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66% des Français estiment que le démantèlement de la jungle de Calais ne sera pas une mesure efficace et 78% comprennent ou approuvent les élus opposés à la création de centres d'accueil pour les migrants
©Reuters

Sondage exclusif

Selon un sondage exclusif Ifop pour Atlantico, 66% des Français estiment que fermer la jungle de Calais ne sera pas une mesure efficace dans le cadre de la crise migratoire. Une résignation qui fait notamment écho aux nombreux plans de ce genre déjà annoncés depuis quinze ans par les gouvernements successifs.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Quel est selon vous le principal enseignement de ce sondage ?

Jérôme Fourquet : Ce sondage montre qu'alors même que la question de Calais et des centres d'accueil créés un peu partout en France pour diminuer la pression migratoire sur Calais est très présente de nos jours dans l'actualité, et que le gouvernement s'est engagé à apporter une réponse pérenne sur place, une très nette majorité de Français est très sceptique sur l'efficacité de ce plan, avec 66% d'entre eux qui pensent que ce sera une solution provisoire, et qu'à terme ces migrants reviendront à Calais. Seulement 15% des Français pensent que cette mesure aura des effets durables, 19% étant dans l'expectative.

Les résultats sont très nets et montrent un fort scepticisme et une forte résignation face à ce problème. Ceci peut s'expliquer en partie par le fait que la crise à Calais dure depuis des années maintenant, et que plusieurs initiatives de ce genre ont déjà été annoncées solennellement par différents gouvernements sans que le problème ne soit réglé. Presque quinze ans après la création du centre de Sangatte, on parle toujours de problèmes migratoires à Calais, et cela s'est même empiré au fil des ans.

Pour reprendre un peu l'historique de ce sujet, on se souvient qu'au début des années 2000, Nicolas Sarkozy – alors ministre de l'Intérieur – a annoncé la fermeture du centre de Sangatte, qui était censé fonctionner comme un appel d'air. Or, cette fermeture fortement médiatisée n'a pas permis de régler le problème. En 2009, nous avons ensuite eu le démantèlement de la première jungle, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, avec Eric Besson ministre de l'Immigration qui fit procéder, caméras à l'appui, à la destruction de ce mini-bidonville avec des bulldozers. Enfin, plus récemment, le gouvernement de François Hollande a fait raser la partie Sud de la jungle de Calais en expliquant que cela ferait baisser la pression migratoire et attirerait moins de migrants à Calais. Il n'en a rien été, et les migrants sont aujourd'hui plus nombreux que jamais sur un périmètre plus restreint, d'où la multiplication des violences dans la jungle, et la détermination de plus en plus élevée de ces migrants pour passer en Angleterre.

Tout cela mis bout à bout, même si les Français ne se souviennent plus forcément de tous ces épisodes, a laissé des traces, et installé dans l'opinion l'idée selon laquelle ce problème était insoluble. D'où le grand scepticisme que nous mesurons ici. Ce n'est pas sans rappeler des chiffres assez similaires – voire plus élevés – que nous enregistrions quand nous sondions les Français sur les démantèlements de campements de Roms (été 2010, été 2012). A chaque fois, les Français avaient le sentiment qu'on ne faisait que déplacer le problème et que les campements se recréeraient un peu plus loin. Pour ce qui est de Calais, on est sur le même mode de réflexion : on se dit que les causes sont très profondes, il y a une envie très puissante des migrants de se rendre en Angleterre et, démantèlement ou pas, nous aurons à faire face dans les mois qui viennent aux mêmes problèmes.

Compte tenu des résultats de votre sondage sur la question des réactions de l'opinion à l'égard de la création de centres d'accueil pour migrants, peut-on dire qu'il existe vraiment une solution politique idéale face à cet enjeu ?

Quand on sonde les Français sur les réactions d'oppositions localement mesurées à la création de centres d'accueil, on observe que 17% seulement des Français condamnent ces réactions hostiles, 45% qui les comprennent sans les approuver, et 38% qui les approuvent. On a donc une opinion publique qui est plutôt dans la compréhension, voire même dans l'approbation, de ces mouvements.

C'est problématique, car d'une part les Français doutent de la pertinence et de l'efficacité du plan gouvernemental pour régler le problème à Calais, d'autre part ils sont très compréhensifs ou en soutien des levées de boucliers qui se multiplient un peu partout sur le territoire face à la création annoncée de centres d'accueil.

Si ces manifestations locales mettent souvent aux prises anti-migrants et pro-migrants, dans l'opinion publique aujourd'hui, même si vous n'êtes pas concernés dans votre propre commune, il y a de la compréhension, voire du soutien à ces actions. Début septembre, on constatait que plus de 60% de Français étaient hostiles, d'une manière générale, à l'accueil de migrants. Dans ce climat-là, il n'est pas étonnant de constater une certaine bienveillance aux réactions hostiles à la création de centres d'accueil.

Par ailleurs, on constate évidemment un clivage gauche-droite sur cette question. A gauche, il y a une minorité plus importante qu'ailleurs qui condamne ces actions. Mais même au Front de Gauche et au Parti socialiste, l'attitude qui prévaut est la compréhension vis-à-vis de ces actions. A droite, on est partagé entre approbation et compréhension, mais l'approbation est majoritaire (52%). Au Front national, elle est encore plus forte.

Tout cela est cohérent avec ce que l'on constate sur le terrain. C'est souvent le FN qui est à la manœuvre localement (soit à l'initiative, soit en soutien), comme nous avons pu le voir récemment à Louveciennes ou ailleurs. Pour ce qui est de l'électorat de droite, le soutien majoritaire est là aussi cohérent avec la réalité du terrain. Certains élus locaux, mais aussi régionaux (Laurent Wauquiez ou Christian Estrosi par exemple), ont pris des positions très claires pour s'opposer au plan gouvernemental, soutenus en cela par une majorité de leur électorat.

On constate juste un petit décalage sur la dernière question, où la compréhension/approbation de cette prise de position d'élus est un peu moins forte que la compréhension/approbation de la prise de positions d'habitants. Un décalage assez logique, car on peut penser qu'une partie de la population dit comprendre une mobilisation de riverains, mais attend peut-être un peu plus d'exemplarité ou de hauteur de vue de la part de ses élus.

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