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La liberté sur presque 200 ans a été symbolisée par l’existence et la possibilité d’acquisition d’une automobile, pour soi et pour sa famille.
La liberté sur presque 200 ans a été symbolisée par l’existence et la possibilité d’acquisition d’une automobile, pour soi et pour sa famille.
©PHILIPPE MERLE / AFP

Poids des contraintes

Les contraintes imaginées par les technocrates, les politiques et les écologistes sur l’automobile sont vécues par la majorité de la population comme des atteintes à la liberté…

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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Pour ceux qui ont connu les régimes totalitaires le mot liberté a sans doute un autre sens que pour les privilégiés qui vivent dans les démocraties occidentales. En dehors de la liberté d’expression, la liberté de réunion, de manifester… celle de circuler dans le pays et au-delà est une avancée impérieuse des collectivités humaines. On pense aux esclaves d’hier, mais aussi aujourd’hui aux femmes saoudiennes, afghanes ou iraniennes sans oublier toutes les autres. Un des instruments fondamentaux de l’apprentissage puis de l’accoutumance à la liberté du corps a été et reste l’automobile, plus pratique que le cheval, plus rapide que le vélo… et dans les pays totalitaires les restrictions ont porté et continuent à se concentrer sur cet objet mythique et merveilleux. La femme saoudienne malgré ses restrictions nombreuses aspire d’abord à conduire et à pouvoir aller où elle le désire toute seule, mais le citoyen soviétique d’autrefois avait pour rêve majeur la voiture individuelle confisquée par la nomenklatur. Les Chinois d’antan , avec leurs nuées de vélos dans Pékin n’avaient d’yeux que pour les automobiles des seigneurs maoïstes. La liberté sur presque 200 ans a été symbolisée par l’existence et la possibilité d’acquisition d’une automobile, pour soi et pour sa famille : aller où on veut, quand on veut.

Mais cette liberté individuelle a été codifiée au cours du temps au nom de la défense du bien commun, c’est-à-dire que sur les chemins il faut obéir aux règles tandis que les véhicules doivent satisfaire aux normes nombreuses variables selon les époques et selon les contrées. C’est donc une liberté surveillée qui est désormais proposée à ceux qui acquièrent, conduisent ou remplissent les véhicules individuels tandis que la collectivité, l’autorité acceptée par le citoyen, légifère, punit et finit par interdire en dernier ressort pour conserver un équilibre entre la liberté individuelle et la vie en société. A chaque fois que les individus, à tort ou à raison, estiment que les arguments de la collectivité pour contraindre empiètent trop sur la liberté individuelle, il y a révolte et le premier sujet de colère est la voiture quel que soit le pays. C’est en ignorant ce fait de société que les gouvernements français ont connu leurs premiers grands déboires, comme si l’automobile était devenue la lanceuse d’alerte numéro un dans le monde moderne.

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En France, il y a quarante millions de véhicules en possibilité de fonctionner, pour un pays de soixante cinq millions d’habitants, ce qui veut dire que presque tout le monde a la possibilité de faire des trajets en voiture en tant que propriétaire, famille ou ami. Toutes les contraintes administratives donnent lieu à grognes, le port de la ceinture de sécurité, le contrôle technique, les limitations de vitesse, les vignettes « Crit Air », tandis que le cout du carburant est scruté par tous les français ainsi que par les journalistes. La révolte dite des « gilets jaunes » a porté sur les taxes sur les carburants et la limitation sur les routes à 80 km/heure, mais ce qui est en cause n’est pas uniquement le porte monnaie ou la règlementation non justifiée voire abusive, c’est une atteinte à la liberté de circuler. C’est donc bien plus grave que les observations des politiques et des journalistes, ces coercitions sont des atteintes à la liberté, bien essentiel dans nos démocraties et il se trouve que l’automobile est vécue comme le témoin de cette existence ou non de la liberté « chérie ». Les contraintes imaginées par les technocrates, les politiques et les écologistes sur l’automobile, sur lesquelles il faudra revenir plus loin, sont vécues par la majorité de la population comme des atteintes à la liberté… de la même façon que les femmes saoudiennes s’estiment libres si elles ont le droit de conduire. La Commission Européenne et les Gouvernements de nos démocraties jouent donc avec le feu, comme les édiles des métropoles quand ils veulent légiférer pour le bien des peuples ou des populations en oubliant ce symbole de liberté qu’est devenu en priorité le véhicule automobile : ce n’est pas un outil de transport, de mobilité, c’est l’instrument majeur de la liberté !

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Par conséquent toutes les incitations ou manipulations qui essaient de limiter l’automobile, toutes les persécutions et amendes, tous les interdits qui sont préparés et avancés jusqu’à l’interdiction programmée du véhicule à moteur thermique, jusqu’au durcissement du contrôle technique de 45 à 145 points de contrôle ne servent qu’à intensifier et nourrir la rancœur du peuple qui a le sentiment que c’est à sa liberté que l’on touche. On a beau lui dire qu’il vaut mieux pour les « petits déplacements «  préférer la marche à pieds ou le vélo », lui demander de faire du « covoiturage » vertueux, d’emprunter les transports en commun, rien n’y fait et l’augmentation du prix de l’essence dont il ne comprend pas le mécanisme lui fait simplement prendre conscience que les taxes y sont majoritaires et qu’on cherche simplement à entraver sa liberté. Pour une famille, en dehors des paiements de taxis pour aller à la gare, il sera toujours préférable, moins cher optiquement,  de prendre une voiture à quatre plutôt que de prendre le train. Mais même si l’on arrivait à diminuer le prix des billets, la possession d’un véhicule, la décision de l’heure du départ, celles de s’arrêter sur le trajet, ou pas, c’est un sentiment de liberté que les embouteillages ne permettent pas d’entamer ni d’effacer. Le stress de l’heure du départ n’existe pas, l’attente d’un taxi ou d’un véhicule de location à l’arrivée non plus, d’une certaine façon on transporte sa maison, les contraintes sont internes et acceptées comme telles.

Pour attaquer ce mammouth il faudrait avoir des arguments. Inciter ou punir ne suffisent plus dans le pays qui fête la prise de la Bastille tous les 14 juillet. Tant que l’on restreint les libertés sans convaincre, les autorités sont en danger, la révolte peut prendre en quelques heures car chacun vit une bureaucratie de plus en plus tatillonne et la voiture est l’occasion de la goutte de trop. Et c’est justement par là, comme si c’était le plus facile, que les gouvernants choisissent de parler, sinon d’agir. On a connu les mesures sécuritaires, les augmentations des tarifs, les volontés de dompter les automobilistes avec des caméras, de choisir les véhicules qui ont le droit de circuler dans les métropoles selon l’âge ou le numéro d’immatriculation, il y a eu les bonnets rouges et les gilets jaunes, les radars cassés ou camouflés, une augmentation de circulation sans permis depuis l’instauration du permis à points et des petites infractions conduisant à la perte de points, une multiplication des absences d’assurances, on sait donc que c’est un point sensible de la vie collective avec une incapacité d’application réelle des mesures décidées. L’automobile est un élément fragile de la vie démocratique car elle touche à autre chose que la fonctionnalité, au déplacement, elle est pour le jeune l’apprentissage de la liberté vraie, celle de circuler et de décider. Et un des points fondamentaux de ce sentiment c’est l’autonomie des véhicules existants : j’ai de l’argent, j’ai du carburant, je peux m’embarquer pour un long voyage, seul ou en compagnie, sans prévenir personne, sans ticket, sans contraintes.

En dehors de tout autre aspect scientifique, technique et industriel sur lequel on a déjà beaucoup parlé, choisir ces moments de difficultés de liberté, après le covid, pour prendre des mesures coercitives sur l’automobile avec une perte d’autonomie due aux changements de mode de propulsion et un surcout de l’ordre de 50% du véhicule est une folie, une irresponsabilité de gouvernements et de technocrates qui n’ont pas intégré ce que représentait la voiture, l’automobile pour les populations qu’ils ont pour fonction de protéger. Leur défense c’est de dire que le jour viendra où les désagréments du départ disparaitront ,ce sera moins cher et des millions de bornes électriques apparaitront partout. En supposant que ce soit possible (il faudrait le démontrer pour convaincre !) il n’en reste pas moins que le moment et la procédure sont mal choisis et qu’ils sont tous en train de jouer avec des boites d’allumettes près du feu. Des Gamins ! Les populations ont et devraient avoir le choix entre les motorisations diesel, essence, hybrides ou électrique , à eux de mesurer les avantages et inconvénients de chaque type de voiture… et de décider en toute liberté !  !     

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