Bonne nouvelle pour les allergiques aux cacahuètes ? Ce ne serait pas les arachides en elles-mêmes qui poseraient problème mais la façon dont elles sont préparées

Atlantico : Une étude de l'université d'Oxford, au Royaume-Uni, montre que le grillage à sec des cacahuètes augmente le risque de déclencher une allergie. Que faut-il en conclure sur le déclencheur exact des allergies ?

Florence Trébuchon : Cette étude a été réalisée sur des souris, il s’agit donc d’un travail de recherche qu’il ne faut pas extrapoler trop rapidement chez l’humain. Il est important de préciser que ce travail tant à montrer le pouvoir allergisant des cacahuètes selon qu’elles soient grillées ou non. C’est-à-dire le risque de devenir allergique à la cacahuète en fonction de son mode de consommation. Or, tant que l’on n’est pas allergique il n’y a aucune raison particulière de privilégier un mode de consommation alimentaire. On sait par exemple que certaines allergènes des fruits sont détruits par la cuisson, cependant tant que l’on n’est pas allergique à ces fruits, inutile de se priver de leur consommation crue !

La consommation des cacahuètes crues ou bouillies a t-elle un impact sur le déclenchement des allergies ? Les réactions chimiques liées à la cuisson peuvent-elles responsable des allergies ?

Certaines protéines alimentaires pourraient selon ce travail avoir un plus fort pouvoir allergisant en raison d’une transformation au moment de leur préparation. Les auteurs argumentent même une plus faible fréquence de l’allergie à l’arachide dans les pays orientaux, où les arachides sont mangées cuites ou bouillies.

En réalité, la fréquence globale des allergies alimentaires est moindre dans ces pays : 3,24% en France pour 1,2% en Israël (D.-A. Moneret-Vautrin / Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 48 (2008) 171–178), ce qui va dans le sens d’un lien plus global entre mode de vie, environnement et allergie alimentaire.

Quelle est la part des allergies qui demeure lié à un facteur génétique ?

Il existe une prédisposition génétique qui favorise la survenue d’une allergie. Mais cette seule prédisposition ne peut expliquer le doublement des allergies ces vingt dernières années. Le mode de vie et l’environnement jouent un rôle en induisant des modifications dans l’expression de nos gènes sans modifier leur séquence ADN, c’est ce que l’on appelle l’épigénétique. Ces modifications sont transmissibles d’une génération à l’autre. Ce qui explique l’explosion des allergies.

Cela signifie-t-il que des personnes allergiques à certains aliments peuvent en fait les consommer crus mais pas cuits ou l'inverse ?  

Non, et c’est le point le plus important. Une fois que l’on est allergique à l’arachide, il est impossible de consommer des cacahuètes qu’elles soient crues ou grillées. La réaction allergique surviendrait dans tous les cas. Donc j’insiste sur la nécessité pour les personnes allergiques aux arachides de poursuivre l’éviction des cacahuètes, quelque soit le mode de préparation.

Des chercheurs de l'université de Cambridge viennent de réussir à désensibilier des enfants en leur faisant absorber des doses infimes de cacahuète. La désensibilisation est-elle un moyen efficace contre les allergies ?

Oui, il existe actuellement plusieurs protocoles de recherche concernant des traitements de désensibilisation alimentaire, en particulier pour l’arachide. C’est le seul traitement potentiel pour guérir d’une allergie alimentaire, mais ces traitements sont actuellement en cours d’expérimentation. Enfin je rappelle que l’allergie à l’arachide guérit dans 25 % des cas. C’est toujours à l’issue d’un bilan poussé et d’une consultation spécialisée qu’une réintroduction en milieu hospitalier à dose progressive est parfois proposée.