Allongement de la carte SNCF jeunes jusqu'à 27 ans : derrière la bonne intention, la dictature du jeunisme ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Selon Olivier Galland "l'accès à l'âge adulte est plus tardif".
Selon Olivier Galland "l'accès à l'âge adulte est plus tardif".
©DR

Peter Pan

La SNCF lance ce mardi une carte 18-27, élargissant une offre promotionnelle jusque-là réservée aux voyageurs moins de 26 ans. Un écho au fait que les jeunes repoussent de plus en plus leur entrée dans le monde adulte.

Olivier Galland

Olivier Galland

Olivier Galland est sociologue et directeur de recherche au CNRS. Il est spécialiste des questions sur la jeunesse.

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Atlantico : La carte 12-25 ans de la SNCF, offrant des tarifs préférentiels pour les jeunes, n'est plus. Elle est remplacée par deux autres cartes, une 12-18 et une 18-27 ans. On constate que les jeunes le sont de plus en plus tard. Comment expliquer cette évolution de la société ?

Olivier Galland : C'est d'abord une réalité objective. En effet, l'accès à l'âge adulte, comme on peut le définir par des critères objectifs comme le fait d'avoir un emploi stable ou un premier enfant, est plus tardif. Effectivement, dans les faits, la jeunesse se prolonge.

Il ne faut pas perdre de vue ces critères pour bien comprendre la jeunesse actuelle. En effet, certains jeunes poursuivent des études de plus en plus tard et la stabilisation dans un emploi se fait donc à un âge plus avancé qu'il y a quelques décennies.

Il ne s'agit donc pas pas d'une évolution créée de toute pièce.

Est-ce une évolution normale de la société, ou est-ce dû à une sorte de "dictature du jeunisme effréné" qui fait rage dans nos sociétés ?


Selon moi, cela n'a pas grand chose à voir avec le jeunisme. Que les valeurs jeunes soient célébrées dans la société est un fait. Mais les jeunes ne repoussent pas le moment d'entrée dans la vie adulte par simple plaisir ou irresponsabilité. L'idée qu'ils sont des « Tanguy » qui restent chez leurs parents pour profiter des avantages et du confort familial en repoussant les responsabilités adultes est tout à fait fausse.


La société a connu des transformations structurelles qui ont permis l'évolution de cette jeunesse. Les études sont plus longues car il y a eu une volonté politique qui allait dans ce sens, mais aussi une envie grandissante dans les familles de voir les enfants faire de longues études pour avoir de meilleurs chances de trouver un bon emploi. En outre, la stabilisation de l'emploi est plus longue car nous avons, en France, un marché de l'emploi extrêmement clivé entre CDI et CDD, et ces derniers ce sont de plus en plus proposés aux jeunes en début de carrière. Ce n'est qu'à partir de 25 ans qu'une grande majorité de jeune parvient à accéder à un contrat à durée indéterminée.

Néanmoins, comment expliquer que l'on souhaite rester jeune le plus longtemps possible ?


Je ne pense pas que cela puisse s'apparenter à un jeunisme quelconque. En effet, il faudrait d'abord préciser ce que l'on entend par jeunisme. Quand on observe les valeurs des jeunes et celle des adultes, on constate qu'elles ont actuellement tendance à se rapprocher. Mais cela ne s'explique pas par le fait que les « vieux » ont voulu être jeunes, mais parce que les jeunes sont devenus un peu plus vieux. Ils sont beaucoup plus traditionnels et conformistes qu'il y a quarante ans. Dans ce sens, on voit donc qu'ils se sont beaucoup rapprochés des adultes en étant moins contestataires, moins anti-autoritaires, anti-institutionnels et en ayant perdu ce sens de la révolte caractéristique des années 60. On comprend bien que le jeunisme a du mal à recouvrir une réalité précise.


De plus, quand on parle du jeunisme, on entend cela d'une manière péjorative et on imagine des adultes en train de singer des jeunes en cultivant une espèce d'irresponsabilité factice, mais je pense que c'est un leurre. La plupart des adultes n'essaient pas d'esquiver leur responsabilité, bien au contraire.

La société de consommation pousse-t-elle aussi à ce jeunisme, les jeunes étant des cibles marketing plus « facile » ?


Il est vrai qu'il existe un marché de l'adolescence, mais ce n'est pas lié au fait que les adultes veulent rester jeunes ; plutôt au fait que les jeunes sont des cibles de plus en plus tôt. En effet, les adolescents et les pré-adolescents ont gagné une certaine autonomie par rapport à leurs parents dans l'expression de leurs goûts personnels, dans leur choix de vêtements ou de loisirs notamment.


En outre, il y a aujourd’hui plusieurs phases dans la jeunesse : l'adolescence dans un premier temps puis la phase jeune adulte qui n'a rien à voir avec l'adolescence. Ce sont des jeunes qui souvent dépendent de leurs parents mais qui mènent une vie indépendante et surtout qui connaissent souvent une situation précaire.

Cette précarisation est-elle caractéristique de cette génération de jeunes sur le tard ?


Tout dépend ce que l'on entend par précarisation. En effet, la stabilisation à l'emploi, comme je l'ai dit, est beaucoup plus longue qu'autrefois et les jeunes occupent souvent des emplois temporaires. Par conséquent, cette phase de transition de la jeunesse à l'âge adulte est assez précaire. La grande majorité arrive à se stabiliser à partir de 25 ans. Cependant, demeure un grand clivage selon le niveau d'étude qui s'est renforcé ces dernières années à cause de la transformation structurelle des emplois qui fait que beaucoup de postes, notamment dans l'industrie, ont été supprimés. Aujourd'hui, l'économie est plus ouverte aux personnes qualifiées qu'aux personnes non qualifiées et cette tendance ne va faire que s'accentuer.


Propos recueillis par Célia Coste

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