Attal, Bardella, Faure : un débat entre non-dits et angles morts<!-- --> | Atlantico.fr
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Gabriel Attal, Olivier Faure et Jordan Bardella lors du débat politique diffusé sur France 2, le 27 juin 2024.
Gabriel Attal, Olivier Faure et Jordan Bardella lors du débat politique diffusé sur France 2, le 27 juin 2024.
©DIMITAR DILKOFFPOOL / AFP

Confus

Le débat du 27 juin sur France 2 entre Gabriel Attal, Jordan Bardella et Olivier Faure a été plus confus et moins bien tenu par la journaliste Caroline Roux et ses confrères spécialisés qui se sont succédés que le débat du 25 juin sur TF 1. Comme trop souvent dans les débats politiques français l’économie a été le parent pauvre, évoqué de façon superficielle.

Jean-Luc Demarty

Jean-Luc Demarty est ancien Directeur Général du Commerce Extérieur de la Commission Européenne (2011-2019), ancien Directeur Général Adjoint et Directeur Général de l'Agriculture de la Commission Européenne (2000-2010) et ancien Conseiller au cabinet de Jacques Delors (1981-1984; 1988-1995).

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Chaque candidat a été appelé à évoquer sa mesure phare en matière de pouvoir d’achat : la baisse de la TVA sur l’énergie et les carburants à 5,5 % pour Jordan Bardella, la hausse du SMIC net à 1600 Euros pour Olivier Faure et la hausse à 10.000 Euros de la prime Macron défiscalisée et sans cotisations sociales pour Gabriel Attal. Les journalistes n’ont pas pris la peine de rappeler les fondamentaux du pouvoir d’achat qui a augmenté au cours des dernières années, ni mis les candidats sous pression à propos des coûts de leur programme et de son financement. Les retraites ont été ignorées. 

Cette approche désavantageait Gabriel Attal, au programme le plus raisonnable et avantageait Olivier Faure au programme le plus déraisonnable. Cela a conduit Gabriel Attal à se montrer agressif, mais avec de bons arguments sur les conséquences dramatiques pour les entreprises françaises d’une hausse de 14% du SMIC, aboutissant à des licenciements dans un quart des PME françaises selon la CGPME. Olivier Faure a fait un petit cours de keynésianisme pour les nuls prétendant que la hausse du SMIC allait relancer l’activité. Il a tenté de relativiser cette hausse en invoquant celle plus importante intervenue en Espagne qui n’a pas eu d’effets négatifs. Jordan Bardella l’a contré avec habileté en mentionnant que ce n’était ni le même niveau, ni le même montant de charges. Gabriel Attal a manqué d’à propos en ne mentionnant pas la hausse massive des importations à laquelle allait conduire cette mesure dans une économie ouverte, déjà peu compétitive. Olivier Faure a invoqué la justice pour défendre le matraquage fiscal du NPF en prétendant que les 500 plus grosses fortunes françaises avaient été multipliées par 6 en 10 ans à 1200 milliards d’Euros (chiffre complètement invraisemblable en valeur absolue et en taux de croissance étant entendu que la capitalisation actuelle du CAC 40 représente 1500 milliards d’Euros et a été à peine multipliée par 2 sur la même période ; plus c’est gros plus ça passe). Gabriel Attal a pu néanmoins démontrer que la CSG progressive allait affecter les couches moyennes prétendument épargnées par la hausse massive de l’impôt sur le revenu.

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Jordan Bardella, grâce à son culot d’enfer et à son qualificatif fétiche de Gabriel Attal de Monsieur 1.000 milliards de dettes a pu atténuer les faiblesses de son programme économique et énergétique, des effets d’aubaine de la baisse de la TVA, à la sortie non crédible du marché européen de l’électricité et à l’absence tout aussi peu crédible de la construction immédiate de capacités de production d’électricité, due au moratoire de l’installation d’éoliennes, pour répondre à la croissance de la demande avant l’achèvement de nouvelles centrales nucléaires vers 2035. Olivier Faure a été bien en peine de lever les ambiguïtés du NFP sur le nucléaire. Gabriel Attal n’a pas ménagé sa peine au risque d’apparaître agressif. 

Sur le régalien Jordan Bardella a pu dérouler son programme sur la sécurité, la discipline à l’école et l’immigration de manière plutôt convaincante. Il sait que l’élection se joue bien davantage sur ces thèmes où l’exaspération des Français est à son comble que sur l’économie sur laquelle les Français oscillent entre l’ignorance et le déni de réalité. Gabriel Attal s’est montré ferme un cran en-dessous, handicapé par l’héritage de ses prédécesseurs. Toutefois il a réussi à recoller sur Jordan Barella le sparadrap des restrictions à certains emplois pour les bi-nationaux. Il a également pu citer les propos et les comportements douteux de certains candidats du RN. La lutte contre l’homophobie a été l’occasion d’une passe d’armes. Gabriel Attal a évoqué son expérience personnelle qui a donné l’occasion à Olivier Faure de le féliciter du courage de son coming out. Etait-ce réellement bienveillant de la part d’Olivier Faure ? Jordan Bardella en a profité habilement pour faire un lien avec l’immigration en déplorant que c’était dans les quartiers où celle-ci était dominante et où régnait le communautarisme soutenu par LFI que deux homosexuels ne pouvaient pas se tenir par la main dans la rue. Olivier Faure a tenu les discours lénifiants habituels de la gauche, refusant même de revenir sur la responsabilité pénale des mineurs. Il aurait dû être en grande difficulté sur une question d’une des journalistes concernant la proposition, ridicule, dangereuse et laxiste, du NFP de créer un nouveau statut de réfugié climatique. Bien qu’Olivier Faure n’ait pas répondu à cette question, curieusement il n’y a eu aucune relance de la part de la journaliste. 

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En résumé Gabriel Attal est de loin le plus compétent mais a pu apparaitre agressif. Jordan Bardella est insubmersible malgré ses faiblesses sur les dossiers économiques. Son arrogance est désormais proche des limites du raisonnable. C’est tout juste s’il ne se comportait pas déjà comme le Premier Ministre. On aurait pu se croire presque dans le fameux débat Fabius Chirac d’octobre 1985 quand le premier dit au second : « Vous parlez au Premier Ministre de la France ». Olivier Faure a surjoué le calme et la sagesse sans atteindre le même niveau de performance que Manuel Bompard le 25 juin, bien qu’il ait été ménagé par les journalistes. Il a même osé vanter la présence de Philippe Poutou dans la coalition du NFP. Ce n’est guère rassurant pour les socialistes dont Olivier Faure est  négociateur principal avec LFI. Au vu de la performance médiocre d’Olivier Faure dans ce débat, il n’est pas surprenant que les dirigeants trotskystes lambertistes de LFI aient pu lui imposer le programme dément du NPF.

Ce débat ne va certainement pas déplacer les lignes, et encore moins changer la dynamique actuelle en faveur du RN. Enfin on peut s’interroger sur l’objectivité et la compétence des journalistes du service public.

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