"Amis, chers amis" de Bernard Pivot : un véritable éloge à l'amitié

Le bandeau rouge du livre titre sur l’Eloge de l’amitié.  Beau programme. Autant qu’un éloge plaisant et enjoué, il est un compliment à cet art inégalable, cette chose humaine si mystérieuse  où le bonheur se nourrit de gratuité, de sentiment, vit sans intérêt ni arrière-pensée.

Dans ce séjour en amitié, Bernard Pivot voyage tout sourire, au bonheur de marquer son territoire, de raconter ou imaginer ses rencontres décisives, de rappeler des circonstances où il tomba dans la potion magique de l’amitié : « Parce que c’était moi, parce que c’était lui », comme Montaigne et La Boétie.

En vingt-six chapitres sans titre, soit bien plus que le nombre de ses vrais amis, Bernard Pivot livre ici un manifeste qui lui ressemble : « Amis, chers amis, je vous aime ! ». A la mémoire de huit d’entre eux, cités en première page, il ouvre un dictionnaire à l’entrée unique : A comme amitié sincère ; le premier pas vers ses lecteurs, ces amis inconnus qui habitent le blanc des pages avant que le maître ne les noircisse de ses bons mots, de ses trouvailles, de ses quatrains. Rien à voir avec le bien-être industriel qui ne pense qu’à lui-même, cet amour subtil et désincarné des mots, des livres, des phrases ciselées coule dans cette géographie amicale, curieuse, gourmande et chaleureuse. Celle du pain toujours tiède, de la gorgée de vin goûteux, du feu qui chauffe la bonté des sentiments muets remontant à la surface.

On ne trouvera pas ici l’intégrale du sujet chéri par de nombreux auteurs à l’exemple de Cicéron. Mais on n’est pas loin d’une philosophie. Celle qui attache chacun à quelqu’un d’autre.

En amitié, le hasard est le meilleur des complices. Arbre toujours vert, il grandit sans ride, offre un échantillon d’humanité, rend meilleurs ceux qui la pratiquent. Aimer, c’est aider, rendre important un modeste, compter pour et avec, les yeux ouverts ou fermés, sourire à qui on pense sans raison ni urgence, même au loin. Cette noble cause de nos vies sait attendre, dit en un silence tout ce qui peut réconforter. Pivot a eu bien raison de lui témoigner son affection indéfectible.

L’amitié, c’est le cœur sans le corps. Quoi de plus libre que l’amitié ?

L’amitié appartient à tout le monde. Comme la liberté, c’est un bien universel.

Elle rend le bonheur plus éclatant et plus léger le malheur parce qu’elle permet d’en partager le poids.

Ce fut l’un des chemins les plus essentiels de notre vie et l’un des plus agréables.

Figure populaire et passeur d’oeuvres, Bernard Pivot, né en 1935, écrit autant qu’il lit dans sa prolifique retraite. Journaliste, académicien Goncourt, premier rédacteur du magazine Lire, chroniqueur au JDD, tweeteur à succès, lyonnais amateur de bonne chère, de dictées et de football, il a animé de nombreuses émissions littéraires avec verve et succès. Personnalité reconnue de la sphère culturelle, Amis, chers amis est son 17ème ouvrage.

Lire également sur notre site la chronique d’Isabelle de Larocque Latour sur le livre …Mais la vie continuede Bernard Pivot, paru en 2021 chez Albin Michel.