Adolescent heurté par une voiture de police : que faire pour éviter un embrasement… sans cacher la poussière sous le tapis ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Selon France Info, l'individu roulait sans casque et regardait derrière lui sans ralentir au moment de l'accident.
Selon France Info, l'individu roulait sans casque et regardait derrière lui sans ralentir au moment de l'accident.
©OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP

La peur de l'embrasement

Mercredi soir, un adolescent de 16 ans, circulant sur un moto-cross a été percuté par une voiture de police à Élancourt (Yvelines).

Hervé Lehman

Hervé Lehman

Ancien juge d’instruction, avocat au barreau de Paris, Hervé Lehman est l’auteur de Justice, une lenteur coupable (2002). Il a participé à la rédaction du rapport de l’Institut Montaigne sur la réforme de la Justice (Pour la Justice). Il est l'auteur du livre "Le procès Fillon" (Cerf, mars 2018) et vient de publier "L’air de la calomnie- une histoire de la diffamation" aux Editions du Cerf (2020). 

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Atlantico : Comment comprendre l'attitude de Me Yassine Bouzrou, l'avocat de la famille de l'adolescent heurté par une voiture de police alors qu'il était en fuite à motocross dans les Yvelines, qui évoque une tentative d’homicide volontaire sans véritablement préciser les éléments qui permettraient de soutenir cette hypothèse ? Tout comme l'attitude de Jean-Luc Mélenchon et de nombreux élus insoumis qui suggèrent qu'il s'agirait d'une nouvelle bavure ?

Hervé Lehman : Peut-être faut-il revenir aux fondamentaux : il n’est pas normal de se soustraire aux contrôles de police. Le refus d’obtempérer et la rébellion sont des délits. Un citoyen normal arrête son véhicule et présente ses documents d’identité lorsqu’un policier le lui demande. De fait, les personnes impliquées dans ces prétendues bavures ont des comportements délinquants, et ne sont souvent pas à leur coup d’essai. Ensuite, lorsque la personne se débat  lors de son interpellation ou prend la fuite avec une conduite en ville dangereuse, il n’est pas étonnant que, de temps en temps, cela finisse mal.

À partir de cette réalité, on a construit, comme on l’a vu dans le délire de l’interminable affaire Adama Traore, une légende : les policiers sont racistes,  ils tuent volontairement les jeunes issus  de l’immigration. Ce discours plait à une clientèle composée de ces gens en marge de la légalité et des militants d’extrême gauche, sous le regard bienveillant de la presse de gauche. Jean-Luc Mélenchon aurait bénéficié lors de la dernière présidentielle d’une grand majorité du vote des musulmans en France. Cela est à la fois le fruit et l’explication  de son comportement : il accuse la police d’être raciste, comme il s’oppose, en contredisant ce qu’il affirmait il y a dix ans, à l’interdiction de l’abaya à l’école. Si l’expression « islamo-gauchiste » a un sens , c’est bien pour qualifier la ligne politique du leader Maximo de La France insoumise.


Jusqu'à présent, les quartiers dont est originaire le jeune homme ne semblent pas prêts à s'embraser : comment apprécier le risque de nouvelles émeutes ?

Hervé Lehman : Bien malin est celui qui pourra dire quand auront lieu les prochaines émeutes. Les dernières ont démarré sur un comportement policier inexplicable : sortir son arme et tirer à bout portant sur un gamin assis dans sa voiture est évidemment très choquant. La réaction de la justice a été à la hauteur de l’évènement, et la violence des images qui ont circulé dans tout le pays a légitimement créé une forte émotion, qui a mis le feu aux poudres.

Les poudres sont toujours là : une jeunesse issue de l’immigration, qui ne se sent pas française et qui est souvent dans l’échec scolaire et le chômage, dans des quartiers submergés par le trafic, et donc l’usage de drogue. Cette jeunesse cristallise son mal être sur la police, et bizarrement aussi les pompiers du seul fait qu’ils portent un uniforme, parce qu’ils représentent l’ordre d’une société dont ils se sentent rejetés. Chaque décès d’un de leurs « frères » peut déclencher des réactions violentes. 

La réponse judiciaire à la suite des dernières émeutes a été plutôt ferme, de nombreuses condamnations ont été rapidement prononcées et des centaines de jeunes sont partis en prison. Peut-être cette fermeté dissuadera-t-elle de nouveaux candidats, au moins pendant quelque temps.


Même si les discours sur le racisme systémique ou les violences policières sont excessifs, comment traiter le problème politique et social réel que représente la perception des forces de l'ordre dans ces quartiers ?

Hervé Lehman : Il faut voir et revoir le remarquable film Les Misérables, qui se termine par une émeute dans un quartier à la suite d’une « bavure policière », pour comprendre combien la situation est inextricable : le pouvoir dans ces quartiers est partagé entre les imams, les trafiquants de drogue et une municipalité que l’on pourrait qualifier de mélenchoniste, de telle sorte que les policiers sont totalement démunis, ont peur et  ne survivent que dans le rapport de force. Est-ce la faute des policiers ? 

Il parait difficile de traiter la perception de la police dans ces quartiers sans traiter la question de fond, que le gouvernement refuse de nommer officiellement : l’immigration incontrôlée rend impossible une intégration réussie. Les mères sont dépassés, l’école est dépassée, la police est dépassée, la justice est dépassée. L’argent versé dans les quartiers tombe dans un tonneau des Danaïdes puisque, chaque année, cinq cent mille nouveaux migrants arrivent, généralement acculturés et non qualifiés, et  souvent musulmans à un moment où le fondamentalisme gangrène cette religion.

Personnellement, je n‘ai pas de solution policière à cette situation que les Français supportent de plus en plus mal. Ceux qui craignent l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite devraient s’interroger sur la responsabilité qu’ils portent dans le refus de voir en face les dégâts considérables que cause cette immigration incontrôlée.

Que pourrait-on changer dans la police ?

Hervé Lehman : Ce n’est pas une réforme  de la police qui changera la mal être dans les quartiers à forte population issue de l’immigration. Lorsqu’il y a soupçon de bavure, il y a enquête, et si la bavure est avérée, il y a sanction administrative et judiciaire. Il ne faut d’ailleurs pas sous-estimer le malaise qui existe aussi dans la police. Le fort taux de suicide, le sentiment d’être abandonné par la justice (« Le problème de la police , c’est la justice, » a déclaré un syndicaliste), la peur lorsque le rapport de force tourne en faveur des délinquants ou des émeutiers sont des facteurs de dangerosité qu’il ne faut pas négliger. Ces policiers qui reçoivent des injures, des boulons, des cocktail Molotov, des tirs de mortiers sont plutôt remarquables de retenue alors qu’ils ont à leur disposition des armes qui peuvent être létales. Que se passera-t-il le jour où, lassés d’être ainsi maltraités, ils ne voudront plus aller au contact ?

Je pense qu’il faut affirmer que la police est républicaine, qu’elle  n’est pas raciste (elle n’est d’ailleurs pas homogènement blanche) et que tout citoyen, même dans les quartiers difficiles, doit accepter l’autorité républicaine que les policiers incarnent.

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