Ce que le gouvernement oublie en prévoyant des mises en veille de box internet à distance<!-- --> | Atlantico.fr
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Concernant les box internet, il est difficile de détecter une absence d'usage.
Concernant les box internet, il est difficile de détecter une absence d'usage.
©ALAIN JOCARD / AFP

LA MINUTE TECH

Le gouvernement envisage de désactiver les box lorsqu'elles sont inactives.

Pierre Beyssac

Pierre Beyssac

Pierre Beyssac est Porte-parole du Parti Pirate

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Atlantico : Le gouvernement a récemment réfléchi à la possibilité de désactiver les box lorsque celles-ci sont inactives, qu’est-ce que cela concerne et dans quelle mesure est-ce possible ?

Pierre Beyssac : L'idée est de réduire la consommation électrique des box Internet et box TV qui les accompagnent. En effet, leur nombre est estimé à environ 30 millions. En éteindre un grand nombre permettrait de réduire la consommation électrique. Sur le papier, il serait plus efficace à grande échelle de le réaliser automatiquement, évitant ainsi à chacun de devoir y penser. Or, s'il est assez facile de mettre en œuvre l'extinction automatique des box TV, et peu gênant pour l'utilisateur, celle des box Internet est beaucoup plus délicate.

D'abord, il est quasiment impossible de détecter avec certitude une absence d'usage : même peu utilisés, voire en semi-veille, nos appareils produisent un trafic résiduel difficile à distinguer d'une utilisation réelle. Il faudrait donc que l'utilisateur pense à éteindre manuellement tous ses appareils, ce qui ôte tout intérêt à la démarche : autant éteindre la box soi-même.

Ensuite, une fois la box en veille, à quel moment doit-on la sortir automatiquement de veille ? Cette question est encore plus difficile car les systèmes réseau de la box doivent alors pouvoir, même en veille, détecter du trafic.

 Si on a décidé d'avoir chez soi des services auto hébergés, il faut prendre en compte également le trafic provenant de l'extérieur. Enfin, cela pose aussi le problème de la réception des appels téléphoniques et de la disponibilité rapide de la ligne pour les appels d'urgence.

C'est pourquoi les fournisseurs semblent assez logiquement tenir à ce que la mise en veille de la box Internet soit toujours à l'initiative de l'utilisateur.

On peut imaginer cependant une mise en veille automatique sur une plage horaire déterminée par l'utilisateur. Cela exigerait une intervention manuelle la première fois seulement, pour activer ce mécanisme.

L’exécutif oublie-t-il les NAS, les systèmes domotiques, les caméras de surveillance et tous les outils connectés à la box ?

Probablement pas, mais il est très difficile d'estimer la popularité des usages ayant besoin d'une disponibilité permanente de la box.

La plupart des box ont sans doute, la nuit, au moins un appareil connecté sur le wifi, d'autant qu'un geste classique suggéré par l'administration est de brancher son téléphone en wifi plutôt qu'en 4G/5G lorsqu'on se trouve chez soi, afin d'alléger la charge sur les réseaux mobiles. Éteindre la box, automatiquement ou pas, est contradictoire avec cette stratégie.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier le chauffage. La box en consommant du courant se comporte comme un petit radiateur électrique. Son extinction peut, suivant son emplacement, créer un léger déficit de chauffage qui sera compensé par autant de chauffage électrique ou pire, car plus carboné, gaz ou fioul.

Enfin, le problème majeur de cet hiver est l'écrêtement des pics de consommation électrique par période de grand froid. Or c'est en pleine nuit, hors pics, que les box seraient éteintes.

Étant donné que cette mesure est faite pour réduire la consommation d’électricité, sera-t-elle vraiment efficace dans ce but précis ?

L'économie "au mieux" est estimée à 3 100 GWh par an, soit environ 0,6 % de la consommation électrique du pays.

Ce chiffre fourni par l'association Negawatt semble s'appuyer sur une estimation légèrement surestimée de la consommation des box. Il repose aussi sur l'idée que 70 % des box Internet et 90 % des box tv participent, ce qui semble très optimiste 

Réaliser une économie de 10 % de ce total, soit 300 GWh et 0,06 % de la consommation française, serait déjà une très belle réussite.

Dans quelle mesure est-ce l’expression d’une volonté de contrôle sans réflexion sur l’efficacité réelle ?

Il est très difficile dans le cas considéré de prédire l'économie réelle qui sera réalisée. C'est pourquoi il sera intéressant de tenter d'en mesurer l'effet réel.

Ce n'est qu'un début et les nécessités environnementales vont exacerber les demandes auprès de l'État et les tentations de celui-ci à mettre en place des mécanismes de délestage aussi automatiques que possible.

Nous devons rester vigilants sur les obligations qui risquent d'être mises en place et leur légitimité, aussi bien en matière de libertés publiques élémentaires que d'impact réel qui doit être en rapport. Les gestes ne se valent pas tous. Si retarder une consommation

élevée comme celle d'un ballon d'eau chaude ou d'une recharge de véhicule, sans gêne sur l'usage, peut se comprendre -- des compensations tarifaires seraient appréciables --, couper de manière autoritaire des box serait difficilement défendable en raison des usages essentiels que cela peut perturber.

Il sera toujours préférable d'éviter les pénuries artificielles, non motivées par un problème environnemental. Celles-ci ne peuvent mener qu'à des complications pour l'organisation de la société et des passe-droits pas toujours légitimes.

C'est pourquoi il faut viser une production d'électricité décarbonée en quantité suffisante pour répondre à la demande future, qui ne peut que croître en raison du transfert des usages fossiles vers l'électrique.

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