Apple Watch : la part de gadget, la part révolutionnaire qui va changer nos vies<!-- --> | Atlantico.fr
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L'apple Watch a été présenté lundi 9 mars
L'apple Watch a été présenté lundi 9 mars
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Poignet connecté

La firme à la pomme se lance dans le marché prometteur – mais pour l'instant encore décevant – de la montre connectée. Le défi : la création de nouveaux usages chez les consommateurs, que ce soit dans le domaine du paiement direct que de la santé.

Jean-François Thébaut

Jean-François Thébaut

Jean-François Thébaut est cardiologue, membre du Collège de la Haute Autorité de la Santé, président de la Commission amélioration des pratiques professionnelles et de la sécurité des patients.

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Laurence Allard

Laurence Allard

Laurence Allard est sociologue de l’innovation et ethnographe des usages des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Elle est également maîtresse de conférences en Sciences de la Communication, enseignante à l’Université Lille 3, et chercheuse à l’Université Paris-3, IRCAV (Institut de recherche sur le cinéma et l’audiovisuel). Elle travaille sur les pratiques expressives digitales (Web 2.0, remix, internet mobile), des thèmes «mobile et société», «politique technique et art/culture» ou la «culture des data». Elle est en particulier l’auteure de «Mythologie du portable» (Éditions Le Cavalier Bleu, 2010). Son dernier livre "Téléphone mobile et Création", publié aux Editions Armand Colin a été co-dirigé avec Laurent Creton et Roger Odin. 

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Daniel Ichbiah

Daniel Ichbiah

Daniel Ichbiah est écrivain et journaliste, spécialisé dans les jeux vidéo, les nouvelles technologiques, la musique et la production musicale.

Il est l'auteur de nombreux best-sellers tels que La Saga des jeux vidéos, Les 4 vies de Steve Jobs, Rock Vibrations, Le Livre de la Bonne Humeur, Bill Gates et la saga de Microsoft, etc. Daniel Ichbiah a aussi écrit : Qui es-tu ChatGPT ?

Parmi les biographies musicales écrites par l’auteur figurent celles du groupe Téléphone, de Michael Jackson, des Beatles, d’Elvis Presley, de Madonna (il a également publié Les chansons de Madonna), des Rolling Stones, etc. 

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Atlantico : Samsung et de nombreux autres concurrents se sont déjà lancés sur le marché de la montre connectée, sans réel succès. Peut-on s'attendre à ce que l'Apple Watch crée une révolution à l'image de l'iPhone ? N'est-ce qu'un gadget ou Apple est-il une nouvelle fois en train de créer de nouveaux usages ?

Laurence Allard : Avec son public de niche et ses appareils synchronisés, Apple pourrait lancer le marché des montres connectées et des objets mettables. Les spécialistes estiment que ce marché pourrait, avec l'Apple Watch, passer d'un peu plus d'un millions de montres vendues à 17 millions d'exemplaires écoulés. Sachant qu'il y a aujourd'hui près de 2 milliards de smartphones en usage dans le monde, le potentiel est énorme.

Lire également Apple lance aujourd’hui sa montre connectée : ce qu’il faut savoir avant de craquer (ou pas)

L'Apple Watch a des usages interstitiels, c’est-à-dire qu'elle s'utilise aux moments jusqu'alors restés sans connexion (comme quand on conduit) car elle permet les usages en "coup d'œil". Elle s'inscrit dans une panoplie avec les ordinateurs, les tablettes et les smartphones, et prolonge un continuum.

De plus, elle s'inscrit dans la tendance des formes de communication de plus en plus minimales, par l'utilisation des émoticônes facilitée par la taille de l'écran et la rapidité du coup d'œil. C'est donc la culture de la notification, de l'information en direct.

Le smartphone était déjà très incarné et proche du corps, mais l'Apple Watch va encore plus loin. On fait de plus en plus corps avec la technologie, d'autant plus qu'elle a pour ambition de capter nos données biologiques. Là où les Google glasses s'interposaient artificiellement dans les interactions en face-à-face, la montre connectée s'inscrit dans une tradition qui existait déjà, celle de la montre. Nous sommes déjà habitués à cette forme de communication en mobilité alors que les Google glasses étaient intrusives.

Daniel Ichbiah : On ne le ressent pas encore en France car cela n'est encore présente qu'aux Etats-Unis mais il y a un élément énorme dans l'équation : Apple Pay, qui a été lancé à l'automne dernier et a eu un succès immédiat là bas. C'est-à-dire le paiement sans contact par iPhone. Avant l'iPhone, sur les smartphones Android, dès que le montant de l'achat dépassait 20 euros, il fallait sortir son smartphone de sa poche, le débloquer par un code ou une empreinte digitale et taper un code sur le terminal du commerçant pour payer. Avec Apple Pay sur un iPhone c'est devenu immédiat : il suffit de brandir son iPhone devant le terminal de paiement. Avec l'Apple Watch, c'est plus rapide encore : le paiement ne se fera que par un mouvement de la main. Toute la philosophie de l'Apple Watch est là, c'est comme si on avait un iPhone au poignet.

On accélère le temps : la technologie est à disposition immédiatement. On n'a pas toujours le téléphone sous la main. Parce que ce n'est pas toujours rassurant, avec la peu de se le faire voler, mais aussi parce que ce n'est pas pratique de faire sans cesse ce mouvement de le sortir de sa poche. C'est très pratique pour les professionnels, comme les journalistes, qui ont besoin de la technologie pour réagir très vite.

Avec le ResearchKit, l'Apple Watch permettra, par le biais d'applications, de collecter des données de santé de son utilisateur pour éventuellement les transmettre à son médecin traitant. Elle pourra par exemple déterminer l'équilibre et mesurer les tremblements, signes avant-coureurs de la maladie de Parkinson. Est-ce une avancée majeure dans le domaine de la santé ? Est-ce que le fait de pouvoir effectuer soi-même ce genre de contrôle ne va pas détourner les utilisateurs de leur médecin traitant ?

Jean-François Thébaut : Nous sommes en pleine confusion entre des dispositifs médicaux et des objets connectés à utilisation du bien-être et de la vie courante pour lesquels on essaye de trouver des utilisations médicales. Il s'agit d'un objet grand public qui ne répond pas aux mêmes normes de qualité que les dispositifs médicaux, dont on surveille les évolutions et les usages. Il peut rendre service aux sportifs par la mesure des pulsations cardiaques. Si la précision de l'Apple Watch n'est pas celle d'un tensiomètre professionnel, ce n'est pas grave dans le cas du marathonien. Que son pouls soit mesuré à 110 au lieu de 100 pulsations par minute, cela n'a pas d'importance. Mais une telle différence pour un cinquantenaire cardiaque peut-être vitale. Cela deviendra une avancée dans le monde de la santé si le dispositif fait preuve de son efficacité, de sa sécurité d'emploi et de sa fiabilité dans toutes les situations. Il ne faut pas que cela détourne des médecins car, comme un sportif qui s'entraîne, il faut suivre des objectifs guidés par un professionnel de santé.

N'est-ce pas aussi une cause supplémentaire d'hypocondrie ? A force de se chercher continuellement des maladies, va-t-on finir par s'en créer, à commencer par l'addiction à l'appareil ?

Jean-François Thébaut : C'est ce que l'on appelle la cybercondrie. Mais cela ne change pas fondamentalement le problème. Mon grand-père avait par exemple constamment son dictionnaire des maladies et son tensiomètre avec lui.

Concernant l'addiction à l'appareil, une étude montre l'inverse aux Etats-Unis : deux tiers des patients arrêtent l'utilisation d'une application mobile de santé dans les six mois et cela monte à 75% d'abandon dans les six mois quand il y a un objet connecté avec. Cela montre donc qu'au contraire ces applications ne sont pas d'une grande utilité pour beaucoup d'utilisateurs.

Apple promet qu'il ne pourra pas voir les données collectées. Y-a-t-il un risque pour la vie privée ?

Laurence Allard : A partir du moment où les informations arrivent dans le cloud d'Apple, il y a un risque de réidentification et de réutilisation. Mais la faible précision des données récoltées atténue le danger.

Il y a déjà quelques firmes aux Etats-Unis qui, pour des questions d'assurance santé, demandent le port d'un tracker d'activité, par exemple,  pour vérifier la forme de leurs salariés. L'Apple Watch est le genre de technologie qui peut être utilisée à des fins de surveillance. Mais des études ethnographiques montrent déjà qu'il y a des façons de résister à ces contraintes et impositions, ce que l'on appelle la soft-résistance. Les usagers sont aussi des tacticiens : on sait ne pas répondre, comment ne pas être joignable. Dans la pratique, on sait comment se déconnecter de façon discontinue et discrète.

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