"Phoolan Devi, Reine des bandits" : une grande BD<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
"Phoolan Devi, Reine des bandits" : une grande BD
©Culture-Tops

Atlanti-Culture

Nicolas Autier pour Culture-Tops

Nicolas Autier pour Culture-Tops

Nicolas Autier est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
Voir la bio »

BANDE DESSINEE

Phoolan Devi, Reine des bandits
de Claire Fauvel
Ed. Casterman 2018
224 p.
22 €

RECOMMANDATION

EN PRIORITE

THEME                         

Phoolan Devi naît en 1963 au Nord de l’Inde, dans la province de l’Uttar Pradesh. Membre de la communauté des Mallahs, celle des paysans et des pêcheurs, elle appartient à la caste des shudras, soit le plus bas niveau de l’immémoriale hiérarchie qui régit la société indienne. Dans ce monde où il est dit « qu’une famille heureuse possède quatre garçons et une fille », elle est destinée à « servir les riches » sans protester, et à épouser un mari choisi par ses parents.

Mais Phoolan Devi refuse de se plier à l’injustice des règles de la tradition. Curieuse, elle se demande « à quoi ressemble le monde au-delà de [s]on village ». Rebelle, elle se dresse toute jeune contre cette société qui autorise son cousin à abattre l’arbre planté par son grand-père, la privant ainsi de l’argent de la dot de son mariage, et humiliant son Buppa (Papa) et son Amma (Maman).

Effrayée par sa différence, sa communauté essaie de la faire rentrer dans le rang. Par la violence physique, que les riches peuvent utiliser impunément. Par un mariage à 11 ans, avec un homme de trois fois son âge, qui la fait dormir dans une étable, la bat, la viole. Par le poids de l’indignité attachée aux femmes divorcées que l’on fait peser sur elle après que son Amma l’ait « rachetée » à son tourmenteur. Par un emprisonnement sur la base de fausses accusations, pendant lequel elle est à nouveau battue et violée.

A 17 ans, Phoolan Devi est « enlevée » par des Dacoïts, bandits de la vallée de la Chambal. Elle deviendra « Reine des Bandits », chef de bande à la popularité légendaire chez les plus défavorisés, avant d’être élue à deux reprises au Parlement Indien… alors qu’elle ne sait ni lire, ni écrire.

POINTS FORTS

Il y a cette femme qui refuse dès son plus jeune âge la fatalité d’un double déterminisme religieux et social, basé sur un patriarcat interdisant aux femmes toute possibilité d’émancipation, et cherchant à figer l’Inde dans l’immuable système des castes.

Phoolan Devi n’est pas allée à l’école. Elle ignore tout des combats que les femmes mènent ailleurs dans le monde. Et pourtant, dans une synchronicité déconcertante, par-delà les pays, les cultures, les niveaux de vie et d’éducation, elle engage la même lutte, comme si elle ressentait instinctivement l’insupportable et l’injustice du sort réservé aux femmes dans la société indienne.

Il y a le parti pris de l’auteur de présenter Phoolan Devi dans son entièreté, ses contradictions, ses failles, sa violence, sa cruauté peut-être, évitant ainsi la facilité de l’hagiographie.

Il y a le récit fait à la première personne par Phoolan Devi elle-même, dans une langue simple, qui se contente de rapporter de la façon la plus factuelle possible, presque détachée, les grands moments de sa vie. L’auteur nous laisse ainsi la liberté d’apprécier, au regard de nos propres valeurs, la force de ce parcours.

Il y a le dessin de Claire Fauvel. Son aspect « naïf », qui semble plus adapté à un conte pour enfants qu’à un récit dramatique, est de prime abord déroutant. En réalité, la simplicité du trait, qui vient poser les choses sur le papier dans une forme d’épure graphique, sert magnifiquement le propos de l’album en lui offrant l’espace nécessaire pour prendre toute sa dimension.

POINTS FAIBLES

L’album est centré sur les années de jeunesse et de banditisme de Phoolan Devi. Il nous permet ainsi de la suivre pendant ses combats « dans la jungle ». Mais ne nous autorise pas à l’accompagner dans son combat « dans la cité » pour faire entendre « les voix des plus démunis. Les pauvres, les Musulmans, les basses castes, les femmes… ».

EN DEUX MOTS

Il faut lire Phoolan Devi, pour mesurer la détermination et la force immenses qu’il a fallu à une enfant devenue femme pour se dresser, quel qu’en soit le prix, contre une injustice fondamentale et séculaire ;

Pour la découverte « musclée » de l’Inde, de sa société, de son histoire… et pour l’envie d’en savoir plus une fois l’album refermé ;

Parce qu’on ne sort indemne d’une telle lecture.

UN EXTRAIT

L’AUTEUR

Née en 1988, Claire Fauvel fait partie des jeunes auteurs de BD qu’elle a rejoints en 2015 avec la publication de son premier album Une saison en Egypte, éd. Casterman. Après avoir étudié l'illustration à l'école Estienne et le cinéma d'animation à l’école des Gobelins, Claire Fauvel avait d’abord travaillé comme décoratrice de série animée. En 2017, elle publie son deuxième album aux éditions Rue de Sèvres, La Guerre de Catherine, sur un scénario de Julia Billet, auteur du roman du même nom. Elle reçoit pour cet album le prix Jeunesse au festival d'Angoulême 2018 ainsi que le prix Artémisia de la fiction historique 2018. Phoolan Devi est son troisième album.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !