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25 ans plus tard, ça y est ! Les pays de l’ancien bloc communiste sont enfin heureux du passage à l’économie de marché
©Reuters

Enfin !

Voilà maintenant près de vingt-cinq ans que la transition vers l'économie de marché a été initiée dans les pays de l'ancien bloc communiste.Or ce n'est qu'aujourd'hui que les populations de ces pays s'estiment satisfaites des conditions de vie instaurées par cette transformation.

Jean-Marc Siroën

Jean-Marc Siroën

Jean-Marc Siroën est professeur émérite d'économie à l'Université PSL-Dauphine. Il est spécialiste d’économie internationale et a publié de nombreux ouvrages et articles sur la mondialisation. Il est également l'auteur d'un récit romancé (en trois tomes) autour de l'économiste J.M. Keynes : "Mr Keynes et les extravagants". Site : www.jean-marcsiroen.dauphine.fr

 

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Atlantico : Un récent rapport (voir ici) de la Berd (Banque européenne pour la reconstruction et le développement) révèle que 70% des habitants d'Asie centrale et 58% de ceux vivant en Europe centrale et orientale déclarent être aujourd'hui satisfaits de leurs conditions de vie. Dans quelle mesure ces chiffres témoignent-ils des bienfaits qu'a eu la transition vers l'économie de marché dans les pays de l'ancien bloc communiste ?

Jean-Marc Siroën : Il faut nuancer cet écart. Certains pays d’Asie centrale "surperforment" par rapport aux autres pays en transition. Il s’agit du Kirghizstan, du Tadjikistan et de l’Ouzbékistan. Ils sont enclavés, peu peuplés, agricoles. La transition ne fut que partielle. Il est donc difficile d’en tirer des conclusions généralisables d’autant plus que dans ces pays autoritaires les personnes interrogées peuvent craindre de s’exprimer sincèrement. Plus significativement, les chiffres de satisfaction les plus élevés et qui ont connu la plus forte augmentation depuis 2010 se retrouvent dans les ex-pays socialistes, qui ont adhéré à l’Union européenne ou qui sont candidats à l’adhésion. Ils ont dû se réformer en profondeur avec l’aide et les conseils de l’Union Européenne qui a été le fer de lance d’une transition douloureuse, mais finalement plutôt réussie. Les fonds européens ont largement contribué à la convergence des situations économiques et … des opinions. Les pays baltiques ou d’Europe centrale se comparent aujourd’hui à l’Italie ou à l’Allemagne. Plus que ces chiffres, ce sont les évolutions depuis 2010 qui sont à retenir. Elles montrent que, malgré la crise économique et les doutes sur l’intégration européenne, la satisfaction augmente dans les pays de l’Union européenne issus du bloc socialiste alors qu’elle tend à régresser dans les pays fondateurs. Remarquons également la contradiction qui existe entre cette amélioration de la satisfaction des citoyens constatée par l’étude et le comportement des électeurs qui plébiscitent des gouvernements nationalistes, eurosceptiques et de plus en plus autoritaires, comme le montre l’évolution de pays comme la Pologne, la Hongrie ou la Slovaquie. Tout se passe un peu comme si ces pays estimeraient aujourd’hui avoir tellement bien réussi leur transition, qu’ils pourraient se passer de l’Union européenne. Cela reste évidemment à prouver.

Il aura fallu près de vingt-cinq ans - depuis que les premières réformes visant à passer d'une économie planifiée à une économie de marché ont été initiées dans les pays anciennement communistes - pour que les habitants de ces pays estiment enfin leurs conditions de vie satisfaisantes. Comment expliquer que cela ait pris autant de temps ?

La transition économique impliquait notamment la liberté des prix, la privatisation et la maîtrise de l’inflation. Le rythme auquel les réformes devaient être mises en œuvre a opposé les "gradualistes" aux partisans de la "thérapie de choc" ? Ce dernier choix fut celui de la Pologne, de la Russie, de l’Ukraine ou de la République tchèque. Aujourd’hui, il n’apparaît pas clairement que la thérapie de choc, ait toujours permis d’accroître plus rapidement le niveau de satisfaction des populations. Si, en théorie, le contenu des réformes peut-être défini et formalisé très rapidement, dans les faits, certains choix peuvent avoir des effets durables négatifs. Ainsi, la privatisation russe a surtout permis l’émergence d’une nouvelle classe possédante et corrompue – les oligarques  peu susceptible d’emporter l’adhésion de populations qui dans le même temps perdaient la garantie de l’emploi et  la gratuité de services publics comme la santé ou l’enseignement. Ces années ne furent pas non plus des années faciles avec la crise de la dette des années 1990 qui obligera le FMI à intervenir dans certains pays, comme la Russie. Ajoutons que la transition économique devait s’accompagner d’une transition institutionnelle et politique. De ce point de vue, le résultat est encore une fois à nuancer.  Beaucoup de pays ex-socialistes restent très corrompus avec une caste dirigeante qui n’hésite pas à prendre ses distances avec l’état de droit et les libertés.  

Le rapport de la Berd met en évidence un phénomène en particulier : pendant que la satisfaction liée aux conditions et à la qualité de vie augmente dans les pays anciennement communistes, celle-ci diminue dans des pays européens ayant eux aussi connu des transitions (Grèce, Allemagne, etc.) mais où le salaire moyen est bien plus élevé que dans les anciens pays communistes. Comment s'explique cette insatisfaction croissante dans les pays avec lesquels les anciens pays du bloc communiste sont comparés ? Qu'est-ce que cela dit du rôle de l'argent dans les critères pris en compte permettant de juger des conditions de vie ?

Il est extrêmement difficile de comparer les transitions qui, de fait, ont plus ou moins réussi et sont plus ou moins longues. L’Allemagne de l’Est a bénéficié du soutien massif de l’Allemagne de l’Ouest et la plus grande insatisfaction ressentie entre 2010 et 2015-16 est très faible et peut aisément s’expliquer par la stagnation des salaires et une plus grande précarisation du travail qui doivent peu à la transition. De même, la régression d’autres pays témoins est la conséquence logique de la dégradation de la situation de ces pays suite à la crise de l’endettement qu’ont connu la Grèce ou l’Italie ou à la crise des pays émergents qu’affronte la Turquie qui, par ailleurs, se trouve aujourd’hui dans une situation d’instabilité.  

Le rapport de la BERD montre que l’influence du revenu par tête sur la satisfaction serait légèrement plus importante en 2015-2016 qu’en 2010. Mais cette relation tolère des écarts importants : l’Estonie qui dispose du même revenu par tête que la Grèce a néanmoins un niveau de satisfaction 3 fois plus élevé ! Ces écarts sont compréhensibles. La satisfaction des citoyens porte moins sur le niveau de leur revenu que sur leur évolution qui, de fait, a été très négative en Grèce. D’une manière générale, la comparaison des niveaux de satisfaction entre les pays n’a pas grand sens. C’est l’évolution dans chaque pays qui doit nous intéresser. Si on peut se réjouir de leur amélioration dans les pays ex- socialistes membres de l’Union Européenne, on ne peut que s’inquiéter de leur détérioration ou de leur bas niveau dans d’autres pays européens (Italie, Chypre,…), mais aussi dans de grands ex-pays socialistes comme la Russie, l’Ukraine, la Biélorussie, l’Azerbaïdjan, la Moldavie… 

Une des conclusions que l’on peut néanmoins tirer de l’étude est que la transition apparaît plus satisfaisante et a mieux progressé dans les pays qui ont fait le choix de l’Union Européenne.

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