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Des personnes portant un masque de protection marchent dans une rue piétonne de Lyon, le 22 août 2020.
Des personnes portant un masque de protection marchent dans une rue piétonne de Lyon, le 22 août 2020.
©©PHILIPPE DESMAZES / AFP

"Novid"

Après plus de deux années de pandémie, certaines personnes n’ont jamais contracté la Covid-19. Si la recherche n'est pas encore en mesure d'expliquer ce phénomène avec certitude, la réponse pourrait nous permettre de mieux comprendre comment protéger l'ensemble de la population

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Après plus de deux années de pandémie, certaines personnes n’ont jamais contracté la Covid-19, même si elles vivaient avec une personne infectée. Peut-on penser qu’elles sont « naturellement » immunisées contre la maladie ? 

Antoine Flahault : Je fais partie de ces personnes, qu’on appelle Outre-Atlantique les « Novid », et pourtant j’ai du mal à répondre à votre (excellente) question ! Plusieurs hypothèses, non exclusives d’ailleurs. La première serait que nous avons très bien pu avoir été contaminés sans le savoir. Disons que nous n’avons jamais eu de tests positifs, ce n’est pas une garantie que nous n’ayons pas été infectés. La seconde hypothèse pourrait être liée à nos comportements particulièrement précautionneux. Certains ont dit qu’il fallait avoir bien peu d’amis pour ne pas avoir été contaminé, je ne crois pas que ce soit le cas de bon nombre d’entre nous, mais il est vrai que certains portent des masques FFP2 dans de très nombreuses circonstances, aèrent les salles de réunion où ils se trouvent, privilégient les terrasses des bars et des restaurants quand c’est possible, évitent les rassemblements bondés à l’intérieur, disposent de purificateurs d’air chez eux ou sur leur lieux de travail. Ne pas avoir d’enfants d’âge scolaire, ni beaucoup s’occuper de petits-enfants diminue aussi beaucoup le risque de contamination.  Enfin on peut aussi avoir eu la chance de passer au travers des microgouttelettes contaminées, même si avec l’arrivée d’Omicron cela parait bien peu probable à part pour les ermites. Une troisième hypothèse postulerait que ces personnes apparemment résistantes à la contamination par le coronavirus seraient porteuses de particularités génétiques diminuant leur risque de contaminations, soit parce que leur immunité serait plus active contre la transmission du coronavirus, soit parce qu’elles ne seraient pas pourvues des mêmes récepteurs que ceux du reste de la population et qui permettent au virus de pénétrer dans les cellules pour s’y multiplier.

Comment expliquer cette immunité ? La réponse est-elle génétique ? 

On sait qu’il y existe des gènes de susceptibilité chez certaines personnes qui font des formes graves de maladies infectieuses, il pourrait très bien exister aussi des gènes favorisant les formes asymptomatiques ou paucisymptomatiques (= peu symptomatiques). L’expression de ces gènes pourrait alors agir directement ou indirectement sur notre immunité ou sur les récepteurs de notre immunité. Les découvrir serait évidemment très important et éventuellement utile pour tenter d’ouvrir de nouvelles voies thérapeutiques.

D'autres chercheurs se demandent si la solution pourrait être dans des différences de système immunitaire. Cette piste est-elle féconde ? 

Ces pistes me semblent très intéressantes à explorer car elles pourraient nous conduire à mieux comprendre l’immunité humaine qui s’avère très complexe et déboucher sur des perspectives prometteuses pour la lutte contre ces maladies.

Ces personnes pourraient-elles nous aider à comprendre comment protéger au mieux l’ensemble de la population ?

Les mécanismes de la connaissance scientifique sont parfois sinueux et prennent du temps avant d’être élucidés. On pensait avant cette pandémie mieux connaître notre immunité. On pariait par exemple sur l’immunité collective pour contrôler la pandémie mais cette théorie a été battue en brèche avec l’arrivée d’Omicron. Certains chercheurs évoquent désormais le nouveau concept du « variant furtif » à propos d’Omicron. Les Covid dus à Omicron passeraient sous les radars de notre immunité sans laisser de mémoire immunitaire. Force est de reconnaître que l’on est loin de tout savoir sur l’immunité contre le coronavirus ! Les personnes développant des Covid graves, ou bien des Covid longs, ou encore à l’autre bout du spectre des Covid asymptomatiques voire qui n’ont jamais eu d’infection connue, toutes ces personnes représentent des modèles cliniques potentiellement intéressants. Ils fournissent aux chercheurs des formes de représentations caricaturales, car simplifiées, de l’infection par le Sarscov2. Leurs cas peuvent alors aider les chercheurs à les faire progresser dans la connaissance.

Où en est la recherche actuellement ? Pourrons-nous vraiment savoir un jour pourquoi certaines personnes semblent immunisées ?

Il me semblerait dangereux aujourd’hui pour ces personnes qui n’ont jamais eu de diagnostic de Covid-19, de les considérer comme « immunisées » ou même « résistante » vis-à-vis du Covid. Je n’emploierai pas ces termes qui pourraient créer une fausse réassurance auprès de ces personnes dont certaines ont peut-être juste eu la chance de passer au travers des gouttes sans qu’elles soient nécessairement plus protégées contre l’infection que les autres. Elles ne peuvent pas se considérer comme mieux immunisées que les autres et devraient continuer à se protéger, et se vacciner, comme elles le faisaient jusque là. Maintenant, cette pandémie a généré des investissements de recherche sans précédent dans le monde, dans tous les domaines. Il est très probable que cela nous conduise à faire des progrès sur certains aspects et notamment celui de l’immunité. Il se trouve que je préside le comité scientifique de la Biobanque du Québec pour le Covid-19 et j’ai eu l’occasion de voir passer des projets de recherche très prometteurs sur ces questions. De nombreuses autres initiatives foisonnent dans le monde, la biobanque du Royaume-Uni est très exemplaire dans le domaine également. En France l’institut parisien Imagine travaille aussi sur des questions voisines. Mais il peut s’écouler du temps avant que nous réalisions que certaines des découvertes publiées peuvent avoir des implications directes sur la pratique médicale.

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