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"Quand ils nous tueront, ne dis jamais rien de mal sur Clyde" : les derniers mots de Bonnie Parker à sa mère...
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Bonnes feuilles

Elles sont meurtrières, frondeuses, séductrices, esprits rebelles et libres, elles ont choisi d'être des Lady Scarface, à la vie à la mort... De la naissance des bordels de Chicago à celle d'Hollywood, Diane Ducret nous plonge dans l'intimité des "fiancées de la poudre", les femmes du clan d'Al Capone et autres gangsters qui ont fait trembler le monde. Extrait de "Lady Scarface" de Diane Ducret, aux éditions Perrin 2/2

Diane Ducret

Diane Ducret

Diane Ducret est une journaliste, philosophe et historienne.

Elle collabore à la rédaction de documentaires historiques pour la télévision et est aussi chroniqueuse occasionnelle sur Europe1 dans l'émission de Laurent Ruquier, On va s'gêner. Son premier livre, Femmes de dictateur, est paru en 2011 aux éditions Perrin.

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Le choix de Bonnie

Les fins de mois sont toutes difficiles pour Bonnie et Clyde, l’argent venant à manquer sitôt le dernier braquage achevé. Clyde cambriole la First National Bank d’Iowa. Bonnie l’attend dans la voiture, tandis qu’il rapporte un maigre butin de 70 dollars. La vie vaut-elle d’être risquée pour si peu ?

Bonnie Parker est lassée de la route, de cette vie d’errance, constamment sous tension, à l’opposé de l’idéal qu’elle avait projeté. Elle se rêve à présent en mère de famille à la vie réglée comme du papier à musique dans une petite villa bien comme il faut. En Louisiane, à Bienville Parish, elle a repéré une maison à retaper susceptible de concrétiser son souhait. Il s’agit d’une masure en bois de quatre chambres au toit éventré et branlant, au bout d’une allée d’arbres, dans laquelle les anciens propriétaires et leurs deux filles sont décédés de la tuberculose quelques années auparavant. Il ne reste presque plus de meubles à l’intérieur, mais qu’importe, c’est le mirage d’un foyer. Elle pourrait réparer le toit, mettre des rideaux en dentelle aux fenêtres. La petite bourgade de fermes poussiéreuses n’a pas encore le confort de la modernité ; ici, guère de téléphone, de cinéma ou de théâtre, encore moins de dancing. Une partie de la jeune femme préservée du monde à feu et à sang qui l’entoure nourrit toujours l’espoir d’avoir un bébé. Mais Bonnie reste aussi un félin à l’intuition exacerbée. Elle doit revoir sa mère qu’elle a abandonnée, et elle doit le faire maintenant, après il sera trop tard. Le compte à rebours a commencé. Elle demande à Clyde de la ramener à Dallas, auprès d’elle. Pour une fois, c’est à lui de ne pas poser de questions.

Le 5 mai 1934, le couple arrive dans la ville où la police du pays tout entier s’est donné rendez-vous pour le traquer. Clyde passe devant la station-service des Barrow, il y jette une bouteille en verre contenant un mot avec des instructions pour les retrouver le soir même, à quelques kilomètres de là.

Entre les voitures, allongée dans un champ sur des couvertures, Bonnie peut enfin embrasser sa mère. Elle lui parle deux heures durant, cela faisait si longtemps qu’elle ne l’avait pas vue. Pour Emma Parker, le temps s’est arrêté depuis son départ. Aussi les retrouvailles sont-elles intenses, bien que teintées de tristesse : "Maman, quand ils nous tueront, ne les laisse pas m’emmener dans un funérarium, d’accord ? Ramène-moi à la maison". Emma Parker regarde sa fille avec des yeux révulsés ; sa petite poupée ne peut prononcer de tels mots avec une telle détermination. "Ne sois pas bouleversée, maman, pourquoi ne pas en parler ? Cela va arriver bientôt. Tu le sais, je le sais. Tout le Texas le sait. Ramène-moi à la maison quand je serai morte. Cela fait tellement longtemps que je n’ai pas été chez nous. Je veux être allongée dans le salon avec toi assise à côté de moi. Une longue, calme et paisible nuit ensemble avant de te quitter." Emma Parker se sent à cet instant en partie morte, le poids du monde vient de lester son être tout entier. "Et une dernière chose. Quand ils nous tueront, ne dis jamais rien de mal sur Clyde. Promets-le-moi aussi, s’il te plaît."

Le 23 mai 1934, arrive sur la table du médecin légiste le corps sans vie de Bonnie Parker dans une robe rouge et chaussures assorties. Sous la petite croix en or jaune pendue à son cou, une balle s’est logée dans la poitrine, une autre derrière l’oreille, une au-dessus du genou droit, d’autres dans la cuisse droite, dans la bouche, dans la mâchoire gauche, la clavicule gauche, le coude gauche, deux sont entrées derrière l’épaule gauche, une dans la poitrine, près du cœur, six dans le dos ; un doigt a été presque arraché et des morceaux de verre se sont fichés un peu partout. Un carnage.

A l’heure du déjeuner, les corps des deux défunts arrivent au magasin de meubles Conger’s, à Arcadia, qui fait également office de maison funéraire. Une foule de près de 15 000 personnes se presse pour les apercevoir avant qu’ils ne soient enlevés le lendemain pour être transportés vers Dallas, où ils reposeront.

Le corps de Bonnie est conduit à la maison funéraire McCamy Campbell. L’embaumeur s’occupe avec délicatesse de son pauvre visage en charpie et reconstitue ses traits défaits par les impacts de balle, afin qu’elle soit présentable pour sa dernière apparition publique. En une seule journée, près de 20 000 personnes font le déplacement pour voir celle que le bureau d’investigation avait décrite comme "une chose toute frêle, pas plus de 45 kg toute mouillée et des yeux affreusement plissés". La plus grande couronne de fleurs vient des vendeurs de journaux de Dallas, en remerciement pour les centaines de milliers d’exemplaires qu’elle leur a fait écouler. A son doigt, la bague de fiançailles de Roy ; dans son sac, le mot de Clyde : "Tu es la meilleure petite amie du monde pour moi. Je t’aime." Le couple réalise son rêve, mourir ensemble. Pourtant Clyde est mort célibataire, Bonnie en femme mariée… Hoover croit avoir remporté la guerre contre les fiancées de la poudre. Il ne s’agit pourtant que d’une bataille.

Les petites prisonnières modèles de Mme Roosevelt

Deux jours plus tard, le 25 mai 1934, les trois grâces de Dillinger, Jean Crampton, Marie Conforti et Helen Gillis, arrêtées lors de l’attaque du lodge de la Petite Bohême, comparaissent devant le juge. Apprenant au tribunal la mort violente de Bonnie Parker et Clyde Barrow, Helen fait remarquer à ses camarades : "C’est si romantique qu’ils soient morts ensemble." Trouvent-elles également romantique leur propre condamnation à un an de prison ? Nettement moins, même si elles sont conscientes d’avoir échappé au pire.

Le juge fait d’ailleurs preuve d’une mansuétude peu habituelle et commue leur peine : il leur ordonne de rentrer chez elles pour devenir de bonnes épouses et mères à la vie rangée. La clémence a ses raisons : pour traquer un homme, rien de plus simple, mettez un fil à la patte de sa femme ! Il pense, en les relâchant, qu’elles le conduiront tout droit à leurs gangsters. Erreur ! Les trois jeunes femmes échappent bien vite à la surveillance des agents et rejoignent leurs compagnons.

Mais il n’y a guère de liberté, il n’y a que des instants volés.

Extrait de "Lady Scarface" de Diane Ducret, publié aux éditions Perrin, avril 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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