissance ne sont que les composantes secondaires de cette donnée brute. Ainsi, en visant le PIB nominal en lieu et place de l’inflation, une Banque centrale se trouve être en mesure d’affronter les deux types de crise majeure.

Si en temps normal, une inflation de 2% et une croissance de 2% sont considérées comme un idéal, alors le taux de croissance nominal optimal est de 4%. Ainsi, pour chaque année, l’objectif est relevé de 4%. Si l’année 1 présente un PIB nominal de 100, l’année 2 sera fixée à 104, l’année 2 à 108,1 6 etc…En pratique, dans le cas de l’année 2008, l’inflation a pu dépasser les 4% pendant un cours moment, ce qui a entrainé une réaction de rigueur de la part de la BCE, car celle-ci ne pouvait tolérer une inflation supérieure à 2%. Or, cette décision a provoqué une sévère accentuation de la crise en cours, et a largement contribué à provoquer l’effondrement économique de la zone euro. Dans le cas d’une utilisation du mandat de PIB nominal, cette situation aurait été évitée. En effet, cette hausse temporaire de l’inflation s’était accompagnée d’un fort ralentissement de la croissance, celle-ci étant passée en territoire neutre ou négatif dès le printemps 2008 en Europe. En l’espèce, avec une croissance 0 et une inflation à 4%, la croissance nominale ne dépassait pas l’objectif de 4%, et ne devait soit susciter aucune réaction, soit provoquer un signal d’alarme pour soutenir l’activité économique de la zone euro. De la même façon, et depuis que la crise a débuté, le " manque à gagner " dépasse les 20% de croissance nominale, ce qui impliquerait, avec un tel mandat, de soutenir le niveau d’activité jusqu’à ce que l’économie européenne atteigne son plein potentiel. La borne supérieure à atteindre serait au moins de parvenir à une situation réelle de plein emploi, accompagné d’un niveau d’inflation de 2%.

La politique monétaire européenne en est encore à l’âge de pierre. Son potentiel d’amélioration est considérable. Dès lors, il appartient, aussi bien aux dirigeants européens qu’aux gouverneurs de la BCE de prendre en charge la nécessaire remise à niveau de cette institution.

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