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Après 8 années de crise, pourquoi les plans de relance sont tellement à la mode aujourd’hui, et pourquoi cela pourrait tout changer
©Reuters

C'est pas trop tôt

Alors que Donald Trump s’apprête à booster l’économie américaine via des dépenses d’infrastructures, il apparait que les plans de relance de toute sorte intéressent de plus en plus les milieux politiques. Et pour cause…la recherche économique considère désormais que l’inaction politique durant la crise a pu détruire le potentiel des pays les plus avancés.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Comment expliquer le nouvel attrait des politiques de relance, défendu notamment aux États-Unis par Donald Trump au travers des dépenses d'infrastructures ? En quoi la réflexion économique a-t-elle évoluée sur ce point ?

Nicolas Goetzmann : La grande question qui se pose actuellement à l'ensemble des économies occidentales est celle du ralentissement de la croissance. Depuis la grande crise de 2008, et malgré quelques bonnes performances ici ou là, le résultat global est que les chiffres de croissance sont plus faibles qu'ils n'étaient par le passé. Les économistes se posent donc logiquement la question de la causalité. D'une part, ce ralentissement peut s'expliquer par un simple effet démographique, c’est-à-dire que la croissance de la population active s'affaiblit dans une large partie de ces pays les plus avancés, ce qui conduit logiquement à une baisse du potentiel de production puisque le potentiel de travail tend à diminuer. D'autre part, et c'est là que les choses deviennent intéressantes, il est également possible de constater une baisse de la productivité au sein de nos économies. Si le facteur démographique échappe largement à une quelconque emprise économique ou politique, il reste donc à se poser la question de cette baisse de la productivité, et c'est ici que la recherche a pu faire des progrès au cours de ces dernières années. 

Lors de l'énorme choc de 2008, les entreprises ont stoppé net les investissements, les embauches, etc... Elles ont coupé leurs coûts, licencié leurs salariés, etc… Il est ainsi possible de constater, en France que les entreprises non financières n'ont augmenté leur niveau d'investissement que de 0.74% entre le 1er trimestre 2008 et le 3e trimestre 2016, soit 8 années perdues sur ce front. Ce qui est sans précédent dans l’histoire économique du pays. Évidemment, une politique de 0 investissement ne peut pas se traduire par une formidable hausse de la productivité. Si l'on veut des avancées technologiques, cela coute de l'argent, et cet argent n'est pas dépensé. Le fait que le niveau d’activité économique n'ait pas été rétabli tout au long de ces années se traduit donc par une baisse en tendance des avancées technologiques. En résumé, le choc initial de la demande (la crise) a produit, à terme, un choc sur l'offre (la capacité des entreprises à élever leur productivité). C'est cette théorie qui se voit confirmée par plusieurs études, dont celle publiée par les économistes Diego Anzoategui, Diego Comin, Mark Gertler, Joseba Martinez, qui expliquent de la sorte pourquoi les pays développés sont tellement enlisés dans cette crise. Et c'est ce qui explique pourquoi les plans de relance ont à nouveau le vent en poupe, parce qu'un plan de relance de court terme peut permettre d'inciter les acteurs économiques à dépenser plus dans une optique de long terme.

En quoi cette de tels résultats peuvent-ils modifier l'approche politique des crises économiques ? 

A l'inverse de ce qui a été fait, principalement en Europe, lors de la crise de 2008, ces résultats indiquent que les politiques doivent tout mettre en œuvre pour contrer une crise de la demande, et ce, le plus rapidement possible. En croyant naïvement que "le marché" allait s’équilibrer tout seul comme un grand, le niveau de la demande est resté extrêmement faible tout au long de ces années, ce qui a finalement pesé sur l’offre. L’inaction politique a conduit à la destruction du potentiel économique du continent européen, aussi bien pour les hommes et les femmes qui ont perdu leur "employabilité" que l’outil de production lui-même, qui s’est affaibli au fil des années. 

En Europe, cela fait 8 ans que cela dure, et le soutien de la demande, aussi bien par la monnaie que par la politique fiscale, n'a jamais été une priorité pour les gouvernements. Les faibles performances de la productivité en sont une conséquence, la déqualification des travailleurs n'ayant pas d'emploi en est une autre, les fermetures d'usines…bref, l'impact de cette crise sur les capacités de production du continent européen, après 8 années de vide, sont désastreuses. Si François Hollande n'obtient aucun résultat avec sa politique de l'offre, cela n'est pas sans raison. 

La différence entre 2008 et aujourd'hui est qu'il n'existe plus réellement de doute sur la marche à suivre pour sortir de cette impasse. Une large relance monétaire, couplée à une large relance de l'investissement (par les infrastructures par exemple, comme cela a été indiqué) peut bien permettre de gonfler le niveau d'activité pendant un moment, et ainsi permettre à l'économie de retrouver un point d'équilibre, et un cercle vertueux. Pour le moment, nous continuons à croire qu'en attendant encore quelques années, la confiance se rétablira progressivement et que tout ira bien dans le meilleur des mondes. La réalité est que plus nous attendons, plus le potentiel de croissance sera faible, et la capacité de rebond amoindrie. Il s'agit d'une course contre la montre. 


Après 8 années de crise, n'est-il pas déjà trop tard ? Le mal fait à l'économie au cours de ces années peut-il encore être rattrapé ? 

C'est une question à laquelle Janet Yellen, Présidente de la Fed a pu répondre dans un discours prononcé à Boston en octobre dernier. Janet Yellen évoque l'éventualité de mettre en place une "économie sous haute pression", qui aurait pour conséquence d'augmenter les ventes des entreprises, ce qui encouragerait des dépenses en capital supplémentaires, et surtout une réduction des incertitudes sur l'avenir. De plus, les travailleurs seraient de plus en plus incités à rejoindre le marché de l'emploi. Cet ensemble d'effets conduirait à augmenter les gains de productivités, les capacités de production, les dépenses en recherche et développement, la création de nouvelles entreprises innovantes, et générer ainsi ce cercle vertueux. Il s’agit de rechercher l’effet inverse de ce que connaissent les pays développés depuis 8 ans, c’est-à-dire un surplus de demande qui permettrait d’équilibrer le mal subi. 

Évidemment, il faut garder à l'esprit que de tels soutiens à l'économie ne sont pas sans limite, et il convient d'éviter toute surchauffe de long terme, sous peine de retomber dans les excès des années 70. Mais dans un contexte comme nous le connaissons dans l'Europe de 2016, avec 10% de chômage, des taux de croissance déprimants, des niveaux d'investissement hyper bas…il y a encore une grande marge. Il y a vraiment la place pour un grand plan de soutien à l’économie, et ce, dans la très grande majorité des pays les plus avancés.

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