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Ce bon coup de mou de l’électorat FN que viennent de confirmer les législatives partielles
©Reuters

Et ils sont où les frontistes ?

Les élections législatives partielles de Loire-Atlantique, Nice et Strasbourg se sont tenues le dimanche 22 mai. S'il est difficile de dire des partis de gouvernement qu'ils réalisent un score honorable, à l'exception des LR à Nice, la véritable information à retenir concerne le FN, qui souffre désormais de l'abstention au même titre que les autres.

Philippe Bilger

Philippe Bilger

Philippe Bilger est président de l'Institut de la parole. Il a exercé pendant plus de vingt ans la fonction d'avocat général à la Cour d'assises de Paris, et est aujourd'hui magistrat honoraire. Il a été amené à requérir dans des grandes affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire et politique (Le Pen, Duverger-Pétain, René Bousquet, Bob Denard, le gang des Barbares, Hélène Castel, etc.), mais aussi dans les grands scandales financiers des années 1990 (affaire Carrefour du développement, Pasqua). Il est l'auteur de La France en miettes (éditions Fayard), Ordre et Désordre (éditions Le Passeur, 2015). En 2017, il a publié La parole, rien qu'elle et Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..., tous les deux aux Editions Le Cerf.

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Atlantico : Au delà des différences importantes de ces deux scrutins qui concernent deux grandes villes françaises, quelles sont les tendances communes ? Quelle est leur traduction sur le plan national ?

Jérôme Fourquet : Rappelons d'abord qu'au cours de ces scrutins, l'abstention a été massive, peut-être même plus qu'usuellement. Cela a nécessairement un impact sur les leçons qu'il est possible de tirer d'un tel résultat électoral, lesquelles seront naturellement à nuancer. Quand les trois-quart d'un électorat ne se déplacent pas, ceux qui vont voter représentent naturellement le noyau dur. S'ils sont les seuls à se mobiliser pour participer au scrutin, cela aura forcément un effet déformateur de la réalité. En outre, il est important de souligner qu'à ces élections participaient pléthore de candidats, émiettant sensiblement les pourcentages (à Nice, le Parti socialiste est passé de 25% à 6,5%). L'abstention est une variable primordiale de ces scrutins : dans des phénomènes comme celui-ci où elle est particulièrement élevée, on constate toujours une très forte prime au camp qui parvient à mobiliser son coeur électoral. Manifestement, Marine Brenier, candidate pour Les Républicains dans le fief de Christian Estrosi (homme fort de PACA et de Nice désormais), a su bien mieux mobiliser (ou au moins, moins mal) son électorat que ses concurrents. C'est ainsi qu'elle atteint presque la barre des 50% au premier tour.

Du reste, il est néanmoins difficile de dresser de grandes tendances communes. Ces scrutins sont très différents et souffrent tous deux d'une forte abstention. Toutefois, il est possible de dresser des parallèles avec des précédents scrutins de législatives partielles en Loire-Atlantique. En effet, contrairement à ce que nous avions pu constater sur d'autres élections partielles, le Front national ne parvient plus à percer. Il ne s'agit pas de dire que la dynamique qui l'a porté jusqu'aux régionales est désormais enrayée, mais le fait est qu'il n'y a pas, aujourd'hui, une poursuite de cette tendance dans les urnes dans ces deux élections partielles. Cependant, les trois circonscriptions concernées n'étaient pas non plus les plus actives ou les plus favorables au Front national. Strasbourg correspond davantage à une circonscription de gauche, majoritairement composée de quartiers populaires. La circonscription de Loire-Atlantique n'était rien d'autre que le fief de Jean-Marc Ayrault, quant à Nice il s'agit d'un bastion de droite classique, puisqu'il s'agit du fief personnel de Christian Estrosi. Il s'avère que l'électorat du Front national a lui aussi boudé les urnes. C'est une évolution vis-à-vis d'autres élections partielles qui ont eu lieu en 2015 : jusqu'à présent, le FN bénéficiait globalement d'une surmobilisation de son électorat. Bien sûr, les circonstances restent spécifiques : la marque et l'impact de Christian Estrosi sur sa circonscription est manifeste. Dans le Bas-Rhin, la situation est plus complexe : la droite recule, mais l'UDI n'est pas incorporé dans le score. Ce n'est donc pas nécessairement la claque annoncé pour Les Républicains.

Qui sont les véritables vainqueurs de ces deux élections, en termes de tendance, par rapport au scrutin précédent ? 

A Nice, c'est très clair : Christian Estrosi fait manifestement l'objet d'un satisfecit, dans la mesure ou Marine Brenier, sa candidate et suppléante, est pratiquement mise sur orbite dès le premier tour, jouissant d'un score particulièrement important. Au cours des régionales, son combat contre le Front national a été particulièrement rude : sur l'ensemble des Alpes-maritimes, il n'avait finalement que quelques voix d'avance. Pour autant, dans son fief, il apparaît en capacité d'écarter la menace frontiste. 

En Alsace, le Parti socialiste conserve la première place, malgré une perte de 12% des voix. Le FN fait un score loin d'être glorieux, puisqu'il n'atteint que 10,44% des suffrages. Dans l'est, on peut donc dire de la gauche qu'elle sauve difficilement les meubles.

Alsace comme Alpes-maritimes sont des bastions historiques du Front national. Au regard de la faible progression du vote FN depuis 2012, peut on encore parler de plafond de verre pour le parti ?

Il s'agit, et il est plus que primordial de le souligner, de circonscriptions majoritairement urbaines, bien que cela ne soit pas aussi vrai pour Nice. Notons que si l'Alsace est moins prompte à voter FN que par le passé, le coeur de la métropole strasbourgeoise constitue une terre de mission pour le parti frontiste. En revanche, très clairement, si le vote avait eu lieu dans une circonscription rurale d'Alsace, le résultat aurait probablement été très différent. C'est pourquoi il est essentiel de faire attention à l'effet trompe-l'oeil qui peut exister dans ce suffrage.

Autre point très important, comme on l'a déjà dit, c'est que l'abstention est particulièrement conséquente dans ce scrutin et qu'elle pénalise également le Front national : c'est une information en soi ! Ce n'était pas le cas durant les précédents scrutins comparables à celui-ci. En effet, il est d'habitude plus apte à mobiliser son électorat que les autres partis. C'est quelque chose qu'on constatait déjà en Loire-Atlantique et qui s'annonçait doucement au travers de légers tassements des intentions de vote à l'élection présidentielle 2017 (quand bien même dans l'absolu ces intentions restent assez élevées). Sans doute faut-il y voir un effet démobilisateur dû au non-aboutissement des élections régionales. En dépit d'un très bon score au premier tour, le Front national n'a pas su remporter de région, et il est probable qu'une frange de l'électorat frontiste souffre aujourd'hui d'une certaine forme de vague-à-l'âme, se sente éventuellement lésée et surtout fasse le diagnostic de la difficulté d'une victoire du FN. Dans ce contexte-là, où une victoire semble si hors de portée (quand elle apparaissait toute proche lors des régionales et avait un effet galvanisant sur les électeurs), certains se disent vraisemblablement que voter ne sert finalement pas. C'est psychologique, mais les régionales ont probablement eu un impact.

Enfin, dans cette campagne, on voit clairement l'impact de Christian Estrosi sur le premier tour, pour ce qui est du scrutin concernant Nice.

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