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1961 : pourquoi le putsch d'Alger de militaires français contre la politique du général de Gaulle a échoué
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Bonnes feuilles

Dans la nuit du 21 au 22 avril 1961, André Zeller, ancien chef d’état-major de l'armée de terre, participe au coup d'Etat d'Alger avec les généraux Challe et Jouhaud, bientôt rejoints par le général Salan. Ce coup de force vise à maintenir l'Algérie dans la République française. Le 23 au soir, le général de Gaulle apparaît en uniforme à la télévision. Ses formules choc donnent un coup d'arrêt à l'opération. Le 6 mai à Alger, André Zeller se met à la disposition de l'autorité militaire. Incarcéré à la prison de la Santé, il est condamné à 15 ans de détention et à la privation de ses droits civiques par le haut tribunal militaire. Transféré à la maison centrale de Clairvaux puis à la prison de Tulle, il est libéré par décret du président de la République le 13 juillet 1966, à 68 ans. Extrait de "Journal d'un prisonnier", aux éditions Tallandier.

André Zeller

André Zeller

Ancien chef d’état-major de l’armée de terre, André Zeller a participé au coup d’État d’Alger avec les généraux Challe et Jouhaud. Le 6 mai à Alger, il se met à la disposition de l’autorité militaire. Incarcéré à la prison de la Santé, il est condamné à 15 ans de détention criminelle et à la privation de ses droits civiques par le haut tribunal militaire. Transféré à la maison centrale de Clairvaux puis à la prison de Tulle, il sera libéré par décret du président de la République le 13 juillet 1966, à l’âge de 68 ans.

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Dès leur arrivée dans la nuit du 20 au 21 avril 1961 débute pour les deux généraux, embarqués dans une aventure dont ils ne maîtrisent ni les tenants ni les aboutissants, la série de déceptions qui va conduire à l’échec de leur action. Alors qu’ils s’attendaient à prendre immédiatement la direction des opérations, le général Challe comme commandant en chef des forces militaires, le général Zeller comme responsable de la vie quotidienne et des approvisionnements d’une Algérie provisoirement coupée de la métropole (Jouhaud et Salan étant chargés des rapports avec la population), leur avion, après s’être posé à l’aéroport de Maison- Blanche, repart pour Blida. Ils y passent la nuit dans l’appartement d’un parachutiste, avant d’être conduits dans une villa de la banlieue d’Alger où ils prennent connaissance du plan établi par les capitaines et commandants qui ont préparé sur place le coup de main. La journée du 21 avril, qui devait être celle de la mise en oeuvre du mouvement, est une journée de conciliabules entre officiers qui, avant de prendre parti, tiennent à s’assurer de la réalité de la présence des généraux. C’est ainsi que Challe doit s’employer à convaincre le commandant Hélie Denoix de Saint Marc, qui commande par intérim le 1er régiment étranger de parachutistes, de participer au mouvement alors que cette unité est la clé de voûte de l’opération prévue sur Alger. Il en va ainsi pour de nombreux officiers qu’on disait gagnés au coup de main. D’autre part, Challe et Zeller constatent que bien des hommes qui s’étaient déclarés très favorables au putsch se sont éclipsés, découvrant l’urgence d’une inspection au Sahara, d’un voyage impossible à remettre, d’une permission indispensable. Les deux généraux touchent du doigt une réalité qu’ils n’avaient pas envisagée. S’il est peu douteux que la très grande majorité des cadres militaires sont partisans du maintien de l’Algérie dans l’ensemble français, il ne s’ensuit pas pour autant que tous envisagent pour y parvenir de se placer dans l’illégalité au risque de mettre en jeu leur carrière, tout du moins tant qu’il n’est pas certain que les putschistes l’emportent.

Or dans la journée du 21 avril, alors que les tractations se poursuivent, les autorités civiles et militaires sont alertées et des dispositions sont prises pour s’opposer à la tentative. Néanmoins, dans la nuit du 21 au 22 avril entre 2 et 5 heures du matin, le 1er REP venu de Zéralda sous le commandement de Denoix de Saint Marc et les commandos parachutistes du commandant Robin s’emparent des points stratégiques d’Alger et de sa banlieue sans rencontrer de résistance. Pendant que des troupes venues de Tébessa, de Philippeville, d’Aumale convergent vers Alger, le commandant en chef, le général Gambiez, et le délégué général Jean Morin sont arrêtés par les insurgés. Au matin du 22 avril, Alger est aux mains des putschistes. À 6 heures, Challe et Zeller s’installent au quartier Rignot, siège de l’état- major interarmes. En apparence, le coup de force a réussi.

Toutefois, Alger n’est pas toute l’Algérie et l’espoir caressé par Challe et Zeller de voir les différents commandants de zones et de corps d’armée se joindre au mouvement va se trouver démenti. C’est que les mutations opérées en Algérie après la semaine des barricades ont conduit au remplacement des généraux les plus notoirement favorables à l’Algérie française par des hommes plus proches du pouvoir, plus disciplinés ou plus soucieux de leur carrière. Aussi les nouveaux maîtres d’Alger se heurtent- ils à des refus nets, des dérobades, des atermoiements. Zeller lui- même ne peut prendre les fonctions qui lui ont été confiées et doit passer la journée du 23 avril, à la demande de Challe, à convaincre le général Gouraud. Celui-ci, ancien major général de Zeller, commandant du corps d’armée de Constantine, s’était dit très favorable au mouvement. Mais, après la visite du général Olié, resté fidèle à de Gaulle, il change d’avis et se déclare loyal au gouvernement. Zeller se rend alors à Constantine, bien que Gouraud ait souhaité qu’il ajourne sa visite, et il doit exercer sur lui une forte pression pour finir par arracher littéralement sa signature au bas d’un document attestant qu’il se place aux ordres de Challe.

Pendant que Challe tente d’obtenir les ralliements nécessaires, Zeller prend contact les 23 et 24 avril avec les responsables des services de la Délégation générale pour connaître le bilan des ressources de toute nature afin que l’Algérie, séparée de la métropole, puisse vivre en autarcie le plus longtemps possible. Les directeurs de services refusent de donner leur signature et leur collaboration directe, mais acceptent de mettre leur personnel à la disposition des généraux.

Les choses n’iront pas plus loin. L’opération était fondée sur l’idée que le gouvernement, comme l’avait fait celui de la IVe République en mai 1958, entrerait en négociation avec les nouveaux maîtres d’Alger. C’était confondre les régimes. Au défi lancé par les généraux à son autorité, le général de Gaulle répond le 23 avril à 20 heures par un discours radiotélévisé d’une grande fermeté, prononcé en uniforme. En quelques termes méprisants, il condamne l’entreprise des généraux : « Un pouvoir insurrectionnel s’est établi en Algérie sur la base d’un pronunciamiento militaire… Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de généraux en retraite. Il a une réalité : un groupe d’officiers partisans ambitieux et frénétiques. Ce groupe et ce quarteron possèdent un savoir- faire expéditif et limité… Leur entreprise conduit tout droit à un désastre national. » Viennent ensuite les ordres sans réplique qui attestent que le chef de l’État n’a pas la moindre intention d’entrer en discussion avec les putschistes : « Au nom de la France, j’ordonne que tous les moyens, je dis tous les moyens, soient employés pour barrer partout la route à ces hommes- là, en attendant de les réduire. J’interdis à tout Français, et d’abord à tout soldat, d’exécuter aucun de leurs ordres. » Et pour faire bonne mesure, le général de Gaulle décide de faire jouer l’article 16 de la Constitution qui, en cas de crise grave, lui permet de prendre des mesures exceptionnelles.

Dès le 24 avril, les effets de cette fermeté se font sentir. Les hésitants se montrent désormais fermés à toute velléité de ralliement, les attentistes, qui, sans s’engager, ont laissé leurs subordonnés rejoindre le mouvement, rappellent leurs unités en route pour Alger, les légalistes campent sur leurs positions. Lorsque, dans l’après- midi du 24, les quatre généraux apparaissent au balcon du gouvernement général, les acclamations de plusieurs dizaines de milliers d’Algérois dissipent difficilement l’anxiété qui les étreint à l’idée que, loin de s’étendre à l’ensemble de l’armée d’Algérie, le putsch est en train de s’essouffler. Le 25, dans l’après- midi, tout est joué. Challe fait connaître à ses trois collègues qu’en raison de l’inertie par laquelle la grande majorité de l’armée a accueilli le soulèvement, il considère que celui- ci a échoué et, en conséquence, qu’il a décidé d’y mettre fin, de se livrer aux autorités et d’assumer la responsabilité entière du mouvement. Pendant que Salan et Jouhaud décident de continuer le combat pour l’Algérie française en plongeant dans la clandestinité, Zeller, hésitant sur la conduite à suivre, se met en civil et se réfugie chez son beaufrère, puis dans un couvent. Il y apprend que le 26 avril un mandat d’arrêt a été délivré contre lui pour « usurpation et rétention illégale d’un commandement militaire, organisation et direction d’un mouvement insurrectionnel, fourniture d’armes, munitions, instruments, subsistances et intelligence avec les Directeurs ou commandants de ce mouvement7 ». Le 6 mai, après avoir appris l’arrestation du général Gouraud que son intervention a conduit à rallier le putsch, André Zeller décide à son tour de se livrer aux autorités. Transféré à Paris, il est incarcéré à la Santé où la procédure d’instruction débute le 10 mai. Sur rapport du Premier ministre Michel Debré, du ministre des Armées Pierre Messmer, du garde des Sceaux ministre de la Justice Edmond Michelet, un décret du président de la République le défère le 20 mai 1961, ainsi que les trois autres généraux du « quarteron », devant le haut tribunal militaire créé le 27 avril 1961 afin de juger les responsables du putsch.

Extrait de Journal d'un prisonnier, André Zeller, aux éditions Tallandier, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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