Le vrai effet Benalla ? Seuls 24% des Français pensent que les responsables politiques traditionnels sont de meilleurs défenseurs de la démocratie et des institutions de leur pays que les dirigeants populistes (et seuls 22% qu’ils sont plus efficaces)<!-- --> | Atlantico.fr
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Le vrai effet Benalla ? Seuls 24% des Français pensent que les responsables politiques traditionnels sont de meilleurs défenseurs de la démocratie et des institutions de leur pays que les dirigeants populistes (et seuls 22% qu’ils sont plus efficaces)
©LUDOVIC MARIN / AFP

Exclusif

Dans ce sondage exclusif Ifop pour Atlantico, on apprend aussi que plus d’un Français sur deux pense que les médias en font suffisamment ou pas assez sur l’affaire Benalla.

 Ifop

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L'Ifop est un institut de sondages d'opinion et d'études marketing.

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Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Paul-François Paoli

Paul-François Paoli

Paul-François Paoli est l'auteur de nombreux essais, dont Malaise de l'Occident : vers une révolution conservatrice ? (Pierre-Guillaume de Roux, 2014), Pour en finir avec l'idéologie antiraciste (2012) et Quand la gauche agonise (2016). En 2023, il a publié Une histoire de la Corse française (Tallandier). 

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Atlantico : Seulement 22% des Français considèrent que les responsables politiques traditionnels sont plus efficaces que les dirigeants populistes, contre 51% qui les trouve aussi efficaces et 27% moins efficaces. Ne s'agit-il pas d'un coup d'arrêt majeur porté au "Nouveau Monde" d'Emmanuel Macron ?

Jérôme Fourquet : Ce n'est pas évident car on demande aux interviewés de juger sur la scène internationale et pas uniquement la scène nationale. On constate que la moitié des Français les jugent ni plus ni moins efficaces. Il y a deux éléments à retenir par rapport à ce que pense l'opinion des gouvernants populistes : il y a en creux une très forte interrogation, une défiance vis-à vis des gouvernants (populistes ou non), sur la crédibilité ou la confiance qu'on peut leur accorder pour prendre en charge les affaires du pays.

Il y a cette idée que « les politiques ne font plus tourner le monde », ce qui explique le fait que la balle soit mise au centre. Et, deuxième constat parmi ceux qui considèrent que le politique peut encore faire des choses, les jugements sont assez partagés. Ce que l'on a appelé la vague populiste à travers le monde et que l'on a constaté aussi chez nous est toujours présente. 22% des Français estiment qu'un leader populiste obtient des résultats plus efficaces que les dirigeants classiques.

L'autre question est de savoir si, dans l'affaire Benalla, on en a fait trop ou pas assez. Quand on regarde le jugement que portent les Français vis-à-vis du traitement médiatique de cette affaire, 49% des sondés estiment qu'au terme de plus d'une semaine en traitement non-stop que les médias en ont trop fait. Seulement 19% pensent que les médias n'en ont pas assez fait et 33% suffisamment. Le pays sur cette question est coupé en deux, avec tout de même une majorité qui estime que les médias en ont trop fait.

Sur le traitement réservé à l'affaire par l'opposition, les résultats sont plus nuancés avec une part significative des Français (28%) qui estiment que l'opposition n'a pas été assez « mordante », un jugement particulièrement prononcé parmi l'électorat RN (52%) et dans l'électorat de LFI (41%). On retrouve là les deux pôles les plus virulents face au macronisme et on s'attendait à ce qu'ils en fassent davantage.

Cela peut permettre d'expliquer que l'impact de l'affaire sur l'image d'Emmanuel Macron ne va peut-être pas être si massif que cela. Ou alors il sera circonstancié à quelques traits particuliers de l'image du président. Nous ne sommes clairement pas à la veille d'un décrochage massif de sa cote de popularité dans l'opinion. Ipsos avait crédité d'une baisse de 4 points. Ce n'est pas rien, mais ce n'est pas massif non plus. Ce sera une affaire sérieuse qui laissera des traces et viendra fragiliser certaines dimensions de la popularité de Macron mais qui ne sera pas un tournant majeur du quinquennat.

Paul-François Paoli : Emmanuel Macron n’a pas seulement commis une grave erreur en évoquant voici quelques semaines la « lèpre populiste », il a aussi commis une faute car il a insulté des millions d’électeurs. Du reste, de quoi parle-t-on quand on évoque le populisme ? Le propre du populisme est précisément d’être difficilement définissable car tout populisme draine des aspirations contradictoires ou incompatibles comme on le voit avec la Ligue ou le Mouvement 5 étoiles en Italie. Ce qui fait la force d’un populisme c’est aussi sa faiblesse. Mais ce qui est sûr, c’est que le refus du « nouveau monde » incarné par certaines élites, un monde branché et dénationalisé, dominé par l’impératif du marché mondialisé se heurte à des refus viscéraux et massifs dans tous les segments de la population et pas seulement dans les classes populaires. Personnellement, si je pense que nous vivons indéniablement un « moment populiste »,  le populisme ne peut constituer un programme. Nonobstant, il est indéniable que le populisme n’est pas antidémocratique, puisqu’il postule le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. Rien dans le principe n’est antinomique avec cette conception, il suffit de lire ou relire Machiavel pour s’en rendre compte.

L'affaire Benalla semble avoir particulièrement entamé la cote du Président. 10 points de moins pour les Français qui considèrent qu'il sait où il va, 9 points de moins sur son honnêteté, et 2 points de moins sur sa proximité des préoccupations des Français avec seulement 28% d'avis favorables (par rapport à avril 2018). Peut-on lire une remise en cause directe du rôle du Président ?

Jérôme Fourquet : On s'aperçoit que sur certaines dimensions importantes de la stature présidentielle, il reste fort comme sur son autorité, où les Français sont encore d'accord à 69%, soit juste une baisse de 4 points. Sur l'affirmation « Il défend les intérêts de la France » même s'il perd 5 points, il reste encore à 50%, Sur ces dimensions-là, la baisse est contenue. En revanche sur certaines dimensions le recul est clair. Sur l'honnêteté, par exemple, où l'on perd 9 points. Avec le recul, on voit que sur cette dimension d'honnêteté il était stable depuis plus d'un an. Sur la sincérité, on note une baisse de six points et sur l'affirmation du cap et de la cohérence, un recul de 10 points par rapport à avril 2018. L'affaire Benalla va donc laisser des traces mais peut-être pas autant que ce que l'on aurait pu penser.

Paul-François Paoli : Cette affaire Benalla me semble exagérément gonflée par les médias, même si elle n’est évidemment pas sans importance. Elle témoigne sans doute bien plus d’une forme de légèreté que de volonté occulte. L’attitude de Macron n’a sûrement pas été irréprochable, mais l’affaire Benalla n’est sûrement pas l’affaire Ben Barka. Le Général de Gaulle a couvert des pratiques parapolicières très douteuses, notamment celles du SAC (Service d’Action Civique). Mais qui lui en fait reproche aujourd’hui ? Quand on voit la violence d’un Mélenchon, qui invoque à tout propos les mânes de la République à propos de Benalla, on est effaré devant tant de mauvaise foi. Comment se personnage, qui voue un culte à François Mitterrand, lequel logeait sa fille dans les palais de la République peut-il donner des leçons de vertu !

Dans le même temps votre sondage montre une critique généralisée de l'opposition comme des médias. Qui sors gagnant de cette période de trouble ?

Jérôme Fourquet : On pourrait parler de demi-victoire pour l'opposition, puisqu'elle a réussi à mettre en difficulté Emmanuel Macron. Déplacement sur le tour de France annulé, réforme constitutionnelle ajournée... On voit grâce à notre sondage que certaines dimensions de l'image de notre président ont été affectées. C'est tout de même une demi-victoire pour l'opposition mais on voit que même si cette dernière avait pris l'ascendant et imposé le tempo, autant depuis la prise de parole très cadrée de Macron devant ses parlementaires, on dirait que l'Elysée a repris la main et a engagé la contre-offensive. C'est peut-être pour cela que la baisse n'est pas plus importante d'ailleurs. Cela montre aussi que médias comme politiques sans doute en ont trop fait pour une partie des Français en lieu et place de traiter d'autres problématiques. Du coup, la méfiance va se renforcer à la suite de cet épisode. En ce sens tout le monde est perdant.

Paul-François Paoli : Personne n’est gagnant dans cette affaire.  Les Français aspirent à l’efficacité de l’Etat, mais ils refusent que celui-ci assume sa vocation régalienne, notamment au niveau de la répression. On a l’impression en écoutant certains que Benalla a commis un crime contre l’humanité lors de cette manifestation du 1er mai! Les Français sont un peuple de pleurnichards. Ils veulent la sécurité dans les rues, mais dès qu’un policier bouscule un manifestant, il sort son mouchoir. Laetitia Strauch-Bonnart évoque dans son dernier livre, L’homme est-il obsolète un déclin manifeste de la virilité en Occident. J’ai défendu la même hypothèse dans La Tyrannie de la faiblesse (François Bourin) il y a quelques années. Si nous ne pouvons plus supporter la moindre violence de la part de l’Etat, sous prétexte que toute violence génère des victimes, alors il faut tout accepter : l’insécurité dans les rues, l’immigration incontrôlée et la fin de l’Etat régalien dans les quartiers nord de Marseille et la Seine-Saint-Denis. Le problème des Français est qu’ils sont sécuritaires tout en étant individualistes libertaires. 

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