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Pourquoi le chemin vers la fusion des minima sociaux est difficile MAIS possible
©FRANCOIS GUILLOT / AFP

Aides publiques

Sera-t-il possible un jour de fusionner les minima sociaux en France ? Eléments de réponses avec Marc de Basquiat.

Marc de Basquiat

Marc de Basquiat est consultant, formateur, essayiste et conférencier. Fondateur de StepLine, conseil en politiques publiques, il est chercheur associé du laboratoire ERUDITE. Il préside l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE) et intervient comme expert GenerationLibre. Il est diplômé de SUPELEC, d'ESCP Europe et docteur en économie de l'université d'Aix-Marseille. 

Son dernier ouvrage : L'ingénieur du revenu universel, éditions de L'Observatoire.

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Fusionner les minima sociaux ?

Avant de fusionner des prestations aussi différentes, commencer par démonter l’effroyable usine à gaz du RSA et de la Prime d’activité, puis réaliser la jointure avec le système fiscal

Le 18 avril 2016, le député Christophe Sirugue a rassemblé une quasi-unanimité sur son rapport "Repenser les minima sociaux : vers une couverture socle commune"    . 
Son scénario 3 proposait de remplacer dix minima sociaux par la combinaison de trois prestations complémentaires. 
Malgré ce large consensus, la mise en œuvre de ce fameux scénario 3 n’est toujours pas d’actualité. Les politiques et les experts y font régulièrement référence, mais on n’est pas encore dans le concret. 
Deux obstacles majeurs :
1.Les règles applicables pour appréhender la situation réelle des bénéficiaires (structure familiale et niveaux de revenus) sont extrêmement hétérogènes entre les dix minima sociaux. 
2.La dégressivité des prestations en fonction des revenus échappe à toute logique d’ensemble.

L’actuelle familialisation du RSA est un obstacle majeur à toute rationalisation

Le rapport Sirugue prône avec sagesse que la Couverture socle commune soit « doublée pour un couple » et accordée « sans prise en compte des prestations familiales dans la base ressources ». Cette rupture avec les règles actuelles du RSA est majeure. Cela a un coût. Il faut l’assumer. 
Pour montrer l’enjeu concret pour les personnes concernées, considérons un petit extrait des 7 pages du formulaire de demande du RSA : 
Appliquant à la lettre les conditions d’attribution de la prestation, le formulaire interroge dans le détail sur la configuration familiale du demandeur, plus particulièrement sur son éventuelle vie de couple. La question particulièrement indiscrète « à quelle date avez-vous rompu votre vie en concubinage ? » laisse pantois. 
L’article proposant de rationaliser la politique familialemontre pourquoi il convient de remplacer la prise en compte des enfants, dans le calcul du RSA, par des Allocations Familiales Uniques. Cette réforme est un prérequis, de même que le rattrapage du « RSA Couple », qui devrait être égal à deux fois le RSA d’une personne seule. 
Le deuxième chantier majeur est la rationalisation des règles de dégressivité des prestations sociales avec le revenu.

La dégressivité de l’aide sociale avec le revenu doit basculer vers une logique fiscale

Depuis quelques années, l’administration fiscale améliore nettement ses processus, grâce à la déclaration d’impôt annuelle pré-remplie, puis la déclaration sociale nominative mensuelle, et bientôt le prélèvement à la source d’un acompte chaque mois. C’est un progrès qu’il faut saluer honnêtement : le fisc collecte de plus en plus facilement l’information sur l’ensemble des revenus des particuliers en France. 
Dans le même temps, le ministère des Affaires sociales envisage d’automatiser le calcul et le versement du RSA et de la Prime d’activité. Là aussi, il s’agit de prendre en compte  les revenus des ménages au plus près du temps réel. 
Ces deux démarches compliquées sont redondantes.
Nous proposons que l’administration fiscale soit le collecteur de référence pour les revenus des particuliers. Les prestations sociales dont le montant dépend du revenu du bénéficiaire seraient alors systématiquement calculées à partir des données fournies par l’administration fiscale.
Ceci est malheureusement compliqué par le fait que les administrations ne raisonnent pas sur le même périmètre. Le « foyer fiscal » réunit les couples mariés ou pacsés. La famille, au sens du « foyer social », réunit également les concubins, sans qu’on comprenne d’ailleurs très bien le fondement juridique de la prise en compte de ce statut de fait. C’est ainsi que le « foyer social » de concubins est généralement constitué de deux « foyers fiscaux ».
Cette complexité induit nombre d’aberrations dans le calcul des prestations sociales. On peut l’entrevoir ci-dessous, avec les courbes en bleu qui figurent l’évolution de la combinaison RSA et Prime d’activité en fonction des salaires d’une personne seule ou d’un couple.
Pour une personne seule au SMIC, toute augmentation de salaire s’accompagne du prélèvement de cotisations sociales non contributives à un taux élevé (du fait de la réduction Fillon, voir cet article. On constate sur le graphique que, de surcroit, la Prime d’activité diminue fortement dans cette zone, ce qui freine d’autant la progression du revenu disponible. 
Ce phénomène ne se retrouve pas sur la courbe concernant les couples, qui présente cependant d’autres anomalies. Tout ceci est d’une incohérence totale. Un ménage radical s’impose.

D’abord simplifier drastiquement le RSA et la Prime d’activité

Le schéma ci-dessous donne une idée de l’ampleur du chantier de rationalisation du RSA et de la Prime d’activité. Avant d’entreprendre un quelconque rapprochement avec d’autre minima sociaux, il est malheureusement indispensable de mener cette série de réformes.
C’est un projet compliqué, très technique, nécessitant de modifier de nombreux mécanismes également effroyablement alambiqués. Le gouvernement actuel aura-t-il le courage de se lancer dans le redesign complet de ces prestations ? Qui prend ce pari ? 

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