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Le devenir des réseaux sociaux (4)
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Facebook

Que vont devenir les réseaux sociaux ? Pierre Bellanger nous propose sa vision de l'avenir du web 2.0 (épisode 4).

Quelle riposte pour l’industrie des télécommunications ?

Les gestionnaires de réseau n’ont pas forcément la culture de l’Internet et considèrent qu’il leur est préférable de se concentrer sur leur métier de base en augmentant leur part de marché par fusion et acquisition de pairs afin de résister par leur taille à la pression sur les marges. La tendance est aussi de différencier les prestations techniques pour en accroître la valeur ; d’où leurs divergences sur la neutralité des réseaux. De façon plus prospective, ils pensent aussi que, demain, l’essentiel des revenus proviendra du trafic entre machines ‐ qui se destine à devenir prépondérant sur l’Internet mobile ‐, ôtant au trafic interpersonnel son caractère stratégique actuel.

Certains opérateurs, plus rares, pensent cependant que l’enjeu des télécommunications interpersonnelles est vital et que la relégation en couche prestataire remettrait en cause l’industrie dans ses fondements avant même la montée en puissance du trafic intermachines. Il leur faut donc investir les réseaux sociaux.

Les tentatives de réseaux sociaux « maison » n’étant généralement pas probantes, les acquisitions ont été privilégiées. C’est ce qu’a fait SK Telecom en Corée qui a repris, voici déjà quelques années, « CyWorld » et Telefónica en Espagne qui a récemment acheté « Tuenti ».

Ce qui est certain, c’est qu’un service de réseau social est en soi une interface de télécommunications. Ce qui émerge aujourd’hui, également, c’est l’émancipation à l’égard du numéro de téléphone mobile. Grâce à « FaceTime » d’Apple, deux utilisateurs d’ « iPod Touch » ou d’« iPad 2 », peuvent converser en vidéo sans avoir eu à échanger leurs numéros de téléphone. Et c’est sans parler du succès mondial de « Skype »…

Prolongeant cette compétition, un des territoires de l’affrontement des télécommunications avec les réseaux sociaux est la certification de l’identité.

Sur un réseau social à identité réelle, rien ne me prouve que je sois en contact avec la vraie personne représentée sur le profil. Il est fréquent que sur « Facebook » des imposteurs prennent l’identité de tiers pour dialoguer avec leurs amis et siphonner toute sorte d’informations utiles pour une enquête de renseignement industriel, de divorce, de police, ou de curiosité malsaine. Cette usurpation s’étend à toutes les escroqueries que permet la connaissance d’autrui à son insu.

La faille des réseaux sociaux sous identité réelle et la falsifiabilité de l’identité.

L’État est le détenteur final de l’identité, une fonction qui manque aux réseaux sociaux. Les palliatifs sont le numéro de carte de crédit ou le numéro de téléphone. On voit bien ici la convergence de territoire et d’intérêts de ces trois acteurs : banques, télécoms et réseaux sociaux.

Les mutations télécom et bancaire ne concernent pas que « Facebook », même s’il en est potentiellement l’acteur majeur. Les réseaux différenciés sont aussi partie prenante de cette évolution, car, ainsi, ils serviront mieux leurs publics spécifiques par l’intégration de la banque, du téléphone mobile et du réseau social en une offre adaptée.

La quatrième fonction : la simulation du réel.

Cette fonction est d’apparence la plus ésotérique, mais peut‐être la plus rémunératrice : le simulateur du réel. Le principe du simulateur est la constitution d’un modèle informatique virtuel et dynamique qui tente de reproduire puis d’anticiper la réalité. La simulation se réajuste constamment par rapport aux données réelles et accroît ainsi sa capacité prédictive. L’idée est d’utiliser toutes les données du réseau social pour anticiper ce qui va se produire à t + 1, exactement comme avec les simulations météo, mais ici avec la société humaine.

Le moteur de recherche Google a pu ainsi suivre la progression de la grippe en fonction des termes de recherche employés par les utilisateurs sur tous les territoires.

Un groupe international de scientifiques travaille actuellement sur le « Living Earth Simulator » destiné à intégrer toutes les données du réel provenant de toutes les sources possibles afin de modéliser l’activité humaine.

Pour un réseau social, cela signifie corréler l’immense quantité de données dont il dispose avec les marchés boursiers. D’ores et déjà, Derwent Capital Markets propose d’investir en fonction des messages publiés sur le service de micro‐blogging « Twitter ». À l’origine de cette démarche, on trouve les travaux de scientifiques des universités de Manchester et d’Indiana qui ont réussi à prédire les hausses et baisses de l’indice Dow Jones Industrial Average avec un taux de succès de 87.6 %, grâce aux tweets …

Cette faculté prédictive est à mettre en relation avec le rôle joué désormais par les machines dans les transactions boursières qui en gère, selon les experts, plus de 70 % du volume.

Cette gestion ultra‐rapide par algorithme a besoin de se nourrir de données en temps réel. Dow Jones vient, à cette fin, de lancer un service d’informations boursières : « Lexicon », utilisable par les machines.

Cette modélisation par injection massive de data correspond à la manière actuelle de fonctionner des machines qui n’est pas celle des humains. Au lieu d’établir des raisonnements, la machine utilise des algorithmes probabilistes qui sont appliqués à d’énormes quantités de données. En clair, cela veut dire que la machine ne cherche pas la logique, mais l’émulation : en examinant des données, la machine établit des relations de probabilité entre elles. La machine découvre par exemple que si l’évènement «A» a lieu, l’évènement « B » à trois fois plus de chance d’avoir lieu que l’évènement « C ». La machine n’a aucune compréhension de la causalité des faits, mais déduit de cette corrélation leurs chances respectives de se produire à l’avenir.

Ces algorithmes empiriques sont ensuite combinés à d’autres par un processus d’assemblage génétique et de sélection virtuelles par compétition afin de produire les algorithmes les plus performants.

On comprend alors, l’immense intérêt de la somme de données collectées à chaque instant sur les réseaux sociaux dès lors qu’elles sont introduites dans des machines transactionnelles fonctionnant sur ces algorithmes probabilistes et évolutifs.

Cette combinaison réseaux sociaux‐marchés financiers est une révolution. Elle est applicable à l’économie tout entière. L’anticipation est une clef des entreprises dans leurs allocations de ressources, la distribution de leurs produits, leurs orientations stratégiques. Les gains de productivité permis par ces outils de simulation sont considérables.

L’accès à ces informations devient un enjeu stratégique, un levier indispensable de compétitivité et, pour les États, une question de souveraineté numérique. Peut‐on imaginer que les données de simulation de comportement d’un pays entier soient monopolisées dans les machines d’une nation concurrente ? Croit‐on que leurs acteurs d’intelligence économique publics et privés n’y auront pas accès à leur avantage ? Nous n’en mesurons pas l’impact.

Les services de réseaux sociaux sur Internet sont des entreprises récentes, la plupart ont moins de dix ans ; ce sont des services en devenir dont chacun peut imaginer le potentiel. Voilà ce qui explique leur rôle clef demain, comme déjà aujourd’hui.

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