Alerte à l’aliénation idéologique : pire que les nouveaux extrémistes progressistes, les idiots utiles qui leur ouvrent les portes <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
Institut Catholique de Paris
Institut Catholique de Paris
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Associations incongrues

Le cas d'Alice Coffin, militante et professeur de journalisme à l'Institut Catholique de Paris, est l'un des derniers exemples de l'aliénation idéologique. Le danger ne vient pas des militants radicaux eux-mêmes mais de ceux qui leur ouvrent les portes.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

Voir la bio »

Atlantico.fr : Alice Coffin, militante LGBTQ et professeure de journalisme à l'institut catholique de Paris, une association incongrue dont on ne doutait pas l’existence pourtant l'honorable institution lui a ouvert les portes. Comme l'institut peut-il confier des cours à une personne à l'opposé des valeurs qu'il est censé porter ? 

Edouard Husson : Vous êtes sur une pente dangereuse: vous féminisez d’emblée « professeur » alors qu’il s’agit d’un métier qui a été exercé et d’un titre, qui a été porté pendant longtemps par des femmes sans que celles-ci ressentent le besoin de féminiser le mot lui-même. L’habit ne fait pas le moine. Jacqueline de Romilly ou Hannah Arendt n’avaient pas besoin de se faire appeler « professeure ». Le manque de vigilance face au nominalisme et à l’idéologie est omniprésent. Alors, évidemment, vous proposez un exemple énorme: la bonne vieille université catholique de Paris, qui laisse enseigner en son sein une personne dont les opinions sont totalement incompatibles avec le catholicisme, cela va sans dire, mais aussi ce rationalisme intégral, comme l’appelait Tresmontant, que l’Eglise catholique a su défendre pendant vingt siècles. Car la question n’est pas le « choc des valeurs » mais de garder la possibilité d’un espace de libre débat et d’argumentation rationnelle, dans le respect du réel. René Girard a résumé d’une formule la dynamique du christianisme: « C’est à partir du moment où l’on a arrêté de brûler les sorcières qu’on s’est mis à faire de la science » et non le contraire. Le christianisme permet la fin des boucs émissaires et l’avènement de la raison. Les idéologies modernes, depuis les Lumières, nous ramènent les boucs émissaires et se finissent en totalitarismes. Alice Coffin fait des hommes, des pères, les bouc émissaires de tous les maux sociaux, tels qu’elle les ressent. Alors comment une institution telle que « la Catho » peut-elle laisser recruter en son sein une militante fanatique de l’idéologie du genre? Il y a certainement une composante « catho »  sur le mode « vouloir se déniaiser à tout prix », il y a la mode, la peur de ne pas être de son temps, la peur, tout court; il y a une conception dévoyée de la liberté, la volonté de prouver que, comme chrétien, on est les plus inclusifs; il y a une façon de singer le Christ, qui mangeait à la table des pécheurs - pardon, des marginaux porteurs d’une expérience de vie atypique -, mais en dévoyant son enseignement puisque lui voulait la conversion, le changement de vie, le retour au réel, la fin des chasses aux sorcières. Cela dit, l’institut catholique n’est pas seul et ce qu’il faut reprocher aux catholiques, c’est de ne pas se distinguer dans cette époque de crise - René Girard aurait été frappé par l’accélération des emballements mimétiques et la multiplication des boucs émissaires. 

Le danger vient-il des militants radicaux ou de ceux qui ouvrent les portes par paresse intellectuelle ? Quelle idéologie prend le pas sur l'autre ? 

Dans une époque stable, les militants radicaux restent de grands méconnus, des incompris qui se morfondent dans leur coin. Sans la Première Guerre mondiale, Hitler serait vraisemblablement mort dans les années 1920, de mauvaise santé ou en se jetant dans l’Isar à Munich. Mais tous nos équilibres sont instables. la Belle Epoque fut l’une des plus heureuses de l’histoire de l’humanité; mais le bonheur fait peur ou ennuie, au choix, et les dirigeants européens se sont précipités dans la Première Guerre mondiale. Après la chute du communisme, l’Occident avait tout pour être heureux et profiter de l’ouverture du monde à ses idées et ses capitaux. Mais la passion individualiste a rongé de l’intérieur le modèle occidental. Il est devenu intolérant et agressif, comme le montre le progressisme, partout où il tient pouvoir et institutions. Quand surgissent les déséquilibres, les radicaux relèvent la tête. Ils profitent des vulnérabilités du système, pour s’introduire. Dans les brèches qui leur sont ouvertes, les « modérés », les « centristes » sont souvent des complices de choix. Ce qui a permis à tous les fous furieux idéologues de s’emparer des facultés de sciences sociales dans le monde occidental, c’est d’abord le fait que des universitaires atypiques aient commencé à adopter leurs concepts. Il y a quinze ans que l’on se croit obligé de dire « genre » dans l’université française. Eh bien il a suffi d’une demi-génération pour que l’idéologie du genre fasse régner son ordre tyrannique, pour que les présidents d’université se mettent à l’écriture inclusive (la bien mal nommée). Tout ceci se déroule sur fond d’inégalités sociales croissantes, où la question de l’inégalité homme/femme ou celle du « racisme systémique » sert de caution sociale à des élites obsédées par l’accumulation des richesses aux dépens de leurs frères humains. C’est aussi parce que l’Eglise a largement abandonné, après Benoît XVI, la prédication de sa doctrine sociale qu’elle se réfugie, comme les autres, dans les causes paravent de l'époque: l'apocalyptisme climatique, l'idéologie du genre, le racisme inversé. 

Cette alliance incompatible est-elle un cas isolé ? Trouve-t-on d’autres alliances qui donnent de l'exposition aux décoloniaux, décroissants, croisés du genres ? 

La dynamique occidentale, depuis le Moyen-Age, est celle d'un débat entre "réalistes" et nominalistes"; entre ceux pour qui l'être humain doit découvrir le sens de son action qui est préécrit dans le réel; et ceux qui pensent que les mots, le langage, sont émancipateurs et doivent permettre de transformer le réel, au besoin par la contrainte sociale. Depuis la Révolution française, on dit "la droite" et "la gauche" parce qu'au débat philosophique de fond est venue s'ajouter un débat religieux. Depuis son origine, le christianisme est défié par d'autres courants religieux issus d'une même matrice culturelle mais qui rompent l'équilibre très spécifique proposé par le Christ, entre l'humain et le divin, et qui, le plus souvent, refusent la séparation des pouvoirs. Il s'agit de la gnose, du manichéisme, du millénarisme et, bien entendu, de' l'Islam. L'Europe occidentale s'est fondée sur le rejet de ces religions alternatives. Force est de constater que la modernité, qui se croit émancipée, a surtout récupéré ces courants à son profit. Alice Coffin ne se doute pas de ce qu'elle véhicule d'héritage du catharisme et du marcionisme par sa détestation du réel sexué. En revanche l'Eglise catholique n'aurait pas dû abandonner la belle tradition du "discernement des esprits", qui a tant fait honneur à l'école de spiritualité française depuis Saint François de Sales. Au-delà de l'Eglise, il y a plus généralement dans le monde dirigeant, l'idée utilitariste assez répandue que les débats d'idées n'ont aucune importance. C'est ainsi que la droite dite de gouvernement a abandonné la culture et le débat intellectuel à la gauche. Il ne reste que quelques poches de résistance et de fidélité au réalisme philosophique. Et il y a l'immense bataillon délaissé de tous ces Français qui ressentent dans leur chair les conséquences des idéologies et qui n'ont que les "populistes" pour les défendre. Le macronisme est largement fondé sur l'effondrement de la philosophie politique classique et le ralliement des dirigeants de droite à son amalgame de transhumanisme, de gauchisme et d'hyperindividualisme.  

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !