Le sang est son métier : profession nourrice de moustiques (mangez-moi, mangez-moi, mangez-moi) <!-- --> | Atlantico.fr
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Moustique en pleine action
Moustique en pleine action
©Wikipédia commons

Synthèse

Une éleveuse de moustiques raconte comment elle participe aux recherches sur la malaria en faisant de ses bras un terrain de jeu idéal pour ces insectes assoiffés de sang.

La recherche pour mieux connaître la malaria a besoin d'un solide ravitaillement en moustiques. L'élevage de ces derniers est une activité qui demande beaucoup de sacrifices. La pire chose qu'il existe quand il faut nourrir des centaines de moustiques avec son sang, ce ne sont pas les démangeaisons. A force d'être piqué, la peau s'habitue. Ce n'est pas non plus la douleur. Non, le pire, c'est quand ils prennent leur temps à vous piquer. 

Chiara Andolina raconte son activité au site Pacific Standard. Elle est spécialiste des maladies infectieuses et elle travaille à l'unité de recherche de Shoklo contre la malaria (SMRU), l'un des laboratoires les plus renommés au monde concernant cette maladie aussi connue sous le terme de paludisme. Elle dirige une unité où les moustiques sont élevés et ensuite volontairement infectés par le parasite plasmodium qui est à l'origine de la maladie dont plus de 600 000 victimes ont été répertoriées en 2012. L'insecte est ensuite disséqué. 

En Afrique, la malaria est transmise par l' "Anopheles gambiae", un moustique robuste et sans foi découvert en 1818. L'insecte peut tenir plusieurs jours sans se nourrir de sang. Il endure des conditions de vie environnementales très difficiles. Il boit du sang de lapins, de vaches ou  tout autre animal où sa trompe va pouvoir s'implanter. Son lointain cousin asiatique, l' "Anopheles dirus", est différent et nous concerne directement. Il est beaucoup plus craintif et exigeant. Il ne se nourrit que de sang humain.

Ne jamais faire sortir un moustique infesté

Tous les quatre jours pour nourrir ces bêtes sanguinaires, Chiara Andolina  passe son bras dans une chaussette en mousseline pendant une demi-heure. Elle se laisse piquer la peau. "Ils sont très gâtés", raconte-t-elle. Ce sont environ 600 moustiques qui profitent chaque jour du sang de Chiara sans qu'aucun bouton ni aucune rougeur n'apparaisse puisqu'elle a développé une résistance à l'allergène de leur salive. Ce n'est pas le cas de son patron qui a le bras rempli de rougeurs après avoir remplacé pendant deux semaines son employée. Chiara est la seule habilitée à les nourrir pour éviter qu'il arrive ce genre de mésaventures à un de ses collègues. Depuis, plus personne ne s'y est essayé. 

La  chercheuse possède deux boîtes dans lesquelles se trouvent des "Anopheles dirus" B and C. Ces deux types de colonies ont la même apparence mais pas la même fonction et c'est pour cette raison qu'ils ne doivent jamais être en contact. Ils transmettent une forme de malaria complètement différentes. Il y a quelques années, Chiara a passé quelques années sur une expérience, mais cela n'avait pas fonctionné comme elle n'avait pas pris la bonne colonie. La moindre erreur ne pardonne pas. 

Chez cette espèce, seules les femelles boivent du sang, et elles utilisent les protéines de leurs repas pour en faire la coquille de leurs oeufs. Pour la reproduction, les "Anopheles dirus" sont aussi pointilleux que lorsqu'il faut piquer l'humain. Du coup, il faut souvent procéder à des inséminations forcées. Pour cela, Chiara décapite le mâle, anesthésie la femelle avec de l'ether. Puis, elle introduit le mâle toujours en activité malgré le fait qu'il n'a plus sa tête, dans la femelle. Tout cela se fait au microscope au début puis à main nue pour l'experte qu'elle est devenue. Les larves sont ensuite soigneusement conservées et nourries par Chiara. Un mois après leur naissance, les oeufs sont devenus adultes. Ils sont prêts à recevoir le virus de la malaria. Voilà comment Chiara procède pour les infecter. Elle charge dans une pompe un échantillon de sang d'humains infectés par la malaria. Le sang est ensuite déposé dans un cylindre gris. Elle place le tout au-dessus d'une feuille de mousseline drapée où se trouve des dizaines de moustiques. Les moustiques piquent la membrane remplie de sang et sont contaminés.

Une fois qu'ils sont infectés, la sécurité est primordiale. La loi veut qu'il y ait quatre portes entre eux et le monde extérieur, donc ils sont retenus dans un incubateur dans l'une des trois chambres communicantes. Chiara les comptent tous les jours pour s'assurer qu'aucun d'entre eux ne s'est échappé. S'il lui arrivait d'en oublier un, chose qui n'est jamais arrivée pour l'heure, elle n'aurait alors la permission de quitter le laboratoire qu'au moment où elle le trouverait pour le tuer.

"Je ne fais pas ces expériences parce que j'aime les moustiques", explique-t-elle. Mais elle sait que son travail créé une réserve de parasites disponible immédiatement. Elle fournit ainsi des collaborateurs qui se trouvent à Paris et Singapour, qui essaient de créer de nouveaux médicaments qui ciblent les parasites porteurs du paludisme. 

Plus directement, elle veut voir si un médicament appelé Primaquine peut aider à casser le cycle de la transmission de la malaria. Un nouveau challenge d'envergure pour celle qui fait avancer la recherche chaque jour en tendant le bras à des moustiques. Un bien drôle de métier, mais indispensable.

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