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Accueil « contrôlé » des réfugiés afghans : quand la gauche se lave les mains du réel
©ASGHAR ACHAKZAI / AFP

Immigration

Après l'allocution d'Emmanuel Macron sur l'Afghanistan, beaucoup ont réagi à la phrase d'Emmanuel Macron "Nous devons anticiper et nous protéger contre des flux migratoires irréguliers importants", dénonçant le manque d'humanité du président de la République.

Arnaud Lachaize

Arnaud Lachaize

Arnaud Lachaize est universitaire, juriste et historien. 

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Atlantico : Après l'allocution d'Emmanuel Macron sur l'Afghanistan, beaucoup ont réagi à la phrase d'Emmanuel Macron "Nous devons anticiper et nous protéger contre des flux migratoires irréguliers importants", dénonçant le manque d'humanité du président de la République. N'est ce pas oublier la réalité des demandes d'asiles soumises par les réfugiés afghans ? Quels sont les chiffres ? 

Arnaud Lachaize : En 2020, les Afghans ont été la première nationalité des demandeurs d’asile, au nombre de près de 10 000, c’est-à-dire en gros un dixième du total des demandeurs d’asile. 80% d’entre eux ont été reconnus comme réfugiés par l’OFPRA et la commission nationale du droit d’asile. Le problème de cette déclaration présidentielle est qu’elle est toute en ambiguïté. On a du mal à voir si elle porte sur les Afghans ou si elle concerne l’immigration clandestine en général. Elle exhale en tout cas un fort parfum de pré-campagne électorale. Elle se présente comme un clin d’œil à l’électorat conservateur. Politiquement, elle est extrêmement révélatrice et désigne l’électorat sur lequel le président compte désormais pour se faire réélire. Cette déclaration exprime tout le drame de la question de l’asile et de l’immigration en France. Ces sujets sont pris en otage des politiques qui les utilisent à des fins de calcul électoraliste. Il serait bien plus intéressant de se poser la question du bilan réel du quinquennat Macron en matière de maîtrise de l’immigration au regard du record absolu du nombre des premiers titres de séjour délivrés en 2019 (avant l’épidémie de covid) : 280 000. 

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Atlantico : Le président a indiqué que la France prendrait toute sa part dans l'effort de solidarité, en précisant que l'Europe ne pourrait porter cet effort seul. Y-a-t-il des raisons de croire que la France va changer d'attitude vis-à-vis des réfugiés afghans suite à la prise de pouvoir des talibans ?  

Arnaud Lachaize : La prise de Kaboul par les talibans constitue une épouvantable tragédie humanitaire. Les islamistes de cette mouvance ont montré de quoi ils étaient capables : extermination des opposants, application des châtiments corporels, lapidation, amputation, flagellation, persécution des femmes réduites à l’état d’esclaves. Le monde occidental après avoir favorisé le chaos par ses interventions, a honteusement capitulé devant la barbarie absolue. Maintenant il est face à ses responsabilités. Il est évident que les Afghans visés par les persécutions et les crimes qui parviendront à fuir cet enfer devront être accueillis dignement partout dans le monde. Mais il est tout aussi évident que la France et l’Europe ne peuvent pas être les seules terres d’accueil. Cela ne peut se réduire à de l’immigration clandestine contrairement au discours ambigu et démagogique du chef de l’Etat : on est clairement dans le cas d’une protection à accorder à des populations en danger de génocide. L’Amérique qui est la première responsable de cet épouvantable débâcle devra prendre toute sa part à l’accueil des réfugiés Afghans et la solidarité plantaire devra s’exercer en fonction des capacités de chaque pays. La France devra continuer à prendre toute sa part à cette solidarité mais en proportion de ses moyens au regard de la communauté internationale. 

Atlantico : La préoccupation soudaine, particulièrement à gauche, pour les réfugiés afghans, plus que pour d'autres réfugiés issus de pays instables, est-elle le signe que l'indignation est avant tout dictée par l'actualité et les réseaux sociaux ? Est-elle surjouée à des fins politiques ? 

Arnaud Lachaize : Les réactions surjouées de la gauche ne valent pas mieux que les déclarations douteuses du président dictées par l’approche de 2022 : que sait-elle faire d’autre que de pousser des cris d’orfraies sur le sujet, dès que la moindre occasion se présente, en l’absence de ligne claire et de projet crédible ? On est clairement dans un jeu malsain qui consiste à prendre un sujet dramatique en otage de considérations idéologiques et électoralistes. La gauche essaye d’exister en rebondissant sur la formule aussi creuse qu’opportuniste du président. Elle se présente en gardienne de la morale sans frontièriste en fustigeant une phrase pleine d’ambiguïté qui ne dit pas non à l’accueil des Afghans, mais condamne l’immigration clandestine (en général) dans le cadre d’une allocution consacrée à la crise afghane. La confusion est totale. Nul ne comprend ce qu’a vraiment voulu dire l’occupant de l’Elysée. Parlait-il des Afghans ? Des migrants en général ? La gauche fait semblant de comprendre qu’il parlait des Afghans ce qui lui permet de surjouer l’indignation et ainsi de rendre service au président dans son dessein de paraître ferme sur l’immigration. L’effondrement électoral de la gauche s’explique largement par son refus du réel et sa dérive dans l’angélisme en matière migratoire. En attendant, ce jeu de billard à trois bandes sur le dos de personnes exposées à des persécutions sinon un possible génocide, est particulièrement lamentable. 

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