"La poursuite de l'idéal" de Patrice Jean : un roman d’apprentissage étincelant<!-- --> | Atlantico.fr
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Patrice Jean a publié "La poursuite de l'idéal" aux éditions Gallimard.
Patrice Jean a publié "La poursuite de l'idéal" aux éditions Gallimard.
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Patrice Jean a publié "La poursuite de l'idéal" aux éditions Gallimard.

Marie De Benoist pour Culture Tops

Marie De Benoist est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

 

 

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"La poursuite de l'idéal" de Patrice Jean

Gallimard, 21 janvier 2021 - 486 pages - 23 €

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Thème

A la fin de ses études, Cyrille Bertrand s’interroge sur lui-même et sur son avenir. Il comprend qu’il doit échapper à la médiocrité de son milieu social, mais comment ? Etre poète, en menant une existence d’esthète raffiné et cultivé à l’image de Valéry Larbaud, voilà son rêve ! Il aimerait aussi imiter l’aisance naturelle de son ami Ambroise, qui appartient  à cette haute bourgeoisie, faite pour la réussite et le bonheur. Hélas, « notre héros » se heurte à la réalité prosaïque d’emplois subalternes assommants et ingrats. Son parcours est d’abord jalonné d’échecs professionnels et amoureux. Puis le temps s’accélère, la vie va lui sourire grâce à la rencontre d’Amandine, belle, élégante et intelligente, et surtout grâce à la sœur de son ami qui l’introduit au ministère de la culture. Il s’occupe de la création d’un Musée de la Littérature française avec un vieil universitaire revenu de tout : cet épicurien solitaire et désinvolte incarne à ses yeux la supériorité d’un esprit libre. Cyrille entrevoit même son « idéal » lors d’une nuit poétique et enchanteresse à Naples ! Rattrapé par l’air du temps utilitariste et toujours poussé par Ambroise, il devient scénariste d’une série télévisée à succès, c’est l’apothéose ! Mais ce triomphe, obtenu au prix de compromissions et de trahisons indispensables pour avancer dans ce monde qu’il déteste, lui laisse un goût amer.

Points forts

• Nous suivons l’itinéraire de Cyrille, héros ou plutôt antihéros en conflit avec la société qu’il découvre, puisqu’elle ne correspond pas à ses aspirations profondes. Sensible, rêveur, idéaliste, il doute de lui-même et des autres, et se complaît dans l’insatisfaction. Partagé à l’égard des femmes entre ses élans romantiques et ses désirs sensuels, il ira de désillusions en désillusions. Au fond, épris de légèreté, d’élégance, de raffinement, de beauté, d’élévation morale et spirituelle, il ne peut que rejeter son époque qu’il juge vulgaire, inculte, abrutie par la consommation, le règne des écrans et le divertissement obligatoire.

• L’esprit d’observation de l’auteur se vérifie à chaque page dans sa précision et sa justesse : il brosse des portraits courts et incisifs grâce à un sens du détail significatif, il décrit avec le même talent des moments intimes ou des scènes plus amples et il reproduit des dialogues tranchants et drôles d’une vérité saisissante.

• Il porte un regard acéré sur les mœurs, les mentalités et les courants de pensée d’aujourd’hui. Tout y passe avec une liberté de ton rare ! La peinture caustique des milieux culturels ne manque pas d’humour, dans certains passages mémorables, comme le Festival d’Avignon ou l’interview du sociologue de gauche … Il se moque des discours à la mode, des consciences morales donneuses de leçons, des indignations à bon compte, du vandalisme des manifestations. Il déplore le reniement de notre propre culture, au profit d’une américanisation envahissante ou du multiculturalisme.

• Une belle écriture classique et fluide, tellement agréable à lire : un sens de la formule, de nombreux aphorismes, des trouvailles originales.

Points faibles

Je n’en vois aucun.

En deux mots ...

Patrice Jean nous propose un chef d’œuvre foisonnant, au souffle intense, qui allie la force de l’évocation à la finesse de l’analyse. Il brasse avec ambition les réalités morales, sociales et culturelles, qui reflètent si bien notre époque. Son grand sujet reste la littérature comme refuge suprême ! D’ailleurs ce roman d’apprentissage étincelant se nourrit de nombreuses références littéraires et s’inscrit dans la filiation de Balzac, Stendhal et Flaubert.

Un extrait

« L’écrit, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, s’abaissait (ou se hissait) à l’évanescence de la parole. » p.151

« Il fomentera loin de tout  un mauvais coup, c’est-à-dire un roman. Il prendra à la gorge son époque ; il la connaît … Il écrira un roman pour se désolidariser de son temps. » p.479

L'auteur

Né à Nantes en 1966, Patrice Jean, professeur de lettres, a publié cinq romans aux Éditions Rue Fromentin, dont Revenirà Lisbonneou l’imposture amoureuse (2016), L’Homme surnuméraire ( 2017), au succès reconnu, et Tour d’ivoire (2019).

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