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Le nouveau propriétaire de Twitter, Elon Musk, souhaite modifier les habitudes et les codes du réseau social.
Le nouveau propriétaire de Twitter, Elon Musk, souhaite modifier les habitudes et les codes du réseau social.
©OLIVIER DOULIERY / AFP

Réseaux sociaux

Les emportements du nouveau propriétaire du réseau social sont porteurs de leurs propres inconvénients mais les « progressistes » effarés par sa prise de contrôle oublient un peu vite les défauts rédhibitoires de la gestion de ses prédécesseurs.

Fabrice Epelboin

Fabrice Epelboin

Fabrice Epelboin est enseignant à Sciences Po et cofondateur de Yogosha, une startup à la croisée de la sécurité informatique et de l'économie collaborative.

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Atlantico : On critique beaucoup Musk pour ses emportements et ses frasques mais il semble vouloir s’atteler à certains problèmes récurrents de Twitter. Est-ce qu’on occulte trop cette facette de son action ?

Fabrice Epelboin : D’abord, on critique beaucoup Elon Musk pour la violence de sa reprise en main de Twitter, qui est assez inédite dans le monde de la tech. Il faut souligner tout de même qu’il a viré les deux tiers si ce n’est les trois quarts des employés. Après, le nouveau propriétaire de Twitter veut s’attaquer aux « bots » et visiblement il commence à avoir des résultats, à peine arrivé aux manettes. Cela va nous replonger dans un abîme de perplexité. S’il réussit à améliorer la modération de Twitter, on verra apparaître un océan de questions. Pour l'instant, il est encore un peu tôt pour se prononcer.

Twitter est souvent pointé du doigt lorsque l’on parle de pornographie infantile et de diffusion de messages haineux. Pourquoi ?

Il faut séparer les deux problèmes. Déjà, la pornographie est très visible sur Twitter. Dans les préférences, vous pouvez choisir de ne pas l’avoir, cependant, c’est modérément efficace. De toute manière, toute l’industrie de la pornographie se retrouve plus ou moins sur Twitter. Il y a une activité liée à ce secteur qui est présente sur le réseau social depuis longtemps. Concernant la pédopornographie, qui n’a rien à voir, elle n’a jamais vraiment été combattue par Twitter jusqu’ici. Il y avait une espèce de permissivité quant à la censure de ce type de contenus. Il n’y a pas de réelle explication. Comment les milliers d’employés ont-ils réussi à passer à côté de quelque chose d’aussi catastrophique ? Et d’une façon générale, sur des problèmes comme le terrorisme, l’efficacité de la modération de Twitter était très discutable. Depuis qu’Elon Musk est arrivé, des actions ont été entreprises pour éliminer les contenus de pédopornographie qui circulent sur le réseau social. Encore une fois, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Aujourd’hui, il y a le système de signalement qui a été mis en place. Visiblement, il y a eu un effet immédiat. On se demande donc : pourquoi ne pas l’avoir instauré avant ? Ce mouvement lancé par Elon Musk lui a permis de marquer un point en France mais aussi aux Etats-Unis.

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Ensuite, par rapport à la haine, le sujet est beaucoup plus délicat puisqu’il touche à la liberté d’expression. Concrètement, la violence en ligne doit être confrontée à la loi. La censure sur Twitter n’est pas la solution pour stopper la diffusion de haine. En revanche, l’application d’une loi sur les réseaux sociaux peut se faire, même si cela reste compliqué. C’est un projet ambitieux qui nécessite de délocaliser la décision. Un propos considéré comme haineux en France et susceptible de faire appel à un retrait ou une procédure judiciaire, ne le serait pas aux Etats-Unis. Les décisions vont devoir être prises au niveau local. Pour limiter cette violence en ligne, il faudra une loi qui détermine les limites de la liberté d’expression sur les réseaux sociaux et qui ne va pas au-delà de la France. C’est l’une des promesses d’Elon Musk, que la censure ne dépasse pas la loi du pays en question. Cependant, la traduction de la liberté d’expression est propre à chaque nation.

Malgré les critiques, le nouveau propriétaire de Twitter Elon Musk s’attaque tout de même au problème. Comment ?

Par une série de petites modifications qui a provoqué un effet spectaculaire. Typiquement, sur son graphique diffusé sur Twitter, il indique avoir baissé de 30% le niveau d’activité des bots exprimant de la haine. Pour cela, il a limité les capacités des comptes à un certain nombre de tweets par jour. Cependant, c’est un nombre considérable, il n’est pas pensé pour qu’un être humain puisse l’atteindre. Là-aussi, cette restriction pose question. Pourquoi n’a-t-elle pas été appliquée avant l’arrivée d’Elon Musk ?

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Est-ce que les mesures mises en place (limitation des tweets par jour, appel aux signalements) peuvent être efficaces ? Comme la baisse de 30% des messages haineux en limitant le nombre de publications des robots ou face à la pornographie infantile, comme le cas d'un mineur de 13 ans ?

Dans le cadre de la pédopornographie, l’appel d’Elon Musk à signaler tout contenu de ce genre peut être efficace. Mais encore une fois, il a juste changé un élément d’interface qui permet de signaler un tweet comme étant de la pédopornographie. Auparavant, il était simplement identifié comme contenu problématique. Avant, le signalement arrivait dans un immense système de gestion de modération des contenus qui, en plus, était incomplet. Aujourd’hui, il est orienté directement vers des opérateurs spécialisés, des autorités qui savent de quoi elles parlent. Ce sont des coûts faciles. Le défi pour Twitter, comme pour toutes les plateformes, est de proposer une politique de modération qui soit en accord avec la loi en France. Puis une pour chaque nation. Honnêtement, je ne vois pas de quelle manière ils vont pouvoir le faire. Mais, on sait aujourd’hui qu’Elon Musk n’avait pas l’intention de réformer le système de modération des contenus. Il veut le reconstruire.

Faut-il s’inquiéter de « l’amnistie générale » pour les comptes suspendus de Twitter qu’envisage Musk (par sondage) ? Ou de la fermeture du bureau bruxellois de Twitter ?

L’amnistie générale est un phénomène assez classique lorsque l’on essaie de tourner une page et de commencer un nouveau chapitre. Pour un pays, lors d’un coup d’Etat ou un nouveau président, ce n’est pas quelque chose de choquant. Au contraire, c’est plutôt un classique. En ce qui concerne les sondages que met en place Elon Musk, je trouve ça intéressant même si ça n’a rien à voir avec un système démocratique. J’espère cependant que cela évolue vers des formes plus transparentes et institutionnalisées. De toute façon, il va falloir construire quelque chose qui s’apparente à un appareil judiciaire international. Et ce n’est pas que Twitter, ils sont tous dans cette situation. 

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