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"Petit crapahut dans le parler de Kaamelott à l'usage des pégus et du gratin" : "pignoufs", “sagouin", "branquignol", "cagade", "picoler" Stéphane Encel
"Petit crapahut dans le parler de Kaamelott à l'usage des pégus et du gratin" : "pignoufs", “sagouin", "branquignol", "cagade", "picoler" Stéphane Encel
©MARTIN BUREAU / AFP

Bonnes feuilles

Stéphane Encel publie « Petit crapahut dans le parler de Kaamelott à l'usage des pégus et du gratin » chez Le Passeur éditeur. Pour la première fois, un guide réunit et explique l'argot de Kaamelott. Indispensable pour tous les accros de la série qui veulent se replonger dans ses dialogues truculents et hilarants. Extrait 2/2.

Stéphane Encel

Stéphane Encel

Stéphane Encel est Docteur en histoire des religions (Paris IV), auteur et conférencier. Il a publié Les Hébreux, en 2009, chez Armand Colin, et enseigne, notamment à l'ESG Management School, la culture générale ainsi que les inter-culturalités religieuses.

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Branquignol

— Moi d’mon côté j’avais parié que vous étiez trop branquignol pour savoir ce qui était à vous ou pas… J’vois que j’ai encore tapé juste !

[Dagonet et le cadastre, Loth, L. IV]

« T’es branque ! » J’adore ! C’est efficace pour nos contemporains, et assez désuet pour créer un effet de style ! La suffixation « ignol », plutôt rare, lui donne une connotation plus rigolote que violente, probablement par l’analogie avec « guignol* »… Ce qui évoque, par ailleurs, le nom de l’un des trois Pieds nickelés, Croquignol ! Le branquignol est tout sauf sérieux, et, sans être très méchant, il peut s’adonner à de petits vols, dans des branquignolages… C’est la comédie potache de Robert Dhery qui donna aux Branquignols leur lettre de noblesse, en 1949, en faisant intervenir la joyeuse troupe du même nom, qui officia des années 1940 aux années 1970 : y sévirent des chanteurs, des comédiens, bref des troupiers, comme Lefebvre, Carmet, Dax, de Funès, Serrault, Maillan, Tornade… Bichant*, non ?

Cagade

— Attention quand même, Lancelot il a voulu essayer, et bonjour la cagade.

[L’Épée des rois, Perceval, L. V]

— Si j’me fais caguer à replanter Excalibur dans le rocher, c’est pour que tout le monde essaie.

[Perceval de Sinope, Arthur, L. V]

Quand vous avez une première syllabe en « ca », c’est parfois ou souvent le signe que ça tournera scato… La cagade est la version méridionale, encore bien usitée, du fameux « merdier » national, et le verbe qui s’y rapporte est « caguer »…

Calancher

— Par contre, vous êtes sûr ? Je vais pas lui annoncer qu’il est sauvé s’il calanche dans les cinq minutes !

[L’Aveu de Bohort, Arthur, L. III]

— Mon père il est calanché depuis longtemps.

[Arthur, Haunted, L. I]

— Il y a toujours un léger mieux avant de calancher.

[La Blessure mortelle, Morgane, L. I]

— Les druides me donnent gagnant pour calancher dans les trois jours.

[Dies Irae, Arthur, L. VI]

Du grand classique, qui vient du verbe caler (« s’arrêter, faiblir »), du sens maritime « abaisser la voile d’un bateau », auquel on a ajouté le  suffixe « ancher », peut être sous l’influence d’un mot comme flancher ; la sonorité de la première syllabe, comme dans « caner », est définitive, tranchante comme la mort. Et pour « calanche », les deux syllabes et la sonorité finales marquent une sorte de naufrage, le « che » adoucissant et allongeant le « ca ».

Enfoiré

— Tous les enfoirés d’en face, on s’les prend à deux, si vous voulez.

[Les Volontaires, II, Karadoc, L. II]

— C’est des enfoirés ces chefs de clan !

[Le Complot, Perceval, L. II]

Si foirer, c’est avoir la diarrhée, l’enfoiré est celui qui en est souillé… Faut-il développer ? Bien sûr, parce que Coluche en a fait un usage multiple et bon enfant, à tel point que beaucoup d’artistes se sont regroupés sous cette bannière, pour une noble cause, et qu’un rap[1]peur récent a pris ce surnom, pour une cause de moi inconnue…

Picoler

— Dès qu’un clodo* vient nous taper deux ronds pour picoler, on tient une piste…

[En forme de Graal, Léodagan, L. I]

— À chaque fois que j’vais à un baloche*, je picole, je discute, trois mois après y a toujours un type qui débaroule* avec sa fille.

[La Coccinelle de Madenn, Perceval, L. I]

— Ça va, je picole pas souvent !

[L’Ivresse, Lancelot, L. II]

— Un maléfice ? Mais qu’est-ce que vous déconnez, seigneur Bohort, vous avez picolé ?

[Hollow Man, Guenièvre, L. III]

— Vous êtes sûr qu’ils picolent pas, vos espions ?

[Tous les matins du monde, première partie, Séli, L. IV]

— Chez nous c’est pas interdit de picoler pendant les réunions !

[L’Épée des rois, Karadoc, L. V]

— Vous croyez pas qu’il y a plus urgent à régler que la picolade ?

[Arturi Inquisio, Séli, L. VI]

Le pic(c)olo étant un « petit vin aigrelet » et une « petite flûte traversière » – d’où le joli mot de « flûter », pour « boire » –, picoler, et le déverbal (j’adore ce terme) picole se laissent entrevoir plus facilement ; d’autant plus facilement qu’il y aurait comme une omniprésence de la picolade, du (mauvais) vin et de la soûlerie dans l’univers kaamelottien…

Pignouf

— Ils préfèrent rester bosser plutôt que de sortir et se faire capturer par des pignoufs dans votre genre !

[Les Affranchis, Arthur, L. III]

— Vous êtes un pignouf, c’est tout !

[La Blessure mortelle, Morgane, L. I]

— Un pignouf avec des grelots accrochés aux pompes*…

[À la volette, Arthur, L. I]

— Si on apprend que je colle des pignoufs même pas chevaliers à la Table ronde, demain j’ai la moitié de la Bretagne aux miches*…

[L’Adoubement, Arthur, L. I]

— Sire, est-ce qu’on est obligés de perdre du temps avec tous les pignoufs de la région qui se prennent pour des exploitants ?

[Spiritueux, Belt, L. II]

— C’est un pignouf de chez moi qui veut jouer les durs !

[Les Cousins, Galessin, L. III]

— Pignouuuuuuuuf !

[La Potion de fécondité II, Séli, L. III]

— C’est calme, et je suis pas dérangé, à part par les pignoufs dans votre style…

[La Clandestine, Arthur, L. IV]

— Je sais que j’passe pour le roi des pignoufs aux yeux de beaucoup !

[Loth et le Graal, Loth, L. IV]

— Moi j’travaille pas avec des pignoufs cupides et arrivistes qui n’ont pas deux ronds de moralité !

[La Démission, Merlin, L. V]

Quelle belle sonorité ! Espèce de pignouf ! Pas étonnant qu’on le retrouve également dans le vocabulaire fleuri du capitaine Haddock, et que ce soit l’un des classiques de Kaamelott… Le pignouf est, comme le glandu*, mal dégrossi. Flaubert l’utilisa pour précisément dénoncer les importuns, les briseurs de rêves, les grossiers, en formant aussi la « pignouferie » et le « pignoufisme » ! Nous apprenons que l’insulte descend du verbe dialectal « pigner », qui signifie « pleurer, pleurnicher », et que dans l’argot des cordonniers du XIXe  siècle, le pignouf désignait l’apprenti. « Pignouf » appliqué au marchand d’esclaves Venek, le prêt-à-tout, le sans-gêne, est plutôt approprié !

Sagouin

— Y en a marre de se comporter comme des sagouins sous prétexte qu’on a des responsabilités.

[La Tarte aux myrtilles, Séli, L. I]

Que ce terme est ancien ! Bon, peut-être pas contemporain du cycle arthurien, mais fin XVIIe, tout de même ! Nous sommes dans le grand bestiaire dépréciatif, visant à associer des traits de caractères saillants de l’individu à des comportements animaliers : la zoomorphie… Les cochons savent de quoi nous parlons ! Mais ici, il s’agit d’un petit singe d’Amérique du Sud à longue queue, apparenté aux ouistitis. C’est si mignon ! En revanche se comporter en sagouin l’est beaucoup moins, puisque c’est le signe de saleté, d’irrespect. Avouez que ça sonne bien, en tout cas ! Et surtout dans la bouche d’une dame.

A lire aussi : "Petit crapahut dans le parler de Kaamelott à l'usage des pégus et du gratin" : "pantalonnade", "baltringue", "pinard", "paltoquet", "vanne"

Extrait du livre de Stéphane Encel, « Petit crapahut dans le parler de Kaamelott à l'usage des pégus et du gratin », chez Le Passeur éditeur.

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