Avant de (faire semblant de) réformer les retraites, petites leçons venues d’Allemagne sur la réalité du sort des salariés âgés sur le marché du travail

Atlantico :  Que nous apprennent les recherches universitaires récentes sur le sort des salariés âgés sur le marché du travail ?

Claus Vistesen : En un mot, la recherche, ou du moins la théorie, suggère que l'offre de travail des travailleurs âgés diminue, par rapport aux mêmes travailleurs lorsqu'ils étaient dans la force de l'âge. Cela est dû à deux facteurs principaux : premièrement, les travailleurs qui ont les moyens de prendre une retraite anticipée le feront souvent et, deuxièmement, de nombreux travailleurs choisissent de passer au travail à temps partiel en vieillissant. Ce qui est intéressant dans le second cas, c'est que cela peut, dans certaines circonstances, accroître l'offre de main-d'œuvre des cohortes plus âgées, principalement parce que cela permet aux travailleurs âgés de rester dans la population active plus longtemps que s'ils prenaient leur retraite à une date prédéterminée.

Que nous apprennent les données allemandes sur l'intégration des personnes âgées sur le marché du travail ? Quelles sont les conditions d'une intégration réussie de ce groupe ?

D'une manière générale, l'Allemagne doit être considérée comme une réussite en termes d'intégration de sa main-d'œuvre de plus en plus vieillissante sur le marché du travail, ou plus précisément, en termes de maintien d'une population en âge de travailler relativement importante, face aux pressions démographiques. Des recherches récentes suggèrent également que les entreprises allemandes sont généralement ouvertes à l'embauche de travailleurs plus âgés, conformément à l'évolution démographique du pays, ce qui est un bon signe. Enfin, la structure du marché du travail en Allemagne, où l'emploi à temps partiel représente une part importante de l'emploi total, est aussi généralement bien adaptée à une main-d'œuvre vieillissante. 

La réduction des prestations de retraite est une mesure controversée qui, selon certains, pourrait accroître l'emploi des seniors. Que nous disent les données à ce sujet ?

Il s'agit effectivement d'une mesure controversée, et sans avoir une connaissance approfondie de cette littérature spécifique, je pense qu'il est juste de dire que les preuves sont mitigées. Dans un contexte économique classique, la réduction des prestations devrait inciter les travailleurs âgés à rester plus longtemps sur le marché du travail, mais je pense qu'il est juste de dire qu'un tel "bâton" doit être accompagné d'une "carotte" sous la forme d'incitations positives pour les travailleurs âgés en termes de maintien dans l'emploi. Enfin, il est important de faire la distinction entre deux mesures : d'une part, le report de l'âge de la retraite, qui constitue une réduction de facto des prestations en cas d'accident du travail, et un outil que presque tous les gouvernements européens mettent en œuvre ou envisagent. Et deux, une réduction directe des prestations, en maintenant constant l'âge légal de la retraite. Cette dernière solution pourrait avoir des conséquences négatives imprévues dans le contexte d'un âge de retraite obligatoire.