Ce que nous révèle la carte de la matière noire, cette force qui régit tout l'univers<!-- --> | Atlantico.fr
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Vue de l'espace (photo d'illustration).
Vue de l'espace (photo d'illustration).
©Reuters

La force obscure

Une équipe de chercheurs internationaux affirme avoir réalisé, sur une fraction de notre univers, une carte très précise de la matière noire, dont l'existence n'a encore jamais été prouvée à proprement parler.

Une carte de l'invisible. C'est le projet dans lequel s'est lancée une équipe internationale de 27 chercheurs, issus de 6 pays différents. Présentée lors d'une conférence, mi-avril, de l'American Physical Society, cette carte de la voûte céleste ressemble à des relevés topographiques avec des couleurs distinctes en fonction de la présence plus ou moins importante de la matière noire. Mais, tout d'abord, une définition s'impose et elle n'a rien de simple. La matière noire ne désigne pas une matière observée mais plutôt une matière supposée. La matière noire, c'est justement ce qu'on ne peut pas voir dans notre univers. A condition même que sa réalité soit démontrée.

L'origine de cette matière noire remonte aux années 1930. A cette époque, le jeune Fritz Zwicky, un astronome américano-suisse, pointe le viseur de son observatoire sur l'amas de la Chevelure de Bérénice, appelé aussi amas du Coma. Un amas galactique est l'association de centaines voire de milliers de galaxies, tenues entre elles par la gravité. Mais à l'intérieur de ces amas, les galaxies se déplacent. En 1933, c'est justement la vitesse de déplacement de ces galaxies que Zwicky cherche à calculer à grands coups d'équations de Newton et de Kepler. A son grand étonnement, il découvre des vitesses tellement élevées que les galaxies auraient dû se dissocier depuis longtemps dans cet amas. En clair, la vitesse théorique calculée est bien plus rapide que celle observée.

Pour la science, soit les calculs de l'astronome sont faux, soit il existe une force invisible qui retient toutes ces galaxies entre elles, une matière invisible, c’est-à-dire qui n'émet aucun rayonnement. Pendant une quarantaine d'années, le problème sera mis de côté par la communauté scientifique, lassé du caractère mégalomane de Zwicky et justifiant ces vitesses excessives par des suppositions que l'on sait désormais erronées. Pourtant de telles vitesses sont observées dans tous les amas, les uns après les autres. Dans les années 1970, des calculs similaires sont réalisés sur les rotations des galaxies spirales avec le même résultat : il n'y pas assez de matière visible pour obtenir une telle gravité dans l'espace. Et cette affirmation va à l'encontre des théories d'Einstein.


Les zones rouges réprésentent les amas de galaxie où se concentre la matière noire

Le terme "dark matter" (matière noire ou matière sombre) apparait alors pour désigner cette hypothétique matière, que personne n'a jamais pu observer, jusqu'à présent mais dont on suppose l'existence et la force de sa gravité pour expliquer la situation. Et cette "hypothèse" représenterait tout de même 23% de notre univers, amassé autour des galaxies. Années après années, les astronomes pensent attraper les particules qui forment la matière noire, de toutes les manières possibles. En février 2014, deux équipes américaines détectent un signal chimique inconnu. Leur théorie ? De la matière noire évidemment. "Aujourd'hui, tous les faisceaux d'indices montrent l'existence de la matière noire" confirme Yannick Mellier, astronome à l'Institut d'astrophysique de Paris et spécialiste de la question. "Mais, il est vrai que la preuve irréfutable ne viendra que lorsqu'on aura détecté la particule de matière noire."

Le 9 avril dernier, une équipe internationale de 300 scientifiques, issus de 6 six pays, ont donc dévoilé les premières images d'une carte de la matière noire. Pour cela, ils ont utilisé le dernier gadget du télescope américain Victor Blanco, situé sur les montagnes du Chili. Avec un appareil photo d'une puissance phénoménale, ils ont suivi les trajectoires des lumières émises par les galaxies, qui seraient déviées par la fameuse matière noire avant d'arriver jusqu'à nous. En résulte une carte très précise sur une portion infime de notre voûte celeste, à peine 0,05% de la totalité. L'expérience a duré deux ans et devrait durer encore 3 ans pour aboutir à la retranscription d'1/8ème du ciel. "C'est un processus très long" explique le professeur Bridle, un des auteurs, à la BBC. "La carte finale devrait atteindre 30 fois la taille de celle déjà réalisée."

Cette carte n'est pas une première. "Nous l'avons déjà fait" précise Yannick Mellier. "Mais celle-ci est 10 fois plus grande et apporte énormément d'éléments sur la répartition de la matière noire dans l'univers." Cartographier l'espace, c'est comprendre sa fornation mais aussi son avenir.

Car au-delà de l'exploit technique, cette carte pourrait apporter de nouvelles informations sur une force encore plus mystérieuse (si c'est possible) que la matière noire : l'énergie noire. Encore une notion inventée pour répondre à une interrogation. La matière, visible ou non, doit logiquement ralentir l'expansion de l'univers en raison de sa gravité. Or celle-ci accélère au contraire, sans que l'on puisse en expliquer la raison. Voici donc l'énergie sombre qui aurait une gravité "répulsive" et allongerait l'univers. Entre une matière noire qui attire et une énergie noire qui écarte, "c'est un combat titanesque" affirme Yannick Mellier. Comprendre ce combat permet, une fois de plus, d'en savoir plus sur les conséquences de ces forces mystérieuses dans notre univers. "Mais il est encore trop tôt pour savoir ce que cette carte va nous apporter. Elle ne nous donnera pas la nature exacte de l'énergie noire mais cela va ôter certaines hypothèses." Le mystère va bientôt s'éclaircir.

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