Ce parlementarisme que le gouvernement ne parvient obstinément pas à comprendre<!-- --> | Atlantico.fr
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Elisabeth Borne prend la parole lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale à Paris, le 12 juillet 2022
Elisabeth Borne prend la parole lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale à Paris, le 12 juillet 2022
©BERTRAND GUAY / AFP

Inadaptation

Alors que le gouvernement a subi un sérieux revers sur le projet de loi sanitaire à l’Assemblée nationale, les réactions d’Elisabeth Borne ou d’Olivier Véran soulignent leur inadaptation au contexte politique ouvert par les législatives comme leur défaut de compréhension des institutions

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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« L’heure est grave ! »  a réagi sur twitter la première ministre après les le premier échec de la majorité à l’Assemblée Nationale lors de l’examen du projet de loi sur la « sécurité sanitaire en matière de lutte contre la COVID 19 ». Elisabeth Borne, comme plus tard Olivier Véran, ont dénoncé l’alliance RN et NUPES , (-pourtant prévisible), qui a fait  basculer un texte pourtant adopté en commission. Ils se sont montrés plus discrets à l’égard des députés LR dont une partie (-une quarantaine), a pourtant joint ses voix « aux extrêmes »  pour faire capoter l’article 2 prévoyant d’instaurer une contrôle sanitaire aux frontières en cas de reprise de la pandémie.Ils placent maintenant leurs espoirs dans le vote du Sénat ,dont la majorité est de droite ! 

Pour la Première Ministre et l’exécutif en général, l’heure est grave en effet, pas seulement à cause de l’échec subi lors de ce scrutin, mais parce que l’exécutif va devoir rapidement s’adapter à cette nouvelle situation politique qu’est la majorité relative et pas se contenter de décrier « les extrêmes ». Dans le cas précis, certains  Républicains ont fait défaut parce qu’ils conditionnaient leur vote en faveur de la mesure de réintégration des personnels soignants suspendus pour refus de vaccination. C’est l’une des questions qui  fracturent la société française depuis des mois. Les députés LR entendaient surtout faire savoir au gouvernement qu’il faudrait dorénavant « les traiter » et non pas les considérer comme une simple force d’appoint. Cela suppose précisément l’application de la culture du « compromis », indispensable pour éviter le blocage des institutions ! « Ce n’est pas seulement texte par texte, mais article par article, que le gouvernement va devoir négocier » observait récemment l’ancien président de l’Assemblée, François de Rugy. Mais avant toute chose, une majorité relative nécessite une parfaite connaissance du Règlement de l’Assemblée. Au fil des majorités absolues, les virtuoses en la matière se sont faits rares., mais n’ont pas complètement disparu. La preuve a été apportée par la Présidente de l’Assemblée qui a fait valoir ses prérogatives en retoquant des amendements adoptés en commission des Finances (présidée par l’Insoumis Eric Coquerel). Ces artistes du règlement vont devoir former des partenaires pour chaque ministère. Une autre règle élémentaire à appliquer pour le groupe majoritaire consiste à s’assurer qu’il y a suffisamment de députés de la majorité en séance, et que l’opposition soit minoritaire afin de faire passer un texte... Sous chaque mandature on a assisté à des « coups de Trafalgar », l’opposition s’offrant un cours instant de gloire parce que ses députés étaient plus nombreux en séance que ceux de la majorité. Dans ce cas précis, le Gouvernement aurait pu demander une deuxième délibération à la fin de l’examen du texte, mais peut-être redoutait-il une nouvelle rebuffade.

Mais par-delà la mécanique parlementaire, se posent les questions politiques. Si l’exécutif ne veut pas solliciter les « extrêmes »,( - il ne peut cependant pas refuser leurs votes , ce que le RN semble prêt à lui accorder ), il lui faut trouver des accords avec d’autres députés. C’est chez Le Républicains que se trouve le vivier le plus important. Un certain nombre de républicains étaient prêts , -sinon à rejoindre la majorité, du moins à se montrer bienveillants à son égard, à l’instar des Constructifs en 2017. Face à ceux qui se situent résolument dans l’opposition, certains élus LR préconisaient (- et le souhaitent toujours), un pacte de gouvernement sur quelques sujets précis, à l’instar du maire de Meaux Jean-François Copé (qui n’est plus député). Ils plaident que leurs électeurs ne leur pardonneront pas cinq ans d’ immobilisme, alors qu’ils se disent « parti de gouvernement », et redoutent de disparaître ...Ceux-là fustigent les  exigences formulées par le parti de baisser le prix de l’essence à 1,50 euro, jugeant la mesure totalement irréaliste. Avant les législatives, d'autres LR sortants demandaient que la majorité ne présente pas de candidat contre eux. Ex -LR, le ministre Bruno Le Maire plaidait en faveur de cette solution. Il n’a pas été entendu, la majorité LREM exigeant « tout ou rien, » c'est-à-dire un ralliement intégral à la majorité. La députée des Hauts de Seine, Constance Le Grip, proche de Nicolas Sarkozy, mais aussi l’élu de l’Essonne Robin Reda ont franchi le pas. Les autres, non, et restent dans l’opposition. En attendant des gestes du gouvernement ? Aujourd’hui c’est le flou complet.. Ancienne des Cabinets de Gauche, Elisabeth Borne serait plus encline à rechercher le renfort de députés de gauche et singulièrement du PS. Si la bienveillance d’élus issus membres du groupe Libertés, Outre-Mer et Territoires paraît acquise, celle d’élus socialistes élus sous la bannière de la NUPES apparaît plus compliquée. Le refus de six d’entre eux, de voter la censure du gouvernement ne présage pas d’un ralliement à la politique du gouvernement ... La prochaine étape est programmée pour la semaine prochaine avec la discussion du projet de loi de finances rectificatives et la loi » pouvoir d’achat ». On verra alors si les concessions du gouvernement aux uns et autres et les « deals » en coulisses permettront d’avancer ou si la France est en situation de blocage…

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