L’Afrique, ce n’est pas seulement la famine et la guerre, c’est aussi la créativité et l’innovation<!-- --> | Atlantico.fr
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Les investisseurs cherchent comment adapter les technologies des pays riches aux besoins des Africains.
Les investisseurs cherchent comment adapter les technologies des pays riches aux besoins des Africains.
©Reuters

Saga africa

Première tablette numérique développée et fabriquée en Afrique, la Way-C est sortie récemment. Loin des clichés qui restent accolés au continent, l'industrie africaine se développe mais souffre d'un manque d'investisseurs.

David Keller

David Keller

David Keller est Directeur de la Fondation Innovation for Africa.

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Atlantico : Avec la sortie de la Way-C, la première tablette numérique développée et fabriquée en Afrique, le monde semble découvrir que des innovations peuvent venir de ce continent. L’Afrique est-elle un continent d’innovation ?


David Keller : Les idées préconçues sur l’Afrique qui ont la vie dure. Par exemple, les Africains seraient victimes d’une pauvreté endémique et généralisée et continueraient de mourir de faim. Un autre stéréotype du même genre réduit le continent à des artistes, des musiciens, des vêtements colorés... D’autre part sur le plan industriel, l’impression qu’il n’existe rien d’autre que de grandes entreprises qui ne savent qu'extraire les riches ressources du continent demeure. Bien sûr, il y a une part de vrai dans tout cela. Mais l’Afrique ne se résume pas à ces perceptions partiales. Elle a une communauté d’intellectuels, d’innovateurs et d’inventeurs qui est très importante. La nouvelle génération est capable de créer, de faire des affaires et de développer un sens de l’entrepreneuriat.

L’Afrique est un continent de diversités. Les pays, les paysages et les cultures sont très différents. La situation en terme d’innovation n’est pas la même partout. Aujourd’hui, plus personne ne s’étonne de voir que l’Afrique du Sud déploie une puissance économique et industrielle très créative. Elle fait pleinement partie du groupe des BRICS [NDLR : nom donné aux pays émergents les plus avancés : Brésil, Russie, Inde, Chine et depuis peu, Afrique du Sud]. Elle fournit d’importants efforts dans le domaine du développement et de la recherche. En Afrique du Nord, de nombreux instituts de recherche collaborent entre eux et avec des entreprises. Elles cherchent à innover, aussi bien sur le plan scientifique que économique.

Une tendance intéressante dans le domaine de l’innovation africaine, c’est que les inventeurs cherchent à développer des choses qui soient utiles à la communauté. Ils inventent pour affronter la pauvreté et ainsi contribuent au développement durable du continent. Un exemple simple d’innovation qui a pu changer le quotidien de nombreux africains : remplacer les lampes au kérosène par des lampes solaires. Ce type de projets est relativement nouveau et répond parfaitement aux préoccupations locales.

En Afrique, il y a aussi une tendance à se rencontrer pour innover et développer collectivement. Un bon exemple est le projet iHub, au Kenya, qui permet à tout un tas de gens de se rencontrer pour échanger, partager et déveloper leurs idées. Ils cherchent comment adapter les technologies des pays riches aux besoins des Africains. C’est de ce type de démarches que sont venues de nombreuses démarches innovantes. Par exemple, beaucoup de gens utilisent leurs téléphones portables pour s’informer sur les prix actuels du marché et faire des transactions bancaires alors que cette idée reste de la science-fiction dans de nombreux pays développés.

Les Africains sont très créatifs dans les domaines des nouvelles technologies, dans la lutte contre les gaspillages, dans les énergies propres.


Pourquoi les Africains, malgré cette capacité à créer, à inventer, ne parviennent-ils pas à échapper aux stéréotypes qui leurs collent à la peau ?

Il y a probablement des secteurs qui vivent assez bien de ces stéreotypes et profitent de leur perpétuation. En même temps, il n’y a pas que des organismes liés à l’aide internationale qui essaient d’améliorer la situation en Afrique. Des investisseurs commencent à se manifester. Mais la population reste assez jeune et le PIB à la traîne. C’est un continent jeune qui doit garder les yeux braqués sur le futur. Quand on y pense, c’était aussi le cas des Etats-Unis il n’y a pas si longtemps.

On trouve des populations dans tous les coins de l’Afrique qui commencent à prendre en mains leur avenir . Les Africains savent qu’ils ne peuvent plus se reposer indéfiniment sur l’aide internationale.


De quoi ont besoin les Africains pour faire progresser la recherche et la créativité ?

Ils ont très clairement besoin d’investisseurs. La relation entre des investisseurs puissants et des inventeurs faibles est difficile à gérer. Ces derniers peinent à protéger leur indépendance. C’est pour cette raison que l’Afrique a besoin d’investisseurs qui aient la patience et la volonté de soutenir et d’encourager les créatifs natifs du continent africain.

De plus en plus, il faudrait que ces investisseurs soient justement originaires d’Afrique. Qu’ils ne viennent plus d’Europe et des Etats-Unis. La diaspora peut être un vivier de personnalités ayant à la fois des moyens et des réseaux à mettre à contribution.

L’Afrique a également besoin de compétences. Les gouvernements doivent investir dans l’instruction et la formation, mais malheureusement, les programmes mis en place jusqu’ici restent encore peu efficaces. C’est dommage car en Afrique, la formation est un pari gagnant/gagnant : les habitants ont besoin d’être formés, les entreprises ont beaucoup de peine à trouver  de main d’œuvre qualifié et beaucoup de gouvernements veulent financer. Il faudrait trouver un moyen d'en finir avec la fuite des cerveaux omniprésente dans beaucoup de pays africains. Les jeunes jeunes talents continuent de partir étudier et travailler ailleurs.

Nous poursuivons une logique de mobilisation des forces créatives et innovatrices africaines. Nous investissons avec une atteinte de rendement financier et sociale en des initiatives originaires du continent. L’aide internationale est encore nécessaire, c’est évident. Elle est importante, mais parfois contre productive. En déployant des produits à des fins humanitaires, les associations créent parfois une forme de concurrence déloyale envers les entrepreneurs qui cherchent à développer leurs activités sur les marchés locaux. Ces moyens devraient peut-être profiter plus aux entrepreneurs pour leur permettre d’être efficaces et de devenir un moteur de croissance.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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