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Ce deux poids deux mesures public privé qui exonère l'Etat de toute responsabilité pour l'insincérité du projet de loi de finance 2017
©Flickr

Irrégularités

Sous-budgétisation, recettes gonflées... L'association ETHIC a récemment déposé plainte pour faux et usage de faux dans l'élaboration du projet de loi finance 2017. Entretien.

Jean-Vasken  Alyanakian

Jean-Vasken Alyanakian

Avocat au barreau de Paris

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Atlantico : L'association ETHIC a déposé une plainte pour dénoncer d'éventuelles infractions qui auraient été commises dans le processus d'élaboration du projet de loi finance 2017. Qu'est ce qui a motivé cette plainte ?

Jean-Vasken Alyanakian : L’association ETHIC (Entreprises de Tailles Humaine Indépendantes et de Croissance), que je représente, défend les intérêts de ses membres, travailleurs indépendants, grandes entreprises et fédérations, au nombre de 17, qui s’attachent à respecter la loi et les bonnes pratiques éthiques dans leur gouvernance et leur gestion quotidienne.

Tout dirigeant d’entreprise peut être mis en examen lorsqu’il existe un doute sur la sincérité de chiffres inexacts qu’il aura présentés à des tiers à quelque titre que ce soit, que ce soit dans un simple business plan présenté à une banque pour obtenir un crédit, ou dans des prévisions présentées au marché boursier conduisant à une meilleure appréciation du titre par les petits porteurs…

Or la Cour des comptes, dans son rapport du 29 juin 2017, a fait état d’un manque de sincérité dans l’élaboration, en 2016, du projet de loi de finances 2017 venant clôturer le dernier quinquennat de la République française. La synthèse du rapport vise explicitement « des biais de construction qui affectent la sincérité de la trajectoire financière pour 2017-2018 ». Lors de son allocution du 29 juin 2017 présentant le rapport, Monsieur le Premier président MIGAUD a affirmé que le projet de loi de finances ne répondait pas à l’exigence de sincérité prescrite par l’article 32 de la loi organique n°2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances.

Pour les citoyens, pour les responsables d’entreprises, pour n’importe qui, le manque de sincérité peut se comprendre comme une altération délibérée de la vérité. Dans le contexte électoral dans lequel ces faits se sont produits – à l’automne 2016 -, le mouvement ETHIC a souhaité interroger Monsieur le Procureur près la Cour de cassation sur l’opportunité d’engager des poursuites pour faux et d’usage de faux prévues par le Code pénal, infractions qualifiées de crimes en matière d’écritures publiques.

Plus précisément, il a été demandé à Monsieur le Procureur près la Cour de cassation, qui en a le pouvoir, de saisir la chambre d’instruction de la Cour de justice de la République, seule compétente pour enquêter au plus haut niveau ministériel.

Les dépenses sous-estimées et les recettes surestimées sont pourtant fréquentes dans les projets de loi finance. Pourquoi s'inquiéter particulièrement de cette édition ?

La synthèse du rapport vise des « sous budgétisations initiales plus élevées encore que les années précédentes ».

N’importe quel acteur de la société civile est en droit de se demander si un projet de loi de finance présenté la veille d’une élection présidentielle avec des chiffres erronés et qualifié d’insincère par la Cour des comptes ne procède pas d’une volonté d’enjoliver le bilan du quinquennat finissant. Le compte-rendu du Conseil des ministres du 28 septembre 2016, au cours duquel la loi de finances pour 2017 a été présentée, se termine ainsi : « La baisse du déficit et la reprise de l’activité permettra au ratio de dette publique de se stabiliser et même de refluer légèrement. Après 96,2% fin 2015, le ratio d’endettement atteindrait ainsi 96% fin 2017. La dette publique n’aura ainsi augmenté que de 6 points de PIB sur l’ensemble du quinquennat contre plus de 25 points pour la période 2007-2012. »

Or le rapport de la Cour parle de manque de sincérité, pas d’inexactitudes liées à la difficulté de prévoir. Le mouvement ETHIC estime que cette altération de la vérité au plus haut niveau de l’Etat, à un moment qui peut sembler électoralement opportun, porte atteinte à la confiance publique et à l’ordre social.

Le procureur général près la cour de cassation a décidé de ne donner aucune suite à la plainte déposée par le mouvement ETHIC, en ne déclenchant aucune poursuite contre quiconque. Pourquoi selon vous ?

La règle est que le Parquet a l’opportunité des poursuites. Cela signifie que, dans toute affaire qui lui est soumise, il peut dès le départ considérer que les faits dénoncés ne constituent pas une infraction. Il peut aussi considérer n’est pas opportun de poursuivre des faits qui lui sont soumis et ce, pour des raisons notamment liées à l’ordre public.

A ce stade, dans notre cas, il apparaît que le Parquet n’a pas considéré que l’absence de sincérité (dixit la Cour des comptes) des chiffres figurant dans le projet de loi de finances 2017 puisse constituer une infraction. Selon lui, les documents en cause n’entrent pas dans le champ d’application des infractions de faux et usage de faux en écritures publiques. Monsieur le Procureur général ajoute que les écarts constatés ne révèleraient aucune intention de tromper, mais découleraient d’une mauvaise appréciation du niveau de la dépense publique. Ce n’est pourtant pas le constat que faisait la Cour des comptes en juin 2017, en parlant de manque de « sincérité ».

Quelle est la finalité de la démarche de l'association ETHIC. Qu'allez-vous faire qu'espérez-vous ?

Le mouvement ETHIC souhaite que la gestion publique soit appréciée aussi rigoureusement que la gestion des entreprises privées. ETHIC souhaite aussi que les hommes et les femmes sur qui repose le redressement de l’économie française aient ce sentiment, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

A ce stade, c’est plutôt le sentiment du « deux poids deux mesures » qui prévaut. Il faut que les mots aient un sens. S’il est écrit par la Cour des comptes que le projet de loi de finance manque de sincérité et que les sous-budgétisations sont plus élevées que les années précédentes (à la veille d’une élection présidentielle), sans que quiconque ait à en justifier, où est la morale publique ? Quel est l’état de la moralisation de la vie publique ?

Le mouvement ETHIC va poursuivre sa démarche et souhaite que la commission d’instruction de la Cour de justice de la République soit saisie. A cet égard, la plainte que le président de la région PACA, Monsieur Renaud MUSELIER, entend déposer pour dénoncer les mêmes faits est encourageante en termes de représentativité de la démarche d’ETHIC.

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