Banksters : Tout sur le côté obscur du système bancaire international par l’homme qui avait infiltré les réseaux de Pablo Escobar<!-- --> | Atlantico.fr
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L'infiltration de Robert Mazur dans le milieu des trafiquants a permis de mettre à jour un système de blanchiment d'argent issu des cartels de la drogue et impliquant les responsables de banque.
L'infiltration de Robert Mazur dans le milieu des trafiquants a permis de mettre à jour un système de blanchiment d'argent issu des cartels de la drogue et impliquant les responsables de banque.
©Flickr/simonlim88

Argent sale

Robert Mazur, un agent spécial des douanes américaines, a infiltré les cartels de la drogue et les systèmes de blanchiment d'argent de Pablo Escobar. Il a tiré de cette expérience une comparaison alarmante avec le système bancaire actuel, dont l'opacité permet de dissimuler d'énormes mouvements de capitaux.

Sous le pseudonyme de Bob L. Musella, il a blanchi des quantités astronomiques d'argent sale. Au total, plus de 26 millions d'euros (34 millions de dollars) de cash issu du trafic de cocaïne sont passés entre ses mains dans les années 1980, pour être transformés comme par magie en transaction bancaires traçables, référencées et au-delà de tout soupçon.

Mais Robert Mazur n'était pas un trafiquant comme les autres. Infiltré au milieu des cartels de la drogue colombiens pendant 5 ans, cet agent spécial des douanes est rentré aux Etats-Unis avec une mine d'or d'informations exclusives sur les coulisses du blanchiment d'argent international. Son opération d'infiltration sous couverture s'est avéré être un des plus grand succès du renseignement américain, révélant que la corruption gangrenait les plus hautes sphères. Injectant des millions de "narcodollars" dans les circuits internationaux avec la bénédiction des responsables de la banque, il a pu étudier le mécanisme du blanchiment.

L'opération C-Chase a conduit à l'inculpation du général Noriega, Président du Panama, et de 85 personnes, dont plusieurs officiers de la célèbre Banque de crédit et commerce internationale (BCCI), banque pakistanaise, à l'époque septième plus grande banque privée du monde. Des déboires qui vaudront à la banque d’être qualifiée par le Time de « plus sale banque de toutes». De fait, le démantèlement de cet empire de la fraude d'une valeur de 20 milliards a nécessité la collaboration de 62 pays. Il y avait bien de quoi en faire un livre : L'infiltré : Ma vie secrète dans les banques sales derrière le cartel de Pablo Escobar (The Infiltrator: My Secret Life Inside the Dirty Banks Behind Pablo Escobar's Medellín Cartel) raconte son immersion au grand public. Mais surtout, il tient à mettre an garde : le problème est encore bien plus vaste qu'il n'y parait, et va bien au delà des quelques milliards déjà découverts.

Contre l'opacité du système bancaire international : "la communauté internationale est en train de reproduire aujourd'hui ce que la BCCI et ses officiers faisaient il y a 20 ans"

Selon lui, la corruption n'a fait que s'étendre : "la communauté internationale est en train de reproduire aujourd'hui ce que la BCCI et ses officiers faisaient il y a 20 ans". Il en veut pour preuves le scandale de blanchiment d'argent de la HSBC, mais aussi les paradis fiscaux dédiés aux super-riches, qui prospèrent avec la complicité générale. Comme à l'époque d'Escobar, la technique est la même : cacher aux gouvernement les manipulations d'argent.

Officiellement, le crime générerait 1,6 milliards d'euros d'argent sale chaque année (2,1 milliards de dollars). Ce chiffre n'inclue pas les cas dans lesquels de l'argent "propre" est utilisé à des fins "sales" : une pratique qui mobilise autant, voire plus d'argent que les sommes d'argent sales comptabilisées. Il va plus loin : selon lui, le blanchiment est "une des sources de revenus les plus importantes pour le système bancaire mondial".

 Il cite à ce sujet le scandale de la banque Standard Chartered, accusée d'avoir dissimulé des transactions avec l’Iran pour plus de 200 milliards d’euros, contournant les sanctions financières en cours contre l'Iran. Il explique : "les banquiers ont pris l'équivalent de 250 milliards de dollars d'argent légal, et ont caché aux gouvernement le fait que cet argent était utilisé dans des transaction tout aussi légales, pour le compte de nations sanctionnées, dont l'Iran."

 Les méthodes sont désormais assez bien connues. Six ou sept techniques différentes sont utilisées pour faciliter les relations entre les gens qui veulent cacher l'argent des yeux des gouvernements. C'est bien souvent pour attirer le client et le fidéliser que les banques tombent dans l'illégalité : elles fournissent ces services, "pour inciter les gens à utiliser leurs services bancaires" et accroitre leurs dépots.

Un manque de régulation

Les régulateurs ne sont pas "concentrés sur la question des conduites criminelles autant qu'ils ne le sont sur la question de s'assurer que l’institution elle-même reste en forme". En conséquence, les investigations, laborieuses, prennent de nombreuses années et aboutissent à un rapport à rallonge.

Le système n'est tout simplement pas prévu pour contrer la criminalité : "Rien n'est construit dans le système pour engager de front des investigations criminelles". Tout arrive toujours trop tard : les choses ont "rouillé" depuis longtemps un fois que les agissement sont été démasqués par les autorités. Entre temps, les criminelles ont eu tout le temps de se draper dans leur déni ("plausible deniability") et trouver des preuves à charge s'avère alors être une mission quasi impossible.

La solution : séparer les "deux cerveaux" bancaires : la loi, et le profit

Le processus de régulation actuel ignore le problème fondamental : le fait que le respect des lois à tendance à passer au second plan - bien qu'il soit en théorie géré par un département entier, le "compliance department" censé vérifier la conformité des activités avec la règlementation : "il y a deux cerveaux dans une banque - le cerveau du profit qui est motivé par les gains d'argent, et parallèlement, un département de la conformité dont l'agenda n'a rien à voir avec le profit, mais tout à voir avec le risque et le fait de minimiser celui-ci. Mais quand le cerveau de la conformité rencontre selon des ventes, la direction se range du coté des ventes parce que leur dada aussi, c'est le profit. Et il doit y avoir un moyen de commencer à changer cette alchimie de l'interaction entre les deux cerveau."

Mazur a des propositions concrètes dans sa besace : il suffirait de sévir contre lesbanquiersqui sollicitentdes affaires louches, en les punissant sérieusement, par exemple en les mettant tout simplement derrière les barreau pour un long moment, plutôt que de se contenter de distribuer des amendes.

Mais ce n'est pas tout : l'ancien agent interpelle directement la Réserve fédérale américaine. On pourrait l'obliger à partager des informations au sujet des banques qui manipulent de gros volumes d'argent. Si les régulateurs et les procureurs savaient quelles banques manipulent des quantités astronomiques d'argent, ils sauraient ou concentrer leurs enquêtes ou leurs opérations secrètes.

"Vous améliorez toutes vos informations pour rechercher de façon proactive les institution les plus impliquées dans la manipulation de ce type d'argent. Ce n'est pas compliqué mais la Réserve fédérale ne donne pas ce genre d'informations facilement, et c'est quelque chose qui doit changer."

La banque Barclay a par exemple pu dissimuler de façon systématique des centaines de millions de dollars à travers des virements dépouillés des informations essentielles requises par la loi, et qui auraient permis de découvrir les transactions secrètes que la banque menait depuis 10 ans avec des gouvernements ennemis, transférant des sommes gigantesques à l'Iran, Cuba ou au Soudan.

Un accès aux fichiers de la Fed et des autres banques centrales des nations qui voudraient bien coopérer pourrait régler le problème.  Les enquêteurs pourraient identifier et suivre à la trace les comptes pour lesquels les banques convertissent du cash en virements bancaires. Toutes ces données recoupées pourraient permettre de dégager des modèles d'activité qui pointeraient vers les hommes d'affaires et les banques coupables.

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