"Révolution" de l'impression 3D sur les objets qui ne sont pas en vente libre : va-t-il devenir impossible de contrôler les objets dangereux? <!-- --> | Atlantico.fr
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Un pistolet à un coup de calibre 380 (9mm) en plastique peut être fabriqué par des imprimantes 3D.
Un pistolet à un coup de calibre 380 (9mm) en plastique peut être fabriqué par des imprimantes 3D.
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NRA's dream

Véritable révolution technologique, l'impression 3D, en s'améliorant, remet en cause toujours plus profondément notre mode de vie, de consommation et de production. Mais lorsqu'elle s'attaque à la production d'armes à feu, la question d'une législation globale se pose.

Guilhem Peres

Guilhem Peres

Guilhem Peres est gérant de eMotion Tech.

eMotion Tech a pour vocation de démocratiser le matériel de prototypage rapide et plus particulièrement d’impression 3D.

Via la plateforme prototypage-3d.com, eMotion Tech est distributeur de solutions de prototypage rapide destinées principalement aux PME/TPE.

Via son site http://www.reprap-france.com eMotion Tech est également fournisseur de kits open source et open hardware destinés aux particuliers et aux écoles.

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Atlantico : Dans une vidéo publiée sur son site Internet, l'association Defense Distributed présente le "Liberator", un pistolet à un coup de calibre 380 (9mm) en plastique, qui peut être fabriqué par des imprimantes 3D, en assemblant différentes pièces. Defense Distributed compte mettre en place une plateforme sur Internet permettant de partager les fichiers nécessaires à la confection de l’arme. Concrètement, même avec les fichiers nécessaires disponibles sur la toile, quand et comment un internaute lambda sera-t-il en mesure de construire rapidement un tel objet ?

Guilhem Peres : Pour le moment, la fabrication d’une arme à l’aide d’imprimantes 3D tient encore de la prouesse technique requérant de larges connaissances dans divers domaines, (CAO, mécanique, balistique…) ainsi que des moyens financiers pour l’acquisition de matériel suffisamment précis pour ce type d’objets. Néanmoins, de plus en plus de personnes s’équipent, la technologie évolue rapidement, la mise en œuvre se simplifie et le prix tire visiblement vers le bas.

Suite à la mise en ligne des fichiers (modèles 3D), je serais tenté de répondre qu’à ce-jour, il existe déjà, y compris en France, plusieurs milliers d’utilisateurs équipés et capables techniquement de réaliser ce genre d’objets en quelques heures d’impression. Le site du lobby pro-arme Defense Distributed est à l’heure actuelle indisponible, mais je ne serais pas étonné de voir dès demain fleurir sur les forums spécialisés les premières expérimentations.

Sans s’alarmer, il est nécessaire de relativiser la nouvelle, à deux égards :

  • La portée technique de l'événement reste très limitée, pas de découverte ou de réalisation impressionnante, mais un travail de modélisation certes habile mais à la portée de beaucoup. Pour l’occasion, on a tendance à croire que du fait de la technologie il sera aisé pour n’importe qui de fabriquer une arme avec une imprimante 3D, en réalité ce qui est remarquable, c’est que des gens soit parvenu à modéliser quelque chose s’en approchant même avec un résultat approximatif.
  • On trouve très facilement sur Internet un florilège de sites offrant du contenu sur les méthodes de fabrication d’énormément d’éléments dangereux : bombes, gaz, fusils… celui-ci vient s’ajouter à cette liste noire mais dont l’impact est relativement limité.

Defense Distributed a lancé une campagne de financement participatif pour un moteur de recherche de fichiers d'impression 3D. Quels autres objets dangereux pourraient être fabriqués par une imprimante 3D ? Techniquement, jusqu’où cette technologie peut-elle aller ?

Pour répondre à la question des capacités techniques des imprimantes 3D, il est nécessaire de préciser qu’il existe une grande diversité de technologies, chacune utilisant des consommables aux propriétés physiques différentes. Selon le type d’objet, sa technicité, ou l’usage pour lequel il est prévu, telle ou telle type d’imprimante ne fera pas l’affaire. Le « Liberator » tel qu’il est conçu, demeure peu fiable, dangereux pour celui qui l’utilise autant que pour sa cible, mais surtout à usage unique du fait de la matière dont il est constitué. Il ne faut pas perdre de vue le fait qu’il s’agit là de matériel de prototypage. En ce sens, il ne permet pas de faire de la production de série utilisable, mais des pièces dont la forme correspond exactement aux modèles imaginés. Techniquement, selon le matériel, tout ce que vous pouvez imaginer et modéliser peut-être imprimé mais pas nécessairement utilisé, surtout pas dans le cas des contraintes physiques appliquées aux différentes parties d’une arme.

A la question de ce qui peut-être fabriqué de dangereux, je vous répondrais qu’au même titre qu’un tour-fraiseur, une boîte à outils, un couteau suisse, qui sont d’autres outils répandus dans le commerce, vous pouvez fabriquer des choses dangereuses.

La mise en ligne d’une plate-forme communautaire sur ce thème est beaucoup plus problématique, on connait par expérience la vitesse d’évolution et de développement de ces supports participatifs (dans un registre différent mais néanmoins polémique, The Pirate Bay profite d’un manque de normalisation internationale et fourni un référencement de fichiers tendancieux). Ce genre d’initiative consternante relève dans ce cas de questions politiques internes aux Etats-Unis. L’aspect médiatique mis à part, il est peut-être plus judicieux de réfléchir aux raisons de la violence dans la société, la régulations du marché des armes dans les pays développés, plutôt qu’à un outil dont l’usage est détourné.

Une pièce de métal de trois centimètres est obligatoire pour que l'arme soit en conformité avec la loi américaine, et donc détectable par les portillons de sécurité. Cette mesure suffira-t-elle à contrôler efficacement l’arme ?

Le percuteur reste en métal pour des raisons de sécurités aux portiques des aéroports, mais aussi parce que les imprimantes 3D pour des questions de matières utilisées, ou de coût ne permettent pas de réaliser cet élément aisément. Si l’on suit une logique alarmiste sur l’outillage, les fraiseuses devraient également être incriminées puisqu’elles permettent de travailler bien plus de matériaux et sont beaucoup plus répandues.

Dans tous les cas, au faible niveau de complexité de ces armes imprimées, on verra rapidement apparaître des percuteurs « do it yourself » fabriqués à partir de quincaillerie usuelle. Bien qu’il ne soit pas dans l’intérêt de Defense Distributed de violer la loi fédérale américaine, les créateurs du modèle ont ouvert la boîte de Pandore. Le plus difficile restant de concevoir les éléments mobiles. Cette mesure ne reste valable que si les gens qui fabriquent des armes les respectent. Je doute fortement qu’elle permette une quelconque régulation, ou contrôle sur de personnes mal intentionnées.

Dans ce cas-là, une fois que les plans pour la confection de l’arme seront en ligne, comment pourra-t-on contrôler la prolifération d’un tel objet dangereux ? Est-il possible que les plans de cette arme servent de base pour la confection d’autres armes, plus sophistiquées et dangereuses ?

Régulation ou contrôle, il est très difficile dans le contexte économique mondialisé et de par la nature décentralisée d’Internet d’envisager une législation internationale sur le sujet qui unifierait le contexte juridique entourant la fabrication la commercialisation et l’usage des armes.

De quelles solutions disposons-nous alors ?

  • Interdire la diffusion de ce type de fichiers et faire la guerre aux plateformes et sites proposant le téléchargement direct ou même des liens utilisateur à utilisateur ? Cette méthode déjà employée dans la protection de la propriété intellectuelle ne montre guère de résultats à long termes, techniquement et juridiquement trop complexe quand certains pays n’ont pas les mêmes considérations.
  • Interdire l’édition de fichiers permettant la fabrication et prohiber le port d’armes dans les pays ou la législation est la plus tolérante ? C’est là l’origine de cet événement dans un contexte politique américain tendu, il s’agit de réviser un des droits fondamentaux devenu « exception culturelle » parmi les démocraties occidentales. Mais c’est aussi la question de la liberté intellectuelle de création, quand est-ce qu’un fichier devient dangereux, qui en juge, quelle juridiction…

Il est compliqué techniquement et juridiquement de trouver un modèle de contrôle qui s’applique sur Internet sans verser dans la surveillance abusive ou dans la procédure internationale interminable et stérile.

Quand à une dérive plus dangereuse, elle reste improbable dans la mesure où existent d’autre méthodes de fabrication plus simples moins onéreuse avec des résultats bien plus probants.

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